Le chef-lieu de province du Nord-Kivu sous état de siège depuis mai 2021 a vécu une journée très agitée, lundi 25 juillet 2022. Des manifestants, très jeunes pour la plupart, ont pris d’assaut les avenues de Goma, malgré l’interdiction des autorités locales, pour protester contre la MONUSCO, mission onusienne déployée en RDC depuis 1999, qu’ils jugent incapables d’éradiquer les terroristes qui écument cette partie du pays.
Depuis les aurores, de grosses pierres et des barricades en bois entravaient la chaussée, handicapant la circulation. La route dite « Entrée président », ainsi que les axes Deux lampes-Majengo, Mutinga-Katoyi, Kituku-Lasapientia, Katingo-Ndosho, Office-Virunga ont ainsi été totalement paralysés pendant qu’une foule de manifestants grossissant à vue d’œil marchait vers les installations onusiennes en scandant des chansons contre la mission des Nations-Unies.
A la mi-journée, la situation a dégénéré devant les installations onusiennes lorsqu’un groupe particulièrement excité de manifestants s’est attaqué aux casques bleus de garde à coups de projectiles avant de saccager et piller le QG de même que la base logistique de la mission à Katindo.
Pendant ce temps, d’autres manifestants brûlaient des pneus devant le portail avant de casser les murs d’enceinte dont la police a tenté vainement de les éloigner à l’aide de grenades lacrymogènes.
Jusqu’à 13 heures locales, la confusion était totale dans les installations onusiennes de Goma. Des coups de feu ont été tirés en l’air pour décourager les pilleurs par les forces de la police congolaise qui a effectué quelques interpellations. On a enregistré plusieurs blessés dont au moins un adolescent pendant que le personnel onusien était évacué par hélicoptères.
Des sources ont accusé des hommes en uniforme des FARDC d’avoir pris part au pillage avec des images de militaires emportant des biens pillés postées sur les réseaux sociaux. Mais l’information a été démentie par un haut responsable FARDC qui a assuré que les soldats étaient plutôt occupés à restituer à la mission onusienne des objets saisis sur les pillards.
Ces incidents de Goma sont survenus presque concomitamment avec la rencontre entre Bintou Keïta, la cheffe de la mission onusienne et représentante spéciale du secrétaire général des Nations-Unies à Kinshasa avec l’Envoyé spécial de l’ONU dans la région et la Commission de l’Union Européenne à Bruxelles. Ils n’ont pas laissé les autorités congolaises indifférentes. A Kinshasa, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya a fermement condamné « toute forme d’attaque contre le personnel et les installations de la MONUSCO » sur son compte Twitter. Il a menacé de poursuites et de sanctions sévères les responsables des actes déplorés à Goma. «Le processus du retrait de la Monusco a déjà été engagé. En attendant son aboutissement le Gouvernement respectera chacun de ses engagements contenus dans l’accord qui nous lie notamment en matière de sécurité de son personnel et de ses installations», a martelé le ministre.
Reste qu’au-delà des manifestants pris en flagrant délit lundi à Goma, les responsabilités pourraient s’avérer laborieuses à établir, la tension consécutive à la énième agression de la RDC par le Rwanda agissant sous le couvert de la rébellion du M23 est perceptible chez la quasi-totalité des Congolais. Et Goma qui étouffe sous l’afflux des déplacés internes, n’est qu’à quelques kilomètres du front où les troupes loyalistes sont au contact avec les rebelles pro-rwandais. Impossible donc de dissocier ces faits de la guerre dont le président rwandais Paul Kagame a pris l’initiative et dans le cadre de laquelle des agglomérations congolaises comme la cité frontalière de Bunagana sont complètement vidées de leurs habitants et occupés par les agresseurs depuis plusieurs semaines.
De passage au chef-lieu du Nord-Kivu vendredi 15 juillet 2022, le président du Sénat congolais, Modeste Bahati Lukwebo, a sacrifié à la psychose ambiante et dénoncé sans aménité l’indifférence de la communauté internationale devant cette tragédie. Il a communié avec le ras-le-bol largement partagé vis-à-vis de la mission onusienne, vivement prise à partie ici pour son indolence : « 20.000 personnes depuis plus de 22 ans et on n’a pas la paix ! Nous nous posons la question de savoir si ça vaut la peine de continuer à garder la MONUSCO sur notre territoire. Le complot est total », s’était-il écrié. Deux jours plus tôt, réagissant à ces expressions de défiance à son encontre, la mission onusienne avait saisi le ministère des Affaires étrangères par une note verbale l’alertant sur le risque d’actes hostiles contre son personnel et ses installations. Les réactions à chaud qui tendent à lier les incidents de ce lundi à Goma aux propos de Bahati 10 jours ne tiennent donc pas la route.
De nombreuses organisations plus ou moins identifiables à Goma et ailleurs ruent dans les brancards depuis la dernière agression du Rwanda. Vendredi 22 juillet, plusieurs femmes, mobilisées par des mouvements citoyens, avaient arpenté les avenues de la ville pour exprimer pacifiquement devant les installations onusiennes leur écœurement face à l’impuissance assumée par la dispendieuse MONUSCO et tout indique que de telles réactions d’exaspération iront crescendo sur toute l’étendue du territoire national.
D’autres sources ayant attribué à une organisation dénommée « Jeunesse de l’UDPS » un appel à manifester à Goma contre la MONUSCO lundi 25 juillet, le parti du président Félix-Antoine Tshisekedi a formellement démenti et dénoncé dès le dimanche 24 juillet, «le fameux communiqué sans numéro ni signature avec un faux sceau de l’UDPS» pendant que les autorités municipales de Goma instruisaient les forces de police à « veiller au maintien de l’ordre public » et appelaient les populations à « vaquer tranquillement à leurs occupations quotidiennes ».
Ne restent donc plus sur la liste des (vrais) organisateurs de la pagaille de ce lundi 25 juillet à Goma que les fameuses « organisations citoyennes » dont on peut présumer les intentions et les objectifs en posant la question classique : à qui profite le crime ?
LE MAXIMUM