Le déploiement de la force militaire de l’EAC, mise sur pied pour combattre les groupes armés étrangers et nationaux qui écument l’Est de la RDC devient de plus en plus effectif. Au cours d’une interview, le 19 septembre 2022, Félix Tshisekedi a confirmé l’opération, annonçant de surcroît l’arrivée imminente des troupes kényanes au Nord-Kivu, dans la région de Bunagana, bourgade frontalière de la RDC occupée par les assaillants du RDF-M23 depuis plus de 3 mois.
Vendredi 23 septembre 2022, un contingent de l’armée kényane a effectivement gagné les alentours de Bunagana, rapportent les sources sécuritaires, sans préciser la position de ces nouvelles troupes, par rapport à celles des FARDC tout autant qu’à celles des forces d’occupation.
De même que du matériel militaire lourd de l’armée kényane chargé à bord de camions remorques est entré en RDC par la frontière RDC – Ouganda de Kasindi, ainsi que l’avait annoncé le compte-rendu du conseil des ministres présidé par Jean-Michel Sama Lukonde vendredi 23 septembre à Kinshasa.
On peut donc imaginer que les éléments de l’armée kényane dirigés par le général Kibochi mettront quelques jours pour récupérer leur armement et se déployer dans la partie du territoire de la RDC leur attribué par les accords de déploiement signés récemment à Kinshasa, selon les observateurs.
Statu quo
En attendant, tout au moins jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse, jeudi 29 septembre 2022, la situation demeurait en l’état à Bunagana et ses environs, c’est-à-dire, sous occupation rwandaise. Bien plus, comme d’habitude, les assaillants s’emploient depuis quelques jours à conforter les positions conquises en attendant d’éventuelles nouvelles négociations ou de nouveaux affrontements.
Des sources dans la société civile locale rapportent que les terroristes contraignent les habitants trouvés sur place à faire mouvement vers Cherengero et Bunagana sous occupation pour ne pas s’exposer aux affrontements armés à venir.
Dans les réseaux sociaux, le M23 se vantait ainsi mardi 27 septembre de n’avoir pas bougé d’une semelle ni concédé un seul milimètre de ce qu’il présente désormais comme «son» territoire. «Le soleil s’est levé avec un éclat éclatant ce matin à Bunagana et ailleurs, symbole de la quiétude qui règne dans la zone sous notre contrôle» écrivait dans un tweet un certain capitaine Willy Ngoma, porte-parole du mouvement.
Aucune communication non plus de la hiérarchie des FARDC dont on sait pourtant, selon les accords d’engagements des armées de l’EAC, qu’elle co-commandera les opérations d’éradication des groupes armés étrangers et locaux avec l’armée kényane.
Entrés en RDC par Ishasha, les troupes kényanes ont annoncé qu’elles se constitueraient en une force tampon entre les FARDC et le M23 afin d’empêcher des nouvelles violences et donner une chance aux pourparlers de Nairobi, selon les propos du général Muriuki, rapportés par des sources sécuritaires.
Force d’interposition
Pas d’affrontements immédiats donc entre les troupes kényanes de l’EAC avec les occupants RDF-M23 de Bunagana qui campent sur leurs positions, à la différence des forces burundaises qui, elles, ont résolument affronté les éléments RED Tabara et alliés dans la région d’Uvira au Sud Kivu.
Le 26 septembre 2022, des déplacements massifs des populations fuyant les affrontements dans les Hauts Plateaux d’Uvira, Fizi et Mwenga ont été rapportés.
Manifestement, le problème des terroristes du M23, que Kampala et surtout Kigali, également membres de l’EAC, présentent comme un groupe armé congolais, n’est pas près de trouver une solution alors que Kinshasa et son opinion publique ne jurent que par l’anéantissement de ces terroristes.
Dans la meilleure des hypothèses, il faudra sans doute attendre le prochain round des négociations entre le gouvernement de la RDC et les groupes armés pour voir Kinshasa réaffirmer (ou pas) son refus de se mettre autour de la même table que les terroristes du M23 soutenus par Kigali (et Kampala dans une moindre mesure). Ce qui ne manquera de placer Félix Tshisekedi et son gouvernement dans une posture délicate vis-à-vis de leur propre opinion publique qui attend beaucoup de l’adhésion du pays à une organisation sous-régionale de plus. Au nom du rétablissement de la paix dans ses territoires malmenés de l’Est.
Dans l’entendement commun en RDC, la mission des troupes d’interposition entre FARDC et forces d’occupation du territoire national qui naît de l’entrée des troupes kényanes au Nord-Kivu soulève pas mal de conjectures. Même si, au micro de Top Congo FM le 22 septembre dernier, le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères congolais, Christophe Lutundula Apala indiquait que les forces des pays membres de la SADC déjà présente au sein de la brigade d’intervention de la Monusco ainsi que celles de l’EAC en cours de déploiement étaient prêtes à prendre le relais de la mission onusienne en RDC. «Nous ne pouvons pas donner l’impression aujourd’hui qu’aux côtés du Conseil de paix et de sécurité des Nations-Unies, qui fait un travail appréciable, que la Communauté de l’Afrique de l’Est ne vaut pas la peine», avait déclaré en substance
Ni blâme ni condamnation
Au sein de l’EAC, nul ne se montre pressé de trancher sur la responsabilité indéniable de Kigali qui semble asseoir sa prospérité économique sur l’exploitation sans contrepartie des ressources naturelles de son riche voisin. «Nous ne voulons pas nous engager dans un jeu de blâmes et de désignation de coupables. Nous devons mettre la main à la pâte et régler les problèmes. Et ce qui est bien, c’est que les présidents Kagame et Félix Tshisekedi se sont engagés à faire en sorte que nous réglions ce problème en tant que région. Et c’est pourquoi tous nos pays fournissent des troupes pour stabiliser cette région», a déclaré à ce sujet William Ruto, le tout nouveau chef d’Etat Kényan.
L’infléchissement vers davantage de souplesse vis-à-vis des groupes armés terroristes comme le M23 rwandais ou l’ADF ougandais semble clair. Entre la quadripartite convoquée par Uhuru Kenyatta à Nairobi en juin dernier, qui avait décidé de la mise en œuvre d’une force militaire régionale offensive pour éradiquer les groupes armés nationaux et étrangers en RDC et le déploiement des troupes sur le terrain, beaucoup d’eau paraît avoir coulé sous les ponts.
LE MAXIMUM