Les observateurs de scène politique congolaise qui le supputaient depuis plusieurs mois ont fini par avoir raison : la coalition Lamuka dutandemMuzito- Fayulu et le FCC de Joseph Kabila convolent en justes noces contre la majorité USN de Félix Tshisekedi. Bien que pour l’instant la nouvelle entente politique n’en soit qu’à ses débuts, elle n’en bénéficie pas moins du concours des églises catholique et protestante, que l’on sait farouchement opposées au nouveau pouvoir en place en RDC. Des groupes de pression proches de ces deux congrégations, le Ministère des laïcs protestants (MILAPRO) et le Conseil de l’apostolat des laïcs catholiques (CALCC), ont rejoint la nouvelle opposition en gestation pour composer avec elle ce qui est présenté comme «forces politiques et sociales de la Nation», un nouveau fourre-tout politique qui envisage de battre le pavé ce vendredi 6 mai 2022, pour assurent ses animateurs, exiger un minimum de consensus sur la loi électorale ou dénoncer «les dérives du pouvoir dictatorial tshisekediste», selon l’ancien ministre Félix Kabange Numbi.
C’est dans un communiqué distribué le 30 avril 2022 que la nouvelle coalition anti-USN a annoncé l’organisation d’un sit-in devant le Palais du peuple et appelé «la population congolaise à la mobilisation totale pour barrer la route au passage en force sur les réformes électorales». Le communiqué aligne une série de griefs à l’encontre du pouvoir en place : la hausse vertigineuse des prix des denrées alimentaires, l’insécurité dans la partie Est du pays, les négociations de Nairobi entre le pouvoir et les rebelles etc.
Chapelet rituel de constestations
Mais dans l’opinion, le chapelet des sujets de contestation égare plus d’un, surtout ceux qui se souviennent qu’il y a peu, des signataires de cette déclaration étaient au pouvoir sans réussir à mettre fin à l’insécurité à l’Est. Et qu’au sujet des négociations avec les rebelles qui endeuillent cette partie de la RDC, précisément, aucune alternative crédible n’est avancée par les pourfendeurs qui eux-mêmes font des pieds et des mains pour arracher des négociations avec le président de la République.
Comme c’est souvent le cas en RDC, il faut donc chercher ailleurs les motivations profondes de la nouvelle opposition politico-religieuse à l’Union sacrée. D’autant plus que, s’agissant de la loi électorale, l’Assemblée nationale a jugé recevable, le 2 mai 2022, la proposition de loi modifiant et complétant la loi n° 06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locale. Il s’agit d’une quarantaine d’articles qui induisent 18 réformes dans la loi en vigueur jusque-là, oeuvre d’un groupe de parlementaires aussi bien de la majorité que de l’opposition regroupés au sein du G13. Auquel on ne peut donc reprocher quelque parti pris que ce soit en faveur du pouvoir.
Le 2 mai, ce sont quelques 347 élus nationaux qui ont donné leur quitus à ces propositions principalement la transparence du processus électoral et l’intégrité de la chaine de transmission des résultats électoraux, notamment à travers le principe de la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote afin de régler le problème de la légitimité des animateurs des institutions de la République.
Nouvelle proposition de loi électorale
A l’occasion de l’adoption de la proposition de loi électorale, le speaker de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, a appelé les députés de l’opposition à identifier celles de ses dispositions qui requièrent un consensus pour en débattre en plénière. «L’heure n’est plus aux discussions de cette loi dans la rue. Ce sera à l’Assemblée nationale», a déclaré en substance le président du bureau de la chambre basse du parlement, mettant ainsi fin aux débats en plénière.
Livrant la quintessence des modifications apportées à la loi électorale aux médias, quelques jours plus tôt, le MLC Jacques Djoli, professeur de droit constitutionnel et membre du G13 explique que les rédacteurs ont évité de toucher aux matières qui impliquent la révision de la constitution à un peu plus d’un an des nouvelles élections (tours de la présidentielle, mode des suffrages pour les élus provinciaux et les sénateurs, verrouillage de l’accès aux fonctions régaliennes …). La disposition qui exige la publication des résultats des élections bureau de vote par bureau de vote a été renforcée par l’obligation pour le président du bureau de vote de proclamer les résultats au terme des opérations. Au niveau du contentieux électoral, la charge de la preuve d’erreur ou de fraude n’incombe plus au seul candidat plaignant mais également au juge du contentieux électoral qui dispose des P.V. reçu en plis de la CENI ; la suppression du seuil électoral remplacé par le seuil de représentativité; la suppression de la proportionnelle, remplacée par le scrutin majoritaire, etc.
Revendications vidées de sens
Les revendications des forces sociales et politiques autour d’un prétendu consensus sur la loi électorale sont ainsi quasiment vidées de tout sens. Ce n’est donc pas la loi électorale qui pose problème : catholiques et protestants veulent des nouvelles négociations politiques «pour s’assurer de la présence des leurs dans les instances de prise de décisions en RDC», selon un analyste de l’Université de Kinshasa. C’est ce que soutient sans ambages le Comité laïc chrétien (CLC), un autre groupe de pression d’obédience catholique et très proche de l’archevêché de Kinshasa. Un de ses membres, l’historien Isidore Ndaywel estime que «le CLC considère qu’il n’est pas trop tard pour bien faire. Raison pour laquelle, il encourage le chef de l’Etat à prendre l’initiative (d’un consensus, ndlr) et la classe politique de faire preuve d’un sens élevé de responsabilité ». Parce que selon lui, «la politique du passage en force et celle des positions extrêmes érigées en droit de veto ont atteint leurs limites. L’une et l’autre position ne peuvent avoir pour conséquence que de fragiliser d’avance la prochaine législature alors que la RDC a besoin plus que jamais d’un pouvoir vertébré ayant pour base une légitimité absolue ». Cela équivaut à chercher midi à quatorze heures, en réalité.
La CENI ou rien
Les réformes consensuelles voulues par les catholiques et les protestants n’ont rien à voir avec les textes légaux. Il s’agit du partage des responsabilités au sein de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), purement et simplement. Au cours d’un point de presse, le 29 novembre 2021, l’alors Abbé Nshole l’avait clairement indiqué aux médias en leur expliquant la dépolitisation de la CENI exigée par Lamuka et les catholiques : c’est « le renforcement de l’indépendance des membres du bureau de la CENI ainsi que la désignation des personnes apolitiques au sein de l’administration de la CENI. Notamment, le secrétariat exécutif national, les secrétariats exécutifs provinciaux et les antennes locales ».
Ce que catholiques et protestants veulent mais dissimulent sous le doux euphémisme de ’’dialogue’’, c’est de faire main-basse sur le secrétariat exécutif de la centrale électorale, en échange de la présidence et d’autres postes du bureau échus à la classe politique, au nom d’on ne sait quel principe, la loi congolaise en vigueur en ayant disposé autrement.
LE MAXIMUM