Des incidents sont survenus à Lubumbashi mardi 1er décembre 2015 entre quelques groupes de supporters du TP Mazembe de la capitale cuprifère et les forces de l’ordre. Mardi, les supporters de ce club champion d’Afrique ont été interdits d’accès au Stade Kamalondo par ordre de police. Les premières informations faisaient état de ce qu’un match entre les équipes A et B de Mazembe avait été programmé dans l’antre des noir et blanc. Mais 24 heures plus tard, des bandes de supporters de cette équipe que préside Moïse Katumbi s’étaient à nouveau rassemblés sans que le moindre derby n’ait été annoncé. Ils se trouvés face aux forces de l’ordre qui ont réitéré l’interdiction d’accès au stade. Selon des sources policières citées par des agences, les incidents ont fait 4 blessés, dont un élément de la police nationale.
En réalité, l’affaire du stade Kamalondo de Lubumbashi semble bien plus complexe qu’on ne la présente. À commencer par la nature du rendez-vous du lundi, un match ou un entraînement ? Les opinions divergent sensiblement.
Un match amical bidon
L’hypothèse d’un match, même amical, avancé par certains s’est répandue comme une traînée de poudre. Surtout dans les milieux peu au fait des réalités footballistiques. Mais pour les initiés, cette version ne tient pas la route. Pour la bonne et simple raison que 48 heures plus tôt, dimanche 29 novembre, le TP Mazembe avait livré son dernier match de la phase-aller du championnat de la Linafoot (Ligue Nationale de Football) contre le FC Lupopo de la même ville (1 – 1). L’équipe ne pouvait donc livrer une seconde rencontre d’importance, même amicale, mardi 30 novembre 2015.
Et s’il s’agissait d’un simple entraînement, l’affluence à Kamalondo n’aurait sûrement pas été celle des grands jours comme cela fut le cas à la suite de la mobilisation tonitruante des « fans » par les réseaux de l’ancien gouverneur de l’ex-gouverneur du Katanga. En tout état de cause, après le match de dimanche, il n’est pas pensable que les supporters du club aient pu, eux aussi, avoir conservé la même ferveur des grands jours qu’on a décelé.
Le rendez-vous de mardi dernier au stade Kamalondo de Lubumbashi n’était donc pas footballistique. Moïse Katumbi Chapwe lui-même en fait l’aveu. Aussitôt constaté le dispositif policier déployé autour du stade Kamalondo, il a alerté l’opinion sur son compte Tweeter, pour dénoncer une atteinte à la liberté : « Mon échange avec les fans empêché par la police. Une atteinte de trop aux libertés dans notre pays », a-t-il tweeté. L’intéressé parle d’un échange avec les fans. Pas d’un match. L’affaire était donc bel et bien politique, ainsi qu’en atteste cette dénonciation, un peu hâtive, de « l’atteinte aux libertés ».
TP Mazembe avait déjà joué dimanche
Une dénonciation sujette à caution, parce que dimanche 29, à l’occasion du derby Katangais TP Mazembe – FC Lupopo, l’équipe du richissime chairman avait eu tout le loisir de jouer devant ses fans sans la moindre anicroche. Si le président du club avait un message à faire passer aux supporters, pourquoi ne l’avoir pas fait alors ?
Selon toute vraisemblance, le rendez-vous de Kamalondo mardi dernier a été perçu, non sans pertinence, comme un rendez-vous politique déguisé et interdit par les autorités locales. Selon le Colonel Kyungu Banza, commissaire provincial adjoint de la police à Lubumbashi, le match n’avait pas été porté à la connaissance de la Mairie de la capitale du cuivre comme d’habitude. Pris ainsi à défaut, Katumbi a tenté maladroitement de justifier sa tentative de contourner cette pratique en déclarant, après coup, avoir fixé rendez-vous aux supporters de son équipe à 15 h 00, pour « assister à un match entre les équipes A et B de Mazembe, fixer la date de l’organisation d’un culte d’actions de grâce à l’occasion du sacre de l’équipe, débattre de la question des transferts des joueurs, du staff technique et de l’agrandissement du stade ». Autant de questions qui ne se débattent nulle part au monde dans les gradins d’un stade, même lorsque ces supporters sont co-propriétaires du club (ce qui n’est pas le cas au TP Mazembe). La Mairie et la police ont eu raison de se méfier face à ce qui n’était manifestement qu’un coup fourré par lequel Moïse a voulu instrumentaliser le sport pour réaliser un « coup » politique dont des sources proches du club ont estimé qu’il pouvait déboucher sur des violences susceptibles de favoriser l’aura de ce nouvel opposant cherchant de la sorte à se faire valider auprès d’une opposition traditionnelle quelque peu méfiante à son égard. Moïse Katumbi s’est opposé à la décision du Maire de Lubumbashi, arguant du fait qu’il s’agissait d’affaires sportives. D’où le bras de fer de mardi qui a vu des policiers disperser à coup de grenades lacrymogènes des supporters noir et blanc.
La même vieille formule : foot – business – politique
De toute évidence donc, l’ancien gouverneur PPRD du Katanga, écarté sans coup férir de ses fonctions par le madré Joseph Kabila à la faveur de la mise en œuvre de la décentralisation et passé depuis avec armes et bagages à l’opposition depuis peu, se sent à l’étroit dans ses bottes. Et tente de ruer sur les brancards pour en sortir. En cette matière de malin mélange foot-politique-affaire, l’homme n’en est pas à son premier coup d’essai. Au cours des campagnes électorales, en 2006 et en 2011, le président du TP Mazembe avait fait recours, aux fameux « 100 % Mazembe », un groupe d’animation du club, pour le compte du PPRD qui était son parti politique. A cette époque où Moïse était loin de s’aviser que les affaires sportives ne devraient pas être politiques, les « 100 % Mazembe » avaient même eu le privilège de sillonner les quatre coins de la République Démocratique du Congo pour animer en guise de soutien les multiples meetings de campagne du candidat du PPRD qui n’était autre que Joseph Kabila Kabange.
De nombreux autres témoignages, beaucoup moins flatteur pour l’homme d’affaire, font état de l’utilisation des mêmes « 100 % Mazembe » pour régler les comptes à la concurrence minière dans l’ex. Katanga. Dans une de ses nombreuses lettres ouvertes à l’ancien gouverneur de la défunte province du Katanga, son ex. frère ennemi, l’avocat lushois Jean-Claude Muyambo, rapporte que ce sont les « 100 % Mazembe » qui avaient chassé l’inventeur rd congolais Kabasele Mwamba de ses installations minières à Mbola qu’ils pillèrent et saccagèrent après en avoir fait déguerpir le personnel à coups de gourdins au motif que leur patron était « un kasaïen venu voler les mines des katangais ».
On ne s’étonnera donc pas que l’ambitieux nouveau « Monsieur tiroir-caisse de l’opposition G7 » se serve du TP Mazembe, pour des raisons de basse politique. Sans vergogne.
J.N.