L’affaire Salomon Idi Kalonda Della, le proche collaborateur du candidat déclaré à la présidentielle de décembre prochain, Moïse Katumbi Chapwe, gagne en ampleur. Interpellé par les services de sécurité le 30 mai 2023 alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion en compagnie de son mentor à l’aéroport international de Ndjili, le bras droit de l’ancien gouverneur du Katanga avait été conduit dans les locaux des services de renseignements militaires à Kinshasa où il a séjourné durant plusieurs jours avant d’être transférés à la prison militaire de Ndolo. Au cours d’un point de presse le 5 juin 2023, les renseignements militaires levaient un coin du voile qui entoure la détention de cet homme connu de l’opinion comme le conseiller financier du richissime homme d’affaires katangais : détention illégale d’arme de guerre, incitation de militaires à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline, surtout, atteinte à la sûreté de l’Etat en vue de réaliser un coup d’Etat et de placer à sa tête un katangais. Quelques jours après la révélation de ces présomptions, plutôt lourdes puisqu’impliquant une participation suffisamment large pour conduire jusqu’à Katumbi lui-même, des perquisitions furent diligentées dans les résidences SK Della à Kinshasa et à Lubumbashi.
Dénégations médiatisées
Néanmoins, plus d’un mois après le déclenchement de l’affaire SK Della, la justice militaire reste muette. Si le prévenu a été autorisé à entrer en contact avec ses proches et ses avocats, rien ou presque ne filtre ni sur le contenu des interrogatoires auxquels il a été soumis ni sur la date de l’ouverture du procès. Ce qui n’empêche pas le camp Katumbi et Ensemble pour la République (ER), son parti politique, de multiplier dénonciations et dénégations. Au cours d’un point de presse, le 7 juin 2023 à Kinshasa, Dieudonné Bolengetenge, secrétaire général d’ER, est monté au créneau pour indiquer que le dossier Kalonda était «vide», selon l’expression consacrée lorsqu’un acteur politique est poursuivi par la justice en RDC. Et pour réduire l’affaire à une chasse à la sorcière visant en réalité le candidat à la présidence, Moïse Katumbi. Sans susciter la moindre réaction de la justice militaire qui poursuit sans désemparer l’instruction pré juridictionnelle du dossier.
Contrairement aux dénégations katumbistes, l’affaire Kalonda SK Della paraît on ne peut plus sérieuse pourtant, à en juger par la frénésie qui s’est emparée de l’entourage de l’ancien gouverneur du Katanga depuis quelques jours. L’équipe des avocats de la défense du prévenu s’est enrichie de deux membres belges, Dimitri De Beco, spécialiste en droit pénal du Barreau de Bruxelles ; et Alexis Deswaef, avocat près la Cour pénale internationale. Ces deux juristes de stature internationale se sont aussitôt mis à l’oeuvre en convoquant, jeudi 13 juillet au Press club Brussels Europe, une «conférence de presse pour Salomon Kalonda, détenu arbitrairement à Kinshasa».
Défense renforcée
Le 10 juillet à Kinshasa, Bolengetenge avait donné le ton en se livrant à une plaidoirie prématurée pour réfuter les trois chefs d’accusation rendus publics par les renseignements militaires, début juin 2023. Et politiser derechef l’affaire du bras droit de Katumbi. Selon le secrétaire général ER qui a animé une conférence de presse à cet effet, l’affaire Kalonda serait un «montage grossier pour étouffer la montée en puissance de Moïse Katumbi».Parce que l’arme justifiant son interpellation à l’aéroport de Ndjili serait une propriété d’un garde du corps de l’ancien 1er ministre Augustin Matata. D’autres révélations de la galaxie Katumbi font état du fait que les militaires affectés à la surveillance des résidences du prévenu à Kinshasa et Lubumbashi sont couverts par les autorisations de leurs chefs hiérarchiques et qu’un civil sans armes ne peut avoir porté atteinte à la sécurité publique.
Seulement, le dossier Kalonda SK Della semble s’être enrichi de nouveaux éléments et contenir plus que les trois présomptions susmentionnées, même réduites à leur plus simple expression. Le 10 juillet 2023 à Kinshasa, Dieudonné Bolengetenge a reconnu que l’examen du répertoire téléphonique du prévenu avait révélé, entre autres, l’existence d’un numéro de téléphone d’un officier général rwandais cité dans diverses agressions à l’Est de la RDC et de possibles contacts avec les terroristes du M23. Bolengetenge justifie ces deux faits susceptibles de conforter les soupçons d’atteinte à la sûreté de l’Etat par des arguments qui se révèlent à l’examen comme procédant d’une véritable fuite en avant. Selon lui en effet, le général étranger ne serait que «le point focal commun à l’ancien président du RASSOP, Félix-Antoine Tshisekedi, lorsqu’il fut chef d’une délégation de l’opposition au cours d’une rencontre avec les Rwandais à laquelle prenait part Moïse Katumbi Chapwe lorsqu’ils devaient se rendre à Addis-Abeba avant les élections de 2018, à la rencontre de Paul Kagame, alors président en exercice de l’Union africaine pour le compte de l’opposition». Quant au contact M23, il n’y en aurait «aucune preuve», selon le katumbiste.
Le dossier n’est plus vide
En attendant d’en savoir davantage sur ce qui est réellement reproché au collaborateur de Moïse Katumbi, force est de constater que le dossier Kalonda SK Della n’est pas aussi vide que le prétendent ses défenseurs. D’abord, parce que s’agissant des faits révélés par les services de renseignements militaires, «l’arme supposée appartenir au garde du corps de Matata n’implique pas nécessairement qu’elle ne se soit pas retrouvée entre les mains de Kalonda», explique un magistrat militaire interrogé par LeMaximum. Il ajoute qu’«un interrogatoire contradictoire poussé permettra d’éclairer la cour sur cette question. De même que l’infraction d’incitation des militaires à commettre des actes contraires au devoir ne veut pas dire qu’il s’agit des seuls militaires commis à la garde d’un civil». Le même expert assure que la présence d’un contact téléphonique dans le répertoire du prévenu peut se révéler riche en renseignements si le numéro a été activé récemment. Ce dont les services techniques peuvent s’assurer et apporter des preuves incontestables.
Le dossier Kalonda SK Della ne peut donc être déclaré vide avant la fin du procès. Autant qu’il ne peut être prématurément condamné.
J.N. AVEC LE MAXIMUM