Invité en compagnie de quelques officiels congolais à un Forum sur les investissements organisé par la chambre de commerce de Houston (États-Unis) sur le thème «s’inspirer du modèle américain pour booster l’industrialisation de la zone Congo », l’inspecteur général des finances chef des services Jules Alingete Key a présenté mardi 26 avril 2022 un exposé succinct de la situation de son pays.
Soucieux d’encourager son auditoire à investir en RDC, il a appelé à cesser de considérer ce pays comme étant en guerre. «Nous n’avons pas la guerre partout au Congo. Nous la regardons à la télévision à partir de Lubumbashi, de Kinshasa, de Mbandaka, et même de Goma. Dans ces grandes villes il n’y a pas la guerre. Elle se déroule à plus de 2.000 kilomètres du siège des institutions, dans des zones isolées riches en minerais, en or, où des groupes terroristes armés opèrent pour exploiter illégalement ces minerais», a déclaré Jules Alingete avant d’ajouter néanmoins qu’«actuellement, le président de la République et le gouvernement se sont investis fortement depuis trois années pour réduire l’impact de cette situation d’insécurité. Et nous réalisons des progrès énormes. Même ceux qui vivent à Goma, à près de 600 kilomètres de là où sévit l’insécurité sont totalement en sécurité. Je veux donc que vous puissiez comprendre qu’il faut venir investir au Congo. Il n’y a pas de guerre».
Hors contexte
Rapportés en RDC grâce à une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, les propos d’Alingete ont été extraits de leur contexte et interprétés à hue et à dia. Par quelques commentateurs furieux de cette présentation d’une image positive et attrayante du pays à l’étranger. Pour eux, Alingete se serait rendu coupable de «négationnisme» en soutenant qu’il n’y a pas de guerre en RDC. Certains l’accusent d’avoir «craché sur les morts de l’Est».
Le négationnisme, est, comme chacun le sait, une notion associée à la négation de l’holocauste de nazis allemands contre les juifs pendant la deuxième guerre mondiale (1940-1945) ou du génocide anti-tutsi du rwandais de 1994 exploitée pour condamner quiconque ose remettre en cause ces barbaries qui firent respectivement des millions et des centaines de milliers de victimes.
Rien d’étonnant donc que certains acteurs politiques en quête de visibilité aient fait chorus avec les pourfendeurs de Jules Alingete pour dire pis que pendre de ce grand commis de l’État rd congolais. A l’instar du RCD-K-ML de Mbusa Nyamwisi qui s’est fendue d’une déclaration dénonçant les prétendues « contre-vérités » de l’IGF-chef des services à Houston qui banaliseraient «les crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui se commettent contre des Congolais». Ou encore de l’ECT du député kivutien Balamage Nkolo qui, pour sa part, «condamne vigoureusement les propos irresponsables et méprisants gratuitement proférés (…) en crachant sur la mémoire des millions de victimes congolaises». Un ‘’Panel d’experts de la société civile’’ basé à Kinshasa, a, qualifié dans un communiqué de presse les propos du patron de l’IGF de «séparatistes et antipatriotiques» et exigeant rien moins que… sa démission de ses fonctions de gendarme des finances publiques !
Délire de protestations
«A en juger par ces réactions courroucées, il aurait fallu que lors de ce forum sur les investissements US en RDC, M. Alingete déclarât que le pays était infréquentable car plongé dans une guerre généralisée et qu’on y égorgeait à tour de bras dans toutes ses 26 entités provinciales», ironise cet analyste politique kinois pour fustiger ce délire victimaire injustifiable.
Parce qu’en réalité, il n’y avait que cela à déclarer aux investisseurs américains, ainsi que le font tous les pays à l’affût d’investissements pourvoyeurs de capitaux, d’industries et d’emplois même lorsqu’ils sont, comme la RDC, la cible dans certaines des parties de leurs territoires de terroristes de tous acabits sans pour autant plier totalement ni rompre.
Il en est ainsi du Nigeria qui, comme le rappelle avec pertinence un internaute, est sérieusement saigné depuis plus de 20 ans par le terrorisme dans le delta du Niger (région pétrolière) sans que ses dirigeants ne cessent de vanter le calme régnant partout ailleurs pour attirer les investissements. « Aujourd’hui encore, de grandes provinces de cet État fédéral sont en proie à l’activisme terroriste de Boko Haram mais personne dans la sphère des responsables publics n’y songe à peindre en noir la situation de ce pays en le décrivant ‘expressis verbis’ comme un État en guerre. C’est au contraire l’image d’un Nigeria relativement pacifique et de ce fait fréquentable qui est mise en exergue afin d’attirer les investisseurs», ponctue-t-il.
En positivant sur la situation en RDC, Jules Alingete qui dirige un service de mobilisation des recettes publiques n’a nullement dérogé à ses devoirs. Un politologue s’exprimant sous le sceau de l’anonymat estime même que dans ces circonstances, il devait minimiser l’impact de la guerre, ce qui n’aurait pas été loin de la réalité car «un état de guerre suppose deux ou plusieurs entités étatiques qui s’affrontent militairement, ce qui n’est pas le cas ici où il faut plutôt parler de conflits localisés et même instrumentalisés».
Du reste, même s’il n’a pas présenté un tableau funéraire à ses interlocuteurs américains, Jules Alingete n’a à aucun moment nié les graves atrocités perpétrées depuis plusieurs décennies à l’Est de la RDC. Simplement, sa mission était d’appeler les détenteurs de capitaux aux USA à les investir en RDC et non de prononcer un plaidoyer misérabiliste sur le pays de Lumumba, que ces détracteurs ne peuvent nullement ignorer.
Le gouvernement visé
Les imprécations contre Alingete sont en réalité dirigées contre le gouvernement congolais qu’il représentait et sa politique de séduction des investisseurs étrangers. Ce qui lui est reproché, ce n’est pas tant la négation des horribles tueries de l’Est mais l’allusion au retour à la normale en RDC. Dans l’Est rd congolais, et au-delà, dans certains pays voisins qui vivent de l’insécurité qui y sévit plus d’un quart de siècle, la paix hante les fauteurs de guerres et ceux qui tirent profit d’une sorte de commerce de la mort. En cela, les objectifs des détracteurs d’Alingete coïncident avec ceux des groupes armés qui écument les provinces des Kivu et entendent s’y incruster comme des sangsues au mieux de leurs intérêts égoïstes.
LE MAXIMUM
