ça s’agite désespérément dans les rangs de l’opposition en RDC, à quelques mois de la tenue des élections générales de fin décembre 2023. Samedi 13 mai 2023 est prévue à Kinshasa une marche … de contestation de tout ce qui bouge sous le soleil, y compris le pouvoir sortant de Félix Tshisekedi, le président de la République élu en 2018. La manifestation que ses organisateurs annoncent gigantesque est initiée par un groupe de leaders politiques, presque tous candidats au top job : Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Delly Sessanga, Augustin Matata …
Ce qui se présente ainsi comme un regroupement de l’opposition politique congolaise a vu le jour mi-avril 2023 au terme d’une rencontre organisée par le richissime ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi à Lubumbashi. Juste pour se mettre d’accord sur la nécessité de «passer à l’offensive» contre Tshisekedi et un processus électoral qui a atteint le point de non-retour. Entre les 4 candidats à la succession de Félix Tshisekedi, aucune offre politique commune pour l’instant. Seulement un accord pour ‘‘dégager’’ celui qui les surclasse dans tous les sondages.
La stratégie de Lubumbashi
Depuis Lubumbashi, tous et chacun jouent des pieds et des mains pour soulever les populations appelées à manifester contre tout et rien à la fois : l’absence de l’Etat, la vie chère, l’insécurité, la corruption, les catastrophes naturelles, la guerre d’agression rwandaise…
Sur le plateau de France 24, mardi 9 mai 2023, Delly Sessanga, chef d’un parti politique (Envol) qui ne compte pas plus de cinq élus au parlement, résumait succinctement les préoccupations de ses pairs en ciblant particulièrement le processus électoral en cours. Selon lui, Félix Tshisekedi aurait «tout verrouillé, de la Cour constitutionnelle à la Commission électorale nationale indépendante dans le but de préparer une réélection assurée».
Quelques jours auparavant, Olivier Kamitatu, porte-parole du candidat Katumbi expliquait que l’objectif visé par la nouvelle opposition était d’«éviter un hold up électoral en préparation par la majorité tshisekediste au pouvoir». Sur Top Congo FM, cet ancien speaker de la chambre basse du parlement congolais sous Joseph Kabila pour le compte du MLC de Jean-Pierre Bemba a mis l’accent sur l’obligation d’un audit externe du fichier électoral, par une organisation internationale, de préférence.
Remake
L’histoire continue à bégayer en RDC, puisque l’Eglise catholique, soutenue par son homologue protestante, semble se ranger du côté d’une opposition extravertie. Dans un communiqué publié le 4 mai 2023 par leur mission conjointe d’observation électorale (MOE), les deux confessions religieuses ont sollicité de la CENI «l’organisation d’un cadre de concertation préalable à l’audit du fichier électoral et à la publication des statistiques pour se convenir sur les termes de référence de l’audit externe du fichier électoral». On croirait entendre parler Olivier Kamitatu lorsque la MOE CENCO-ECC énonce que «l’audit externe crédible du fichier électoral de la RD Congo en chantier est un élément central qui va participer à la construction d’un consensus sur les listes électorales». Le moins que l’on puisse dire est que la confiance ne règne pas entre la CENI et certaines parties prenantes au processus électoral qui vivent toujours les yeux tournés vers l’étranger.
Ce que les églises catholique et protestante déclarent à mots couverts, une organisation dite de la société civile qui ne s’encombre pas de circonlocutions l’a dit crûment. Mardi 9 mai 2023, la Commission africaine pour la supervision des élections (CASE) que président un certain Simaro Ngongo a carrément accusé la CENI de «manigancer un audit en trompe-l’œil» dans le but de faire endosser une liste électorale «fictive et orientée» pour assurer la victoire de Félix Tshisekedi. «La Case rappelle que l’actuelle équipe dirigeante de la CENI est le fruit de violation intentionnelle des textes légaux. Son président, contesté par les confessions religieuses, est vomi par toutes les forces politiques et sociales proches du peuple, sa gestion financière boudée par le gouvernement, son leadership contesté et sa première opération électorale d’enrôlement des électeurs a fait flop», lit-on dans ce communiqué qui laisse transparaître la haine viscérale et irrationnelle invariablement observée contre l’administration électorale et ses animateurs par les principales têtes couronnées des deux églises qui ne décolèrent pas de n’avoir pas pu s’en assurer le contrôle.
Critiques irrationnelles
Comme à l’occasion du premier cycle électoral démocratique après le dialogue intercongolais de Sun City en Afrique du Sud, il pleut des critiques sur l’institution chargée de l’organisation des scrutins électoraux, qui n’est pas loin d’être présentée comme «la sorcière du village». Et la mise en œuvre du processus électoral comme un ensorcellement collectif.
Des travées de l’opposition fusent des revendications enrobées dans un langage alambiqué et des stratégies nihilistes tendant à faire table rase de tout ce qui existe, en réalité. Mais en RDC, on ne s’y trompe plus. Un professeur d’histoire de l’Université pédagogique nationale le rappelle : «En 2006, il y eût une fronde impressionnante contre… l’enrôlement biométrique, présentée à l’époque comme une savante tricherie en faveur des tenants du pouvoir ; en 2011, les acteurs politiques dénoncèrent les stylos mis à la disposition des électeurs par la CENI, auxquels ils attribuèrent un pouvoir de conversion des votes cochés sur le bulletin en un tout autre. En 2018, ce fut au tour de la machine à voter et du nouveau bulletin de vote de subir les assauts des acteurs politiques opposés au processus électoral».
Partage préalable
Dans le fond, la véritable préoccupation des acteurs politiques de l’opposition, hier comme aujourd’hui, ne réside nullement dans les imperfections supposées du processus des élections. Le problème est ailleurs, dans le besoin irrépressible de participer au partage du pouvoir préalablement à toute élection, selon des analyses qui ne sont pas dépourvues de pertinence. Ce que visent les opposants regroupés autour de Katumbi et leurs relais dans la société civile, c’est l’instauration d’une nouvelle transition avec en toile de fond le partage des attributs du pouvoir sans recourir à la sanction du vote. La stratégie adoptée pour atteindre cet objectif est celle de la diabolisation systématique du fichier électoral de la CENI, comme en 2018, lorsque la fameuse affaire des ‘‘électeurs sans empreintes digitales’’ défraya la chronique. Malgré le fait que non seulement leur existence était parfaitement légale, mais en plus, de nombreux candidats aux élections se retrouvèrent eux-mêmes parmi ces enrôlés sans empreintes, obligeant les partis politiques à se taire. Le résultat des tergiversations en conciliabules politiques fut pourtant sans appel : l’on perdit un temps précieux et on en vint au dépassement des délais constitutionnels pour la tenue des élections. Hier comme aujourd’hui, c’est une transition politique que la bande d’irréductibles de Lubumbashi tiennent à rééditer sous prétexte de ‘‘hold up électoral’’.
J.N. AVEC LE MAXIMUM