Aux toutes dernières nouvelles, l’ancien gouverneur de l’ex. province du Katanga s’est rendu à l’Ambassade de la RD Congo en Belgique, à Bruxelles. Comme tout citoyen congolais lambda, l’homme qui a réussi une véritable OPA sur l’opposition radicale de la RD Congo à coups de billets verts il y a 3 ans et demi après avoir démissionné du PPRD et de la majorité présidentielle en septembre 2015 serait allé solliciter un nouveau passeport pouvant lui permettre de regagner la RDC. Katumbi, qui n’a eu de cesse depuis son « évacuation médicale » de Lubumbashi où il avait maille partir avec la justice saisie par une victime de turpitudes perpétrées lorsqu’il exerçait les fonctions de gouverneur de la riche province cuprifère de se bombarder candidat à l’élection présidentielle 6 mois à peine après son arrivée chez les opposants ajoutait ainsi un épisode supplémentaire dans la saga de son incessante errance en Europe et en Amérique, même si c’est de notoriété publique : des nationalités, le rd congolais d’origine juive-séfarade en possède plus d’une. Cela fait plus d’un an maintenant que Moïse Katumbi Chapwe ne rate pas aucune occasion pour annoncer son « retour incessant au pays » (selon Olivier Kamitatu, l’ancien speaker du parlement congolais devenu son porte-parole de plus en plus aphone). De fait, Katumbi n’a jamais approché l’échelle de coupé d’un aéronef en partance vers son pays où une condamnation judiciaire reste suspendue sur sa tête. Son excursion à l’ambassade rd congolaise de Bruxelles ressemble donc davantage à un coup médiatique de plus qu’à une réelle démarche consulaire qui, comme chacun le sait, prend de nombreux jours avant d’être menée à terme. « Même à Kinshasa où tout se paie, nul n’imagine qu’il soit possible d’obtenir un passeport aussi facilement », commente ce retraité belgo-rd congolais qui vit entre deux avions dans le cadre de ses affaires. « Katumbi ne pouvait donc s’attendre à remplir les formalités d’usage pour l’obtention d’un passeport dans un pays étranger et être servi le même jour », raille-t-il, après avoir pris connaissance de l’information livrée par nos confrères de « La Libre Afrique ».
Coup médiatique
Le supplément du quotidien « La Libre Belgique », manifestement conçu pour soutenir l’action politique du candidat président opposant (H. Leclerq, un de ses principaux rédacteurs est notoirement connu sur la place de Bruxelles comme l’interface de Katumbi pour la presse en Occident), présentait mardi dernier la démarche de l’ancien gouverneur du Katanga à l’ambassade de la République démocratique du Congo comme une épopée conquérante. Qui a néanmoins la particularité de ne rien ajouter au bilan du patron du G7 à la tête de l’opposition politique de son pays dont il s’est accaparé sans coup férir.
Quelque 3 ans et demi après, l’arrivisme du gouverneur katangais dans les rangs de l’opposition se révèle plus assassine que salvatrice. C’est à peine si on peut encore sérieusement parler de l’existence de cette frange de l’opposition radicale en RD Congo où les rangs des contestataires se sont distendus au point d’inciter quelques princes de l’église catholique anti-kabilistes forcenés à décider de voler à son secours. De l’UDPS, ce parti politique connu pour sa longue lutte contre la dictature mobutiste dans les années ’90, à l’Union pour la Nation Congolaise du versatile Vital Kamerhe, le sud-kivutien arrivé 3ème à l’issue de la présidentielle 2011 en passant par le Mouvement de Libération du Congo du prisonnier de la Cour pénale internationale Jean-Pierre Bemba Gombo (2ème de la présidentielle 2006) et les petits partis politiques à un ou deux élus nationaux, aucun leader sérieux n’a pu émerger de ce fatras qu’est devenu le G7 qui, ayant perdu en route un de ses membres fondateurs, l’ACO de Dany Banza, est devenu le G6. Les billets verts distribués à profusion par l’ancien gouverneur de l’ex. province du Katanga sont passés par là.
Fédérer ou atomiser l’opposition
Au départ de son action politique, pourtant, Moïse Katumbi Chapwe a donné l’impression de n’être animé que par la volonté de « fédérer les forces de l’opposition politique de la RD Congo contre le pouvoir de Joseph Kabila et sa majorité présidentielle ». Le richissime ex. gouverneur se garde jusque-là de créer un véritable parti politique. La plate-forme qu’il crée, qui comptait 7 partis politiques avant le départ de Dany Banza, suffit à son bonheur. Ce sont les 7 l’ont « coopté » (hors délai) comme leur candidat à la prochaine élection présidentielle, sans se donner la peine de quérir l’opinion des leaders des autres formations politiques de l’opposition qu’il prétend vouloir fédérer. De points de vue autre que le sien, « Monsieur tiroir-caisse », ainsi qu’on désigne le nouveau candidat à la présidence de la RD Congo, n’a que faire en réalité. Les billets de banque qu’il distribue à profusion plaident en sa faveur. Des rangs de nombre de partis-mallettes d’une opposition émiettée, du beau monde ont accouru ventre à terre, incitant Katumbi à lancer l’idée de primaires pour désigner le candidat unique des opposants à la présidentielle. Mais le projet a coincé. Du côté de l’Union pour la nation congolaise (UNC) dont la tête d’affiche, Vital Kamerhe Lwa Kaningini, était déjà candidat à la dernière présidentielle. L’élu national de Bukavu en 2006 (2ème député national le mieux élu du pays après … Moïse Katumbi à Lubumbashi) a jugé l’idée saugrenue, allant jusqu’à le clamer tout haut : « elle ne consolidera pas l’unité de l’opposition », a-t-il prévenu. Ni celle de son propre parti politique, comme il s’en rendra compte 3 mois plus tard.
Le piège mortel de Bruxelles-Genval
Du 8 au 10 juin 2016 s’est tenu à l’hôtel du Château du Lac à Genval, à une vingtaine de km au sud de Bruxelles, le conclave consacrant la création d’une grande plateforme de l’opposition rd congolaise. Sur ce site idyllique qui avait déjà abrité le mariage de Moïse et Carine Katumbi Chapwe avaient été conviés à ses frais, presque tout le gratin de l’opposition politique et de la société civile rd congolaise, à l’exception notable du MLC de Jean-Pierre Bemba et de l’UNC de Vital Kamerhe, dont néanmoins deux principaux lieutenants grassement rétribués par le richissime ex.gouverneur katangais accepteront de participer intuitu personae : André-Claudel Lubaya et Jean-Bertrand Ewanga Is’ewanga. « C’est une rencontre qui aurait tout aussi bien se tenir à l’Hôtel du Fleuve à Kinshasa », dénoncera mollement Kamerhe que des chroniqueurs soupçonnent d’avoir bénéficié d’une partie du pactole…
Au terme des assises de Genval, le 10 juin 2016, un comité de suivi des résolutions est créé, c’est le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (Rassop), dont une sorte de présidence honorifique est confiée à Etienne Tshisekedi (la présidence du comité des sages). Le vieil opposant, déjà très malade avait également pris part aux travaux. Le 30 août 2016, Jean-Bertrand Ewanga, jusque-là secrétaire général du parti politique de Vital Kamerhe, rendra publique sa démission, de ses fonctions seulement, assurait-il. Quelque 72 heures plus tard, André-Claudel Lubaya, son alter ego, annonçait sur les réseaux sociaux avoir lui aussi adressé une lettre démission au président de l’UNC. C’était le début d’une saignée sans précédent qui verra le parti de Kamerhe perdre ses plus fines lames : Sam Bokolombe (élu national et ancien patron de la Direction générale des Impôts), le député Alain Mbaya Kakasu, la juriste Odette Babandoa (ex. ministre des transports et communication sous Mzee Laurent-Désiré Kabila) … tous ont déserté le radeau rouge et blanc (les couleurs de l’UNC) aujourd’hui en état de désintégration avancée.
La déroute de l’UNC
L’UDPS d’Etienne Tshisekedi n’échappera pas, elle non plus, aux ravages des billets verts de Katumbi, malgré les premières apparences. Les fonctions de président du comité des sages du Rassop confiées au vieux ‘lider maximo’ de la naguère « fille aînée de l’opposition » ne dépassaient guère le seuil du symbolique, selon la plupart des participants au Conclave de Genval pour lesquels « il avait fallu taire les ambitions des présidentiables pour préserver l’unité de l’opposition ». A nos confrères du quotidien Le Monde, le chef d’un parti politique de l’opposition avait cyniquement confié à ce propos que « Monsieur Etienne Tshisekedi n’est pas capable, physiquement, d’être président du Congo ». L’avenir politique taillé sur mesure pour le vieil opposant au Maréchal Mobutu semblait donc, dès le départ, limité à faire place nette pour Moïse Katumbi, le vrai tireur de ficelles du conclave de Bruxelles-Genval.
Bravant les conseils de ses médecins, c’est un Tshisekedi pourtant astreint au repos nécessité par les soins palliatifs lui prodigués à la clinique Sainte Elisabeth d’Uccle qui rapplique à Kinshasa par l’aéroport international de Ndjili mercredi 27 juillet 2016. Il va littéralement épuiser ses dernières forces dans la lutte politique au corps-à-corps (meetings populaires, mobilisations des actions de rue…) pour faire vaciller Joseph Kabila et sa majorité au pouvoir avant tout dialogue politique. Le vieil opposant mettra 5 heures pour fendre la marée humaine venue l’accueillir et gagner sa résidence de la commune de Limete, à une vingtaine de km de l’aéroport. 4 jours plus tard, le 31 juillet 2016, le président du conseil des sages du Rassop présidera un long meeting populaire sur boulevard Triomphal dans la commune de Kasavubu. La prestation publique révèle un homme plus entamé par la maladie et l’âge que jamais : expression hésitante et hachée, à la limite de l’incohérence, répétition automatique de phrases et d’expressions ressassées depuis une vingtaine d’années. Pas besoin d’être médecin pour comprendre que cet homme-là est, à l’évidence, manipulé comme une marionnette : le discours du boulevard Triomphal fut celui d’un acteur de théâtre qui a oublié son texte et se le fait souffler. Sur tout ce qui fait appel à la mémoire, Etienne Tshisekedi a failli, se trompant de dates, d’échéances politiques et d’événements. C’est le même Tshisekedi qui prendra part au dialogue politique facilité par les évêques de la Conférence Episcopale Nationale (CENCO) au Centre interdiocésain de Kinshasa, ponctués par la signature de l’accord dit de la Saint Sylvestre le 31 décembre 2016.
L’UDPS perd les pédales et son chef
In cauda venenum. C’est dans la mise en œuvre des mesures d’application de l’accord signé fin décembre 2016 que se révèle le plan machiavélique de Moïse Katumbi. Il consiste à la fois à écorner le pouvoir de Joseph Kabila avant la tenue des nouvelles élections et à partager quasiment le pouvoir d’Etat avec le Chef de l’Etat en s’emparant de l’exécutif (la primature, en fait) et du comité national de suivi (CNSA) chargé de surveiller la mise en œuvre de l’accord. Epuisé par son activisme politique aussi démesuré qu’imprudent des derniers mois, Etienne Tshisekedi doit être ramené en avion médicalisé à Bruxelles avant d’y rendre l’âme début février 2017 « seul et abandonné par ses proches » selon son vieil ami Soriano Katebe Katoto, demi-frère de Moïse Katumbi. Sans états d’âme, ce dernier poursuit la manœuvre et le fait remplacer par le G7 Pierre Lumbi, l’ancien conseiller spécial de Joseph Kabila en matière de sécurité désigné cavalièrement président du CNSA par Félix Tshisekedi, le complice de Katumbi, au grand dam d’une partie de l’UDPS, du MLC et de l’UNC qui tous lorgnaient sur le poste. En même temps qu’il assène un coup mortel au parti d’Etienne Tshisekedi que le président du TP Mazembe dribble post mortem en pesant de tout le poids de ses prébendes pour faire exiger par les évêques facilitateurs du dialogue de décembre 2016 la désignation sans autre forme de procédure de son fils, Félix Tshisekedi, 1er ministre du gouvernement d’union prévu dans l’accord de la St Sylvestre. Ce sera le coup de grâce pour l’UDPS qui a, depuis cet épisode, volé en éclats. Inexpérimenté, grossier, peu instruit et très maladroit, Félix Tshilombo Tshisekedi ne présente que l’avantage d’être manipulable à souhait par Moïse Katumbi. Le richissime ex gouverneur lui avait entre temps collé aux basques un secrétaire-général, Jean-Marc Kabund, dont le principal trait de compétence réside dans sa proximité avec… le liquidateur de l’UDPS. Le duo Tshilombo-Kabund se lance aussitôt dans une véritable chasse aux sorcières contre le dernier carré des fidèles du leader décédé le 2 février 2017, qui présentent l’inconvénient de faire obstruction à l’accession à la primature du gouvernement d’union de l’héritier Tshilombo Tshisekedi.
Le 4 mars 2017, Bruno Tshibala Zenzhe, proche collaborateur et porte-parole d’Etienne Tshisekedi jusqu’à son décès est « auto-exclu de l’UDPS ». Un mois plus tard, le 5 avril 2017, Jean-Marc Kabund le nouveau secrétaire général du parti signe un communiqué constatant l’auto-exclusion de l’ingénieur Valentin Mubake, le conseiller politique de tous les temps qu’Etienne Tshisekedi avait personnellement chargé de représenter le parti au dialogue du centre catholique interdiocésain. L’UDPS-Tshisekedi avait rendu l’âme. Et avec elle, ce qui restait de l’opposition politique radicale en RD Congo.
En 3 ans et demi, Moïse Katumbi Chapwe aura réussi l’exploit d’atomiser totalement l’opposition politique en lui faisant perdre aussi bien son existence concrète que toute crédibilité auprès de l’opinion publique.
J.N.