L’administration Biden ne fait plus mystère de son intérêt pour les minerais stratégiques de la RDC et de la place, non moins stratégique du pays de Lumumba dans la transition énergétique dont dépend l’avenir de la planète. Un mois après le secrétaire d’Etat Antony Blinken à Kinshasa, c’est au tour d’Amos Hochstein, coordonnateur spécial à la Maison Blanche pour le partenariat aux infrastructures et investissements globaux de visiter la capitale congolaise où il s’est entretenu avec le président de la République, Félix Tshisekedi et des membres de son gouvernement.
Avec le chef de l’Etat de la RDC, Hochstein, par ailleurs porteur d’un message de Joe Biden dont la teneur n’a pas été révélée, s’est appesanti sur les questions de sécurité, des investissements, particulièrement dans le secteur minier congolais, riche en cobalt et en lithium auxquels s’intéressent particulièrement les Etats-Unis. «Dans la mesure où nous accélérons la transition énergétique, au lieu d’utiliser l’essence ou le gasoil, nous nous servirons des batteries électriques. Ainsi on a besoin du cobalt, du nickel et du lithium présents en RDC qui peut donc être considérée comme la solution pour le monde», a déclaré Amos Hochstein aux médias au sortir de son entretien avec Félix Tshisekedi.
Diversifier les sources d’approvisionnement
L’envoyé de Joe Biden estime que la crise entre la Russie et l’Ukraine et ses conséquences sur l’économie mondiale en matière énergétique démontrent que les pays de la planète gagneraient à diversifier leurs sources d’approvisionnement pour éviter que «l’économie mondiale ne soit prise en otage par un seul pays producteur» autant qu’elle rappelle l’urgence qu’il y a à accélérer la transition énergétique. Il précise que la RDC peut jouer un rôle stratégique et déterminant pour l’avenir du monde. «La RDC est l’un des pays les plus importants au monde. Elle contribue à la transition énergétique étant donné que nous passons des énergies fossiles à celles dites propres. Le monde aura besoin des ressources nécessaires à cette transition», a encore assuré Amos Hochstein. Il a indiqué néanmoins que les autorités congolaises devraient se montrer plus efficaces dans la lutte contre la corruption dans le secteur minier, préalable à la venue des investisseurs américains. «Nous avons été très encouragés par l’intérêt du président Félix Tshisekedi pour la lutte contre la corruption. Nous voulons le voir en action. Nous souhaitons que ces paroles se traduisent en actes. Dans le secteur des mines, il faudrait une réduction significative de la corruption. Si ces progrès se réalisent, vous verrez le genre d’investissements que nous souhaitons tous en RDC», a-t-il précisé à ce sujet.
Pour Washington, «l’énergie propre, c’est aussi s’assurer que nous ayons une bonne compréhension de la lutte anti-corruption, des conditions de travail de ceux qui interviennent dans le secteur des mines. Nous en avons parlé avec les autorités pour voir comment soutenir la RDC à réaliser pleinement son potentiel à travers ses ressources naturelles», a encore expliqué Hochstein.
La RDC devrait, selon le coordonnateur spécial à la Maison Blanche pour le partenariat aux infrastructures et investissements globaux, s’assurer que les recettes générées par l’exploitation minière soient réparties de manière équitable, que l’extraction minière respecte les droits de l’homme et le droit du travail, que les travailleurs soient rémunérés correctement, que les entreprises exploitantes emploient de la main-d’œuvre locale et préservent l’environnement, etc.
Le secteur minier fait l’objet, depuis avril 2019, d’un partenariat privilégié pour la paix, la prospérité et la préservation, conclu entre la RDC et les Etats-Unis et qui circonscrit la coopération bilatérale entre les deux Etats. Washington considère la RDC comme «un partenaire inébranlable pour faire avancer les priorités mondiales mutuelles, notamment la lutte contre la crise climatique, la lutte contre le trafic illicite, la réponse aux multiples crises sécuritaires et humanitaires, la promotion du respect de la démocratie et des droits de l’homme, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement en minerais stratégiques et nécessaires à la transition mondiale vers des formes d’énergie plus propres et l’atténuation de la criminalité transnationale organisée».
Monopole chinois
Plusieurs observateursnotent que les recommandations américaines visent en réalité les entreprises chinoises, omniprésentes dans le secteur minier de la RDC au point de représenter près de 70 % de la production mondiale de cobalt. Elles affichent les mêmes ambitions hégémonistes sur le lithium dans l’ex-province du Katanga.
On rappelle que les Etats-Unis avaient soutenu à bout de bras l’initiative prise par le président Félix Tshisekedi d’auditer tous les partenariats conclus avec les entreprises chinoises dans le cadre de la lutte contre la corruption.
La RDC représente, en effet, près de 3/4 de la production mondiale du cobalt et son sous-sol renferme plus de 25 millions de tonnes de réserves de ce minerais indispensable à la transition énergétique. Le pays dispose également d’importantes réserves de lithium, de manganèse, de graphite et de cuivre lui permettant de prétendre jouer un rôle décisif dans la chaîne des valeurs pour les énergies renouvelables. Encore faut-il que les autorités congolaises sachent saisir la balle au bond et profiter de l’embellie des cours de ces minerais stratégiques pour rompre le cycle de la dépendance aux exportations des bruts en se plaçant en ordre utile sur ladite chaîne des valeurs. Seul bémol, Amos Hochstein est resté muet sur l’occupation réccurente de certaines zones minières congolaises de l’Est par les forces gouvernementales rwandaises et leurs affidés.
LE MAXIMUM