C’est effectif depuis jeudi 8 décembre 2016. Les pourparlers de consolidation de la paix entre les congolais sous les auspices des évêques de la Conférence Nationale Episcopale du Congo (CENCO) ont ouvert leurs portes. Initiés par le Président Joseph Kabila aux fins d’élargir davantage l’adhésion à l’accord politique de la Cité de l’OUA du 18 octobre dernier, les assises ouvertes au Centre interdiocésain de Kinshasa Gombe mettent en face 30 participants qui discuteront durant 5 jours. A raison de 15 participants issus du dialogue politique national de la Cité de l’OUA, et de 15 autres, délégués du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement et du Front pour la défense de la constitution, le MLC et alliés, en fait. Basés sur l’accord politique du 18 octobre 2016, les pourparlers visent le règlement des points de désaccords qui persistent par rapport aux propositions transmises par le Rassop aux évêques pour discussions avec la Majorité Présidentielle.
Jeudi 8 décembre fut consacré aux habituels discours d’ouverture. Principalement, celui des hôtes des assises, les évêques de la CENCO. C’est leur président, Mgr Marcel Utembi, l’Archevêque de Kisangani, qui a tenté de mettre tout ce beau monde à l’aise avant de prodiguer de sages conseils. Remerciements ci, reconnaissance là, Marcel Utembi a tenu à élever tout le monde au-dessus de tout soupçon de mauvaise foi. A commencer par le Chef de l’Etat, qui, a-t-il rappelé, a encouragé et soutient la mission des bons offices confiée la CENCO, en passant par Etienne Tshisekedi, qui leur accordé confiance et visite le 6 décembre dernier et les co-modérateurs de la majorité présidentielle et de l’opposition au dialogue politique national de la Cité de l’OUA.
Néanmoins, le prélat n’a pas loupé l’occasion de rappeler aux acteurs politiques que l’essentiel consistait non pas en leurs agendas particuliers en ce que le peuple de la RD Congo attendait d’eux et des pourparlers du Centre interdiocésain : « Ce peuple attend principalement que les conclusions de ces travaux conduisent urgemment à la réconciliation entre les acteurs politiques, à la paix et à l’organisation des élections démocratiques, crédibles et apaisées afin d’ouvrir le chemin vers l’alternance politique pacifique comme l’exige la Constitution ».
D’où l’appel à des comportements plus constructifs que destructifs, à la plus grande responsabilité autant qu’à une réelle culture de la concorde et de la paix : « J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin que tu vives toi et ta postérité » (Deutéronome 30, 19), a insisté Marcel Utembi, citant un passage biblique fort à propos.
Le lecteur lira ci-après l’intégralité du discours du président de la CENCO.
J.N.
CONFERENCE EPISCOPALE NATIONALE DU CONGO
PRESIDENCE
POURPARLERS DE CONSOLIDATION DE LA PAIX ENTRE CONGOLAIS
DISCOURS D’OUVERTURE
Excellence Monsieur le Premier Ministre,
Eminence, Monsieur le Cardinal,
Honorable Président de l’Assemblée Nationale,
Honorable Président du Sénat,
Monsieur le Directeur de Cabinet du Président de la République,
Mesdames et Messieurs les participants, en vos titres et qualités respectives,
Distingués invités
Au nom de la Conférence Episcopale Nationale du Congo, CENCO en sigle, nous vous souhaitons la bienvenue aux présentes assises que nous plaçons sous le signe de l’espérance et de la réconciliation nationale.
Le vendredi 02 décembre 2016, la CENCO a tenu un point de presse sur sa mission de bons offices auprès des acteurs politiques et des forces vives de la Nations dans l’impérieux souci de contribuer à ramener la paix et la cohésion nationale. Cette mission est encouragée et cautionnée par le Président de la République, les acteurs politiques et sociaux ayant pris part au Dialogue National tenu à la Cité de l’Union Africaine, d’une part, et par ceux qui n’ont pas participé à ce dialogue, d’autre part. L’initiative de la CENCO est également soutenue par le Peuple congolais ainsi que par l’ensemble de la Communauté internationale.
La CENCO est allée à la rencontre des parties prenantes pour les écouter et recueillir leurs analyses et propositions en vue de rapprocher les points de vue des uns et des autres pour une sortie pacifique de la crise sociopolitique que connaît notre pays. Elle s’est donnée le temps nécessaire, tenant compte de la délicatesse de la mission, pour approfondir, outre l’Accord politique issu du Dialogue national, les documents mis à sa disposition par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement et par le Front pour le respect de la Constitution.
Ce travail synoptique a relevé d’importants points de convergence entre les différentes positions des parties prenantes, mais aussi des points de divergences mentionnés dans le communiqué de presse de la CENCO du 2 décembre 2016.
Les présentes assises sont organisées justement pour donner aux délégués de trois grandes composantes (Majorité Présidentielle, Opposition et Société civile) signataires de l’Accord politique du 18 octobre 2016 et de ceux qui n’ont pas pris part au Dialogue National tenu à la Cité de l’Union Africaine (le Rassemblement, le Front pour le respect de la Constitution et la Société civile), le précieux temps de travailler ensemble, dans un format réduit et composé de 30 personnes. Ce travail portera essentiellement sur l’examen des points de divergence afin d’obtenir des solutions quant à ce pour un large consensus.
Mesdames et Messieurs qui prendrez une part active aux travaux lancés à ce jour,
L’heure est grave, la population congolaise toute entière nous regarde : raison pour laquelle nous serons tous appelés au cours de ces assises à nous dépasser et à donner le meilleur de nous-mêmes pour offrir à notre cher et beau pays une paix durable, une occasion de consolider la démocratie chèrement acquise et lui éviter un enlisement aux conséquences néfastes.
La Conférence Episcopale Nationale du Congo vous remercie très sincèrement d’avoir donné suite à son invitation ; elle salue votre sens de responsabilité et de bonne volonté politique. Cependant, cette responsabilité dont vous avez fait montre par votre présence devrait se traduire en attitudes, comportements et pratiques au travers des avis et options que vous aurez à lever pour résoudre la crise.
Dans ce sens, des signaux forts et très encourageants ont été montrés de part d’autres, notamment par le Président de la République et Chef de l’Etat, lors de l’audience qu’il a accordée à la présidence de la CENCo le 05 décembre 2016 : audience au cours de laquelle il a soutenu notre démarche et nous a encouragés à poursuivre la mission de bons offices. Cette attitude traduit, sans nul doute, la garantie morale et politique d’une mise en œuvre rapide des résolutions que vous allez prendre au cours de ces assises.
Cet élan d’encouragement de l’initiative de la CENCO a été relayé par Mr Etienne Tshisekedi wa Mulumba, Président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, UDPS en sigle, et du Conseil des sages du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement qui s’est personnellement déplacé le 06 décembre 2016 vers notre siège pour s’enquérir des modalités pratiques de la tenue de présentes assises.
Il en est de même de tous les leaders de grandes familles politiques et sociales de notre pays ayant pris part ou non au Dialogue de la Cité de l’UA. Nous citons :
– La Majorité Présidentielle conduite par le Co-modérateur, Son Excellence Monsieur le Ministre Alexis Thambwe Mwamba ;
– L’opposition politique et Républicaine conduite par le Co-modérateur Honorable Vital Kamehre ;
– Le Front pour le respect de la Constitution (FRC), conduit par Mr Fidèle Babala ;
– La Société civile prise dans toute sa diversité.
Mesdames et Messieurs les délégués,
Distingués invités,
Nous vous exhortons à la culture de la concorde et de la paix, car c’est tout ce que notre peuple attend de vous et de nous tous, particulièrement en ce moment précis. Comme le dit la Bible : « J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin que tu vives toi et ta postérité » (Deutéronome 30, 19). Nous vous demandons de lancer au sein de vos groupes et organisations, mais aussi auprès de vos bases respectives des appels à l’apaisement pour que les Congolais ne revivent plus jamais les tristes événements des 19 et 20 septembre 2016.
Ce peuple attend principalement que les conclusions de ces travaux conduisent urgemment à la réconciliation entre les acteurs politiques, à la paix et à l’organisation des élections démocratiques, crédibles et apaisées afin d’ouvrir le chemin vers l’alternance politique pacifique comme l’exige la Constitution.
La République Démocratique du Congo et un patrimoine précieux, un don fait aux Congolais. Nous devons protéger ce patrimoine multidimensionnel. Par ailleurs notre pays fait partie des Nations Unies. Voilà pourquoi, à l’instar du Peuple congolais, la communauté internationale attend que les résolutions de nos travaux ouvrent la voie vers la consolidation effective de la démocratie et la promotion de l’Etat de droit, cimentées par culture de la paix.
En outre, l’Eglise catholique universelle, à travers un message envoyé au Peuple congolais par le Saint Père, le Pape François, lui a exprimé sa solidarité et sa sollicitude en ces termes : « J’encourage chacun, en particulier les responsables politiques et religieux, à initier ou à poursuivre toute action visant à construire des ponts entre vous, et non pas des murs ; à instaurer dans la société congolaise une culture du dialogue qui vous fasse mieux connaître, pour mieux vous aimer ».
Toutes les attentes mentionnées ci-haut signifient que les exigences rigides qui quelques fois ont caractérisé les positions des uns et des autres, devront céder à la concession et au compromis ; ces concessions et compromis ne devant jamais être interprétées comme des aveux de faiblesse, mais plutôt comme des signes de grandeur et de dépassement pour favoriser l’intérêt supérieur de la Nation.
Eminence, Excellences,
Honorables,
Mesdames et Messieurs,
Il ne nous reste qu’à solliciter, de votre part, le sens de coopération et de collaboration sincère pour la réussite de ces assises que nous confions à la miséricorde de Dieu et par l’intercession de la Vierge Marie, Reine de la Paix, pour le plus grand bien de notre peuple.
Kinshasa, le 8 décembre 2016, en la Solennité de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie.
+ Marcel UTEMBI TAPA
Archevêque de Kisangani
Président de la CENCO