Les délais ont été calculés par la CENI, l’OIF et les Nations Unies, les bulletins de vote seront kilométriques, 64.000 candidatures sont attendues …
Il ne sera, décidément, plus dit que l’antre du gouvernement des Etats-Unis demeure l’affaire des seuls acteurs politiques. Les portes du Tout-puissant Département d’Etat américain se sont ouvertes, vendredi 14 octobre 2016, au président de la Commission Electorale Nationale Indépendante de la RD Congo, Corneille Nangaa Yobeluo. Pour une visite de travail en tête-à-tête avec la Sous-secrétaire d’Etat américaine en charge des questions africaines, Linda Thomas-Greenfield. L’entretien, auquel a également pris part l’Ambassadeur de la RD Congo aux USA, M. Balumwene Balu, a duré une heure et dix minutes. Au centre des échanges, naturellement, l’épineuse et controversée question électorale rd congolaise : Corneille Nangaa est allé éclairer les décideurs américains sur l’état actuel du processus électoral en République Démocratique du Congo. Après un bref aperçu dressé, la Sous-secrétaire d’Etat américaine a voulu savoir quelles étaient les chances d’organisation rapide des élections en RDC et quelles en seraient les principaux et véritables défis.
Abordant la question relative au calendrier électoral, Corneille Nangaa a expliqué à la plénipotentiaire US que la question du calendrier relevant spécifiquement du ressort de la CENI, il n’est pas opportun de lancer des projections spéculatives sur la programmation des scrutins en RDC. Le calendrier électoral sera réellement publié après avoir requis les conclusions responsables du Dialogue Politique National Inclusif. Pendant ce temps, la CENI s’active à la révision du fichier électoral tout en mettant en musique le plan d’acquisition du matériel non sensible. Sur cette question, la Sous-secrétaire d’Etat américaine a soumis une série de préoccupations au Président de la CENI relatives aux aspects aussi bien politiques que techniques des élections. Occasion pour Corneille Nangaa de lui expliquer qu’il ne sert à rien d’inciter les acteurs congolais à la confrontation autour des élections dès lors que toutes les discussions sont ouvertes et sur la table des négociations.
Temps et budgets des élections
Premièrement, a suggéré le patron de l’administration électorale rd congolaise, il est possible de réduire les délais des élections en procédant à une modification de la loi électorale qui permettrait le changement de mode de scrutin avec un impact réel sur le nombre des candidatures réduisant automatiquement la taille des bulletins de vote. Ce qui influerait suffisamment sur les délais des activités électorales. Deuxièmement, que les acteurs changent d’option en ce qui concerne la programmation des élections. Parce que l’alignement décidé de trois scrutins combinés le même jour (Présidentielle, législatives nationales et provinciales) ne favorise pas un allègement de temps matériel pour la faisabilité des élections.
Sous la direction de Monsieur Steven Feldstein, Assistant Exécutif Adjoint en charge des questions de Démocratie, Droit de l’Homme et Travail, la seconde rencontre du Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante au Département d’Etat américain, le vendredi 14 octobre 2016, a regroupé une dizaine de fonctionnaires américains parmi lesquels des hauts fonctionnaires de l’Agence Américaine de Développement (USAID). Une séance marathon qui a tiré en longueur au regard de l’importance et de la sensibilité des sujets évoqués.
Dans l’ensemble, les préoccupations américaines ont tourné autour de la date de la tenue effective des élections, de la situation politique liée spécifiquement au processus électoral et des délais comptant pour la durée des préparatifs et de la tenue des scrutins. Très intéressés par la situation électorale actuelle de la RDC, ces hauts fonctionnaires du Département d’Etat américain ont focalisé l’essentiel de leurs préoccupations autour de l’effectivité de la tenue des élections, le respect du délai constitutionnel et l’alternance pacifique en République Démocratique du Congo.
Le Président de la CENI a procédé par des illustrations pour édifier ses interlocuteurs américains. Parlant de la séquence des élections, Corneille Nangaa a informé les hauts fonctionnaires américains du fait que les travaux du Dialogue Politique National ont offert à la CENI quelques pistes de travail à savoir : l’option levée à l’unanimité pour la refonte totale du fichier électoral et l’option d’organiser trois scrutins en un seul jour, ce qui implique une très bonne préparation en amont.
A ce sujet, le Président de la CENI a déclaré que son institution entend enregistrer environ 64.000 candidatures aux trois élections prioritaires que sont la présidentielle, les législatives nationales et les provinciales. Il s’agit, a-t-il reconnu, d’une vaste consultation électorale qui doit s’engager dans les 26 provinces constitutionnelles de la République Démocratique du Congo. Ces élections devront se décliner en 504 jours à partir du mois d’août 2017, soit après l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs dont la clôture interviendra fin juillet 2017. Et de justifier que les 504 jours doivent être compris comme le temps matériel nécessaire et non négociable pour l’organisation de bonnes élections. Fustigeant les différents mouvements de pression qui insistent sur une éventuelle compression des délais, Corneille Nangaa a révélé que le calcul desdits délais est l’œuvre d’une équipe mixte CENI-OIF-NATIONS UNIES qui, aux termes d’intenses travaux doublés de gymnastiques de calcul au regard des défis logistiques imposants, sont parvenus à convenir d’une articulation réaliste des délais.
Bulletin de vote kilométrique
Présentant un modèle de bulletin de vote utilisé en 2011 pour la circonscription électorale congolaise de la Tshangu, le Président de la CENI a fait observer à ses interlocuteurs qu’avec un total de 17.000 candidats environ en 2011, la CENI avait été contrainte de produire, rien que pour la Tshangu, un bulletin de 53 pages. Avant d’exposer ses inquiétudes quant aux élections prochaines : si la loi électorale ne change pas et si aucune autre option en la matière n’est prise au Dialogue, la risque de présenter aux électeurs des livrets de bulletins de vote avoisinant les 100 pages d’effigies des candidats.
Cette situation unique au monde est la conséquence du nombre record des Partis politiques agréés en République Démocratique du Congo (523) et du mode de scrutin utilisé.
Des Ong internationales en matière électorales édifiées
Des experts de haut niveau en matière de gouvernance et de démocratie regroupés au sein de l’Institut National de Renforcement de la Démocratie (National Endowment for Democracy- NED) ont aussi convié le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante de la République Démocratique du Congo à partager avec eux les derniers développements de la situation électorale et d’échanger à bâtons rompus sur les voies et moyens d’apporter un soutien technique et d’assurer un meilleur suivi du processus électoral en RDC.
Étaient également associés à cette séance d’échange, des responsables et Représentants des ONGS IFES, IRI et NDI qui avaient déjà réalisé, en septembre 2016, une évaluation objective sur le terrain de la situation politique et électorale congolaise.
Initialement prévue pour durer trente minutes, cet échange s’est étendue sur une heure, question de scruter suffisamment les tenants et aboutissants des élections programmées en République Démocratique du Congo.
Apres avoir fait le tour d’horizon de l’état actuel du processus électoral congolais, le Président de la CENI a félicité ses collègues experts électoraux pour la sincérité avec laquelle ils ont rendu les conclusions de leur rapport d’évaluation. Il a indiqué entre autre qu’avant ce rapport, aucune autorité membre de la communauté internationale (américains y compris), n’avait véritablement cru aux délais prévisionnels de l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs, considérant les 16 mois et 1 jour trop longs. Il a suffi d’une phrase dans le rapport d’évaluation affirmant que ces délais étaient raisonnables pour que le monde entier croie à nouveau aux indications de chronogramme annoncées par la CENI.
Hélène OTSHUMBA