En RDC, la balkanisation tant redoutée ne serait pas l’apanage des seules forces étrangères. Quelques responsables gouvernementaux au plus haut niveau sont mis en cause à cet égard. C’est ce que révèle une enquête de l’Inspection générale des Finances, rendue publique le 2 avril 2022.
Cette investigation commandée par l’ancien 1er ministre Ilunga Ilunkamba a été réalisée en 2020 et porte sur la gestion du patrimoine forestier de la RDC au regard du moratoire fixé par le décret du 24 octobre 2005 et ses textes réglementaires d’application. «Ses conclusions ont été transmises au gouvernement qui les a adoptées et a décidé de leur publication en toute responsabilité», assure l’IGF qui se dédouane ainsi du retard pris dans la prise en charge judiciaire des données scandaleuses y relatives. Parce que durant 20 ans, les allocations des concessions forestières se sont effectuées dans la plus grande opacité, sous le mode du gré à gré, au lieu de l’adjudication prévue par le code forestier. Et en dépit du moratoire en matière d’octroi des titres fonciers de mai 2002, renforcé en 2005.
On y apprend que plus de la moitié des concessions forestières nationales n’appartiennent plus à la RDC, parce que vendues, le plus souvent à vil prix. Ainsi, sur 155.500.000 hectares de forêt (67 % du territoire national), plus de 60 % ont été bradés, révèle le rapport.
Chef-d’oeuvre de bradage
On doit ce bradage du patrimoine forestier national aux différents ministres de l’Environnement qui se sont succédés de juillet 2014 à mai 2020. Soit, 5 plénipotentiaires et 1 intérimaire.
Entre septembre 2019 et mai 2020, c’est le ministre Claude Nyamungabo qui, en violation du code forestier et du moratoire, aurait vendu en procédure de gré à gré 11 concessions forestières sans reverser le moindre sou à l’Etat, selon le rapport. Les transactions ainsi conclues sont présentées «comme des actes de cession, location d’échange ou même de donation entre concessionnaires et pourtant c’était des nouvelles ventes », lit-on.
Amy Ambatobe, ministre de l’Environnement sous Bruno Tshibala a, pour sa part, vendu 7 concessions forestières selon le même mode. Comme Robert Bopolo Bogez, ministre de l’Environnement sous Matata Ponyo, le champion auto proclamé de la bonne gestion. On lui doit l’aliénation de 5 concessions forestières sans que le Trésor public n’en ait rien tiré.
Toujours sous Matata Ponyo, Bienvenu Liyota, ministre pendant quelques 9 mois, a liquidé 3 concessions forestières du domaine privé de l’Etat.
Champions de la bonne gouvernance
A cette liste s’ajoute Athy Kabongo Kalonji, ministre de l’Environnement sous Samy Badibanga qui, en 4 mois aurait vendu illégalement une concession forestière. Tandis que Frank Mwadi Malila Apenela qui assura l’intérim au ministère de l’Environnement du 5 mars au 9 septembre 2019 (gouvernement Tshibala), aurait cédé une concession forestière à l’entreprise Booming G sans rien reverser au Trésor.
Commission de revisitation
Jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presses, jeudi 7 avril 2022, aucune des personnalités mises en cause par l’enquête de l’IGF n’avait réagi à ces graves accusations, à l’exception de Claude Nyamungabo dont un communiqué du service de communication, daté du 6 avril, dénonce «la mauvaise foi» des rédacteurs du rapport. «Il est de notoriété publique que c’est lui (C. Nyamungabo) qui avait initié cette revue des concessions forestières avec l’appui de l’Agence française de développement par le truchement d’un cabinet international», assure-t-on dans ce texte. «Claude Nyamungago n’avait jamais cédé de nouvelles concessions forestières mais avait, en adéquation avec la loi en vigueur, procédé à la réattribution des concessions déjà existantes, car ceux qui en disposaient ne respectaient pas la législation», ajoute le service de communication de l’ancien ministre devenu député national.
Mardi 5 avril 2022, Eve Bazaïba, actuelle ministre de l’Environnement, a décidé la mise en place d’une commission de revisitation de tous les contrats de concession forestière. Elle est, notamment, chargée de l’actualisation du fichier des titulaires des titres forestiers et de procéder à l’examen des dossiers de chaque exploitant au cas par cas.
La commission ainsi mise sur pied est placée sous l’autorité de la vice-première ministre en charge du secteur de l’Environnement. Elle produira un rapport détaillé dans un bref délai en vue de permettre au gouvernement de recouvrer tous ses droits forestiers, apprend-on.
LE MAXIMUM