Des périples tambours battant de propagandistes dans le pays profond et un séjour ’’offensif’’ notamment à Kinshasa où il est arrivé le 3 mai 2023 dans la soirée semblent constituer l’essentiel de la stratégie politique mise en œuvre par l’ancien gouverneur PPRD de l’ex-Katanga Moïse Katumbi Chapwe, candidat déclaré à la présidentielle de fin 2023, à quelques sept mois du scrutin. Ses états-majors l’ont clamé sur tous les toits : dans la capitale, le chairman du TP Mazembe est venu affronter le pouvoir en place. Notamment en participant activement à une marche de l’opposition à Félix-Antoine Tshisekedi prévue samedi 13 juin. Une tâche qui s’annonce rien moins que laborieuse.
Vendredi 14 avril 2023, des leaders de ce qui se présente comme la nouvelle opposition politique au régime de l’Union sacrée de la nation, l’Ecidé Martin Fayulu, l’Envol Delly Sessanga, le LGD Augustin Matata Ponyo et autres MLP Franck Diongo, s’étaient réunis à Lubumbashi à l’invitation de Katumbi. Mais la rencontre n’a accouché de rien de plus qu’un fatras de lieux communs contre Félix Tshisekedi qui caracole en tête des sondages, au grand dam du fébrile patron d’Ensemble pour la République qui escomptait un alignement des autres impétrants derrière sa candidature unique pour espérer ébranler la grosse machine électorale du camp adverse dont la charte venait d’être signée quelques jours plus tôt par la quasi-totalité du gotha politique rd congolais.
En guise de combat contre le chef de l’Etat en exercice, candidat à sa propre succession, la rencontre de Lubumbashi s’est borné à annoncer l’organisation d’une marche de l’opposition le 13 mai, réduite à la seule ville de Kinshasa alors que le communiqué initial avait fait état de manifestations devant se tenir sur l’ensemble des villes congolaises. L’arrivée de Moïse Katumbi à Kinshasa laisse croire que les préparatifs de l’événement vont s’accélérer. Samedi 6 mai, il avait longuement conféré avec ses amis de la nouvelle opposition sur la question, avant de donner le go d’une robuste campagne médiatique, particulièrement dans divers sites des réseaux sociaux qui, rétribués à grand frais, se sont littéralement embrasés. Sans parvenir à faire basculer les tendances.
La veille rengaine sécuritaire
Ceci explique-t-il cela ? Pour l’instant, ce sont les katumbi boys, emmenés par l’ancien speaker de la chambre basse du parlement Olivier Kamitatu Etsu et le fantasque Francis Kalombo qui tiennent le front. Vendredi 5 mai 2023, Télé 50 a diffusé un long entretien avec l’ancien président de l’Assemblée nationale pour le compte du MLC de Jean-Pierre Bemba qui s’est fendu d’une esquisse de l’offre politique de son actuel mentor, de laquelle on a principalement retenu une critique acrimonieuse du pouvoir tshisekediste, dont le mandat serait « un échec ». Du déjà entendu ressassé à longueur de journées et de nuits par quiconque a fréquenté les travées de l’opposition politique au Congo-Kinshasa depuis les années Mobutu : « la misère du peuple est grandissante », « l’assiette du pauvre est vide », « l’insécurité est générale », « les ressources du pays sont mal redistribuées », « le peuple doit se lever », « Moïse Katumbi est un homme de parole qui fera mieux aussitôt arrivé au pouvoir » et tutti quanti…
Lundi 8 mai 2023 sur les antennes de Top Congo FM, Kamitatu a resservi sa rengaine face à l’excellent Christian Lusakueno, sans élaborer dans un sens qui permettrait de penser que Moïse Katumbi avait une offre politique à proposer aux Congolais. On a ainsi appris que dans la capitale, le candidat déclaré d’Ensemble pour la République à la prochaine présidentielle vient « se ressourcer et améliorer son offre politique avant de la proposer » ; que son objectif se limite pour l’instant « à éviter un hold-up électoral » pour donner la chance aux Congolais de se choisir librement un président de la République. « On ne veut pas un vote russe en RDC », a notamment bûcheronné Kamitatu en en appelant à un audit externe du fichier électoral de la CENI « qui ne soit pas une fabrication locale ». Pressé de questions sur le programme proposé par son nouveau mentor pour changer la situation de la RDC et des Congolais, il se contente d’énoncer platement et invariablement que « Katumbi est un homme de parole ».
Criminel économique ?
Cette image manichéenne des candidats peinte par Kamitatu est remise en question par Nicolas Kazadi le ministre des Finances qui, invité de l’émission télévisée « JMK Today » de Télé 50, dimanche 7 mai 2023 a étalé avec force détails des chiffres optimistes sur les réalisations du quinquennat Tshisekedi. L’argentier national a, de la sorte, recadré politiquement l’action présidentielle et gouvernementale marquée par la pandémie à Covid-19 et la guerre d’agression imposée au Congo par le Rwanda de Paul Kagame : «La guerre que nous subissons depuis 30 ans est essentiellement une guerre économique. Le président de la République, dans sa vision, a eu l’idée de proposer à son frère Kagame des synergies comme Sakima, etc. pour construire ensemble quelque chose d’important. C’est ce que font tous les grands pays, c’est ce qu’ont fait l’Allemagne et la France au sortir de la deuxième guerre mondiale. C’est ce que font les grands esprits. Il a tendu la main à notre voisin belliqueux pour que l’on se détourne du passé pour construire ensemble. Mais celui-ci a estimé que c’était un chemin très long et pas assez productif et dans les mois qui ont suivi, ils ont recommencé à armer le M23 parce qu’il était plus facile à son point de vue de gagner dans le noir avec la complicité de certains Congolais dans l’administration, dans tous les corps et il y a des procès à ce sujet. C’est pour cela que nous parlons des Congolais aux allégeances douteuses. Je vais plus loin. Certains qui sont candidats président de la République sont actionnaires dans des comptoirs situés à Kigali. Je vous dis que certains qui sont positionnés candidat président de la République sont actionnaires dans des comptoirs situés à Kigali qui se ravitaillent à ces contrebandes. Ceux qui parlent de la sécurité, ils savent de quoi ils parlent parce que ce qui les dérange c’est que nous avons bien identifié et déverrouillé les éléments qui alimentaient la situation de guerre à l’Est (…). Il y en a qui sont les candidats de Kigali… ».
Extrayant ces propos de leur contexte, la nuée des communicants rétribués par Katumbi a aussitôt brodé sur le mot ‘‘frère’’ pour vendre à une opinion qu’ils semblent mépriser l’idée qu’il y aurait une collusion d’intérêts entre le gouvernement de Félix Tshisekedi et le président rwandais, auteur d’une agression barbare et prédatrice contre l’Est de la RDC. Peine perdue.
Allégeance douteuse
Cette véritable bombe lâchée par le sémillant Nicolas Kazadi, annonce des révélations aussi fracassantes les unes que les autres au cours de la campagne électorale à venir qui sera vraisemblablement des plus rudes. Katumbi et ses boys ne l’attendaient sûrement pas de sitôt. Lundi 7 mai, Olivier Kamitatu avait délibérément entremêlé les pinceaux, forçant la porte d’une réplique cinglante de son contradicteur sur le plateau de Jean-Marie Kassamba. Rien de tel lors de l’émission avec Top Congo FM. Avec Christian Lusakueno qui se laisse rarement mener par le bout du nez, le stratagème n’est pas passé et la prestation s’est révélée un fiasco pour le désormais porte-parole de Katumbi qui, s’abstenant encore une fois d’émettre la moindre condamnation de l’agression du Congo par Paul Kagame et le Rwanda, s’était contenté de bafouiller que « les frontières de la RDC sont intangibles » et que « la République Démocratique du Congo est indivisible dans ses frontières héritées de la colonisation ».
Cerise sur le gâteau, le ministre Nicolas Kazadi, répliquant à un autre persiflage sur le caractère «inutilement éléphantesque» de la délégation gouvernementale dépêchée en Afrique australe pour conjurer la crise du maïs dans le Katanga et le Kasaï, a expliqué que même le président zambien, dont le pays avait interdit tout exportation ou transit de maïs vers la RDC, ignorait les conséquences d’une telle décision en RDC, «du fait de certains acteurs politiques congolais qui ont pesé de leur poids pour alimenter la crise qui frappe le Katanga ». Allusion à Moïse Katumbi, même si Kazadi s’est gardé de le citer nommément. De fait, à en croire Jean-Jacques Wondo d’Afridesk, l’ancien ‘’roi du Katanga’’ aurait «racheté la majeure partie des minoteries de la province zambienne du Copper Belt, voisine du Katanga détenant ainsi le quasi-monopole de distribution de la farine de maïs, ce qui lui donne le moyen de s’en servir comme une arme économique dans sa course au top job ».
Bourreau des Katangais
Au cours du briefing hebdomadaire animé à l’intention de la presse par le ministère de la Communication et médias, Patrick Muyaya est revenu sur la question comme pour confirmer cette allégation. «Il se trouve que malheureusement la crise de la farine de maïs a été occasionnée par quelques individus visiblement malintentionnés qui, avec quelques connexions en Zambie, ont obtenu que ce pays ne vende plus le maïs à la République démocratique du Congo, son voisin direct, alors qu’elle le vend au Kenya, à l’Éthiopie et à d’autres pays de l’Afrique de l’Est. Pire, on y interdit le passage de toute cargaison en provenance d’autres pays d’Afrique australe vers la République démocratique du Congo», a-t-il déclaré en substance.
Si donc Moïse Katumbi et ses affidés espéraient conquérir aussi l’Ouest du Congo par des manifestations publiques assaisonnées de quelques productions médiatiques, force est de constater que la tâche s’avère plus ardue que prévu. Et que le périple à l’Ouest pourrait se traduire par un véritable chant de cygne pour cet homme d’affaires venu sur le tard en politique, et dont l’offre se limite à un populisme ringard.-
Le Maximum