Par Lambert Mende Omalanga*
Jeudi 28 juillet 2022 dans le chapiteau du Keshema de Kinshasa-Gombe, le président de la RDC Félix-Antoine Tshisekedi, a personnellement procédé au lancement des appels d’offres internationaux pour 27 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers dont le contenu est évalué à près de 22 milliards de barils de pétrole brut et 66 milliards Normo mètres cubes de gaz méthane dissous dans le lac Kivu. Géographiquement, les blocs visés s’étalent sur la quasi-totalité des provinces du pays. En effet, le bassin côtier (Ouest) en compte 3 : Yema II, en territoire de Moanda Nganzi en territoires de Lukula et Tshela ainsi que Matamba-Makanzi II, à Moanda (province du Kongo-Central). Le bassin de la Cuvette centrale renferme 9 blocs pétroliers, à savoir, les blocs 4 et 4 B chevauchant respectivement les territoires de Bolomba et Basankusu (province de l’Equateur) Boende et Befale, Djolu, Bongandanga, Bokungu, Ikela et Yahuma (provinces de la Tshuapa, de Mongala et de la Tshopo), le bloc 6, à Banalia, Bafwasende, Isangi, Ubundu et Opala (province de la Tshopo) ; le bloc 18, englobant les territoires de Kole, Lodja, Lusambo, Lomela (province du Sankuru), Mweka, Dekese (province du Kasaï), Demba et Dimbelenge (Kasaï central). Le bloc 21 s’étend dans les territoires de Kasongo, Kibombo, Kabambare (province du Maniema), Katako-Kombe et Lubefu (province du Sankuru). Le bloc 22 est situé dans les territoires de Lukolela (Equateur), Yumbi, Bolobo et Mushie (Maï-Ndombe) tandis que le bloc 25, est localisé en banlieue de la ville-province de Kinshasa. Le bloc Moero se déploie sur les territoires de Kasenga, Pweto (Haut Katanga), Moba et Manono (Tanganyika). Le bloc Upemba est à cheval entre le Haut-Lomami, le Haut-Katanga, le Lualaba et le Tanganyika.
Le bassin du Graben Tanganyika (Sud-Est) est découpé en 11 blocs à Kibanga Kisoshi, en territoire de Fizi (Sud-Kivu) et à Kalemie, (Tanganyika). Quant au bloc Kituku Moliro, il est situé au Sud du territoire de Moba, (Tanganyika). Le bloc Mulula Lubanga est situé à Kalemie (Tanganyika). Le bloc Uvira s’insère entre les territoires de Uvira et Fizi (Sud-Kivu) à côté du bloc Baraka, à Fizi (Sud-Kivu). Le bloc Kakelwa-Kabobo se situe entre les territoires de Fizi (Sud-Kivu) et de Kalemie (Tanganyika). Le bloc Kabimba est aussi en territoire de Kalemie (Tanganyika). Le bloc Kibi-Fatuma, entre les territoires de Moba et de Kalemie (Tanganyika). Les blocs Mpala et Moba, dans le territoire de Moba (Tanganyika).
Enfin, le bassin du Graben Albertine (Nord-Est) renferme 4 blocs : le bloc I, dans les territoires de Mahagi et de Djugu (province de l’Ituri), le bloc II dans les territoires d’Irumu et Djugu (Ituri), le bloc IV, dans les territoires de Beni, Oïcha, Butembo et Lubero (province du Nord-Kivu) et le bloc V, dans les territoires de Lubero et Rutshuru (Nord-Kivu).
S’agissant des blocs gaziers, il en existe trois, tous localisés sur le Lac Kivu. Il s’agit des blocs Makelele, Idjwi, et Lwandjofu.
La période de soumission des offres pour les blocs pétroliers est fixée à 6 mois tandis que les offres pour les blocs gaziers seront enregistrées pendant une période de 3 mois, selon le ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu.
Renflouer le Trésor public
L’objectif poursuivi par le gouvernement congolais à travers cette opération est de sortir la RDC de la dépendance excessive de l’industrie minière qui n’a pas réussi jusqu’à présent à soutenir son décollage économique. Pour le président Félix Tshisekedi «nous ne devons plus nous contenter de célébrer le potentiel de la RDC. Il nous revient de l’exploiter. Après avoir misé sur le tout minier, il est temps pour nous d’exploiter le secteur des hydrocarbures».
En dépit de sa réputation de ‘’scandale géologique’’, la RDC continue est alignée par les experts de la Banque Mondiale parmi les pays les plus pauvres de la planète, avec près des trois quarts de ses 100 millions d’habitants vivant avec moins de 1,90 USD par jour. Grâce à la mise en production des prospects pétroliers ainsi identifiés, l’apport du secteur des hydrocarbures au budget national de la RDC qui ne dépasse pas 6% à l’heure actuelle pourrait atteindre 40 % dans un contexte mondial caractérisé par la flambée des prix du pétrole et du gaz due au double impact de la pandémie à Covid-19 et du conflit russo-ukrainien. « La RDC dont la production pétrolière stagne depuis des décennies à plus ou moins 25.000 barils /jour, dispose d’un potentiel pouvant atteindre 1 million de barils/Jour. Ce qui équivaut, aux prix actuels, à des recettes de 32 milliards USD par an, soit plus de la moitié du PIB généré dans le pays Congo », selon Didier Budimbu. A ce chiffre, il convient d’ajouter l’apport des multiples produits dérivés de l’exploitation pétrolière, qui se comptent par milliers. «Dans le cas où les phases d’exploration nous permettraient de produire du pétrole brut ou du gaz, notre vœu est de voir relancer des stratégies de mise en œuvre des secteurs productifs et de transformation locale, par l’érection d’une ou de plusieurs raffineries modernes génératrices d’emplois pour la population, créatrices d’une chaîne de valeur et sources d’indépendance en termes de fournitures des produits finis pétroliers, y compris le carburant», a encore déclaré le président Tshisekedi dans son allocution lors du lancement des appels d’offres internationaux.
Rassurer investisseurs et riverains des sites d’exploitation
Le gouvernement congolais s’est efforcé de satisfaire aussi bien les investisseurs internationaux que les populations congolaises riveraines des différents sites d’exploitation d’hydrocarbures ainsi ouverts à l’exploration. Le ministre Didier Budimbu a précisé à ce sujet que «les choix des blocs sélectionnés pour la première phase des Appels d’Offre a été opéré sur base de meilleurs leads et prospects identifiés dans les différents bassins sédimentaires présentant des caractéristiques géologiques à de très forte probabilité d’accumulation des hydrocarbures, gage de rentabilité pour les futurs investisseurs». Mais aussi, que le processus d’attribution de ces blocs sera « public, transparent, impartial et concurrentiel (pour) permettre à la RDC de mettre en place des partenariats gagnant-gagnant dans l’intérêt mutuel des investisseurs et des populations congolaises ». Le président de la République s’était voulu plus que rassurant dans ses propos lorsqu’il a ordonné au gouvernement de faire en sorte que l’exploration et l’exploitation de du potentiel en hydrocarbures de la R.D. Congo « associe les compatriotes et encourage les citoyens congolais non seulement à se positionner comme fournisseurs de services, mais surtout à tisser des alliances stratégiques avec des partenaires internationaux en vue de participer pleinement en tant qu’acteurs actifs aux opérations d’exploration et d’exploitation pétrolière ».
Décision souveraine défiée par des ONG présomptueuses
A travers le lancement des appels d’offres du 28 juillet, la RDC entend exercer son droit souverain d’utiliser ses ressources pétrolières pour son développement, a indiqué le 29 juillet la Cellule de communication de la présidence de la République. Tout le monde ne l’entend pas de cet oreille car, à peine annoncé, le projet s’est heurté à une levée de boucliers d’ONG de défense de l’environnement brandissant bruyamment des prémonitions relatives à la protection des écosystèmes. A en croire les pourfendeurs du projet, plus de 100.000 personnes auraient signé une pétition exigeant le retrait demandant chef de l’État et au gouvernement de l’abandonner purement et simplement au motif que les forêts tropicales du bassin du Congo abritent d’innombrables espèces animales et végétales, un trésor de biodiversité crucial pour la lutte contre le changement climatique qui serait menacé.
Lancée notamment par l’ONG internationale Greenpeace créée à Vancouver (Canada) et dont le siège est à Amsterdam (Pays-Bas), cette campagne robuste contre l’exploitation de nouveaux blocs pétroliers en RDC serait justifiée par le fait que cette exploitation couvre quelques-unes des forêts encore intactes sur terre et que trois d’entre eux chevauchent des zones de tourbières de la Cuvette centrale congolaise, un des grands puits de carbone connus, renfermant 30 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent d’un an d’émissions mondiales dont l’humanité toute entière a besoin pour respirer. Les opposants au projet arguent en outre que 9 de ces blocs pétroliers chevauchent des aires protégées et que leur mise en exploitation saperait les efforts mondiaux de même que l’Accord de Paris de veiller à limiter le réchauffement climatique. «Le monde ne peut se permettre une nouvelle expansion du pétrole et du gaz. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’arrêt immédiat des nouveaux investissements dans les projets d’approvisionnement en combustibles fossiles est la première exigence pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C et atteindre zéro émission mondiale nette d’ici 2050 », soutient derechef Greenpeace qui garde dans le même temps un silence assourdissant sur la responsabilité flagrante et prépondérante des pays occidentaux dans l’aggravation des phénomènes du réchauffement climatique et de la dégradation des écosystèmes mondiaux qui assaille l’univers.
Deux poids, deux mesures
Une étude sérieuse publiée par Carbon Brief indique que jusqu’en 2019, la proportion des gaz à effet de serre émis par la République Démocratique du Congo est de 141 fois moins importante que celle de pays industrialisés comme le Royaume-Uni par exemple. Rien n’indique que ce ratio ait été inversé depuis lors. Les pénuries provoquées par la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui a fait grimper vertigineusement les prix du pétrole et du gaz en raison essentiellement des sanctions américaines et européennes contre la Russie ont poussé la quasi-totalité des pays occidentaux à fouler aux pieds leurs professions de foi antérieures en matière de lutte contre le réchauffement climatique. On a ainsi vu le président Américain Joe Biden se rendre en personne en Arabie Saoudite pour plaider en faveur de l’augmentation de la production du pétrole fossile dans ce pays tandis que la Norvège, grand défenseur de la protection de l’environnement devant l’Éternel multipliait les forages en mer, sans s’attirer le moins du monde les foudres des donneurs de leçons de Greenpeace…
Les énergies fossiles ont donc encore de beaux jours devant elles. Selon un rapport de Coal Market publié le 28 juillet par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la consommation de charbon, source d’énergie sale s’il en est, devrait atteindre 8 milliards de tonnes cette année 2022, soit une hausse de 0,7 % à l’échelle mondiale et de 14% par rapport à 2021 dans la vertueuse Europe qui a délibérément remis en production la plupart de ses réserves de charbon naguère placées en veilleuse dans le cadre de la transition énergétique.
Émotion sélective et règles iniques
Les groupes écologistes qui exigent de la RDC qu’elle renonce à ces ressources en pétrole et en gaz relayent paradoxalement les positions de puissances occidentales elles-mêmes productrices d’énergies fossiles et de moins en moins enclines à protéger les écosystèmes dont ils prétendre défendre l’intégrité. Ce faisant ils affichent une iniquité et un double standard que la RDC, à laquelle ces grands pollueurs de la planète ne proposent rien d’autre que des promesses mirobolantes de compensations jamais concrétisées, ne saurait tolérer.
La vérité est que les occidentaux qui essayent par divers subterfuges d’empêcher la RDC d’exploiter, même avec toute la diligence requise, ses ressources pétrolières et gazières, ont édifié leur prospérité grâce à une surexploitation sans précaution des combustibles fossiles responsables des émanations toxiques qui réchauffent la planète. Leur opposition au projet annoncé le 28 juillet à Kinshasa s’inscrit dans la même veine que toutes ces manœuvres qui, des razzias esclavagistes du 16ème siècle à la colonisation qui a décimé le continent dès le 19ème siècle, ont imposé une gestion économique focalisée exclusivement sur leurs propres besoins.
Le président Tshisekedi a, à bon escient, indiqué que « cet appel d’offres, de même que cette volonté d’exploiter ces ressources, ne constituent en aucun cas un reniement des engagements auxquels nous avons souscrit à l’international » et affirmé la détermination de son gouvernement de « mener des travaux d’exploitation et d’exploration à l’aide de moyens technologiques les plus modernes qui protègent l’environnement, la faune et la flore et préservent les écosystèmes ainsi que les équilibres écologiques ». Il mérite d’être encouragé dans cette résolution tendant, d’une part, à rassurer les partenaires internationaux du pays tout en ramenant à la surface, soixante-deux ans après la décolonisation, les besoins du Congo et les aspirations des Congolais qui ne sont pas moins légitimes que les appréhensions liées à un mondialisme évanescent et discriminatoire.
*Ministre honoraire des Hydrocarbures de la RDC,
Député National