L’affaire a enflammé la toile et l’opinion en RDC au milieu du mois d’août dernier. Lorsque deux membres plus qu’influents de la nouvelle majorité tshisekediste se sont affrontés à travers les médias et les réseaux sociaux. Ou, plus exactement (parce que l’appartenance de l’Inspecteur-chef de service de l’Inspection générale des Finances à un parti politique reste à prouver), lorsqu’un ministre du gouvernement s’en est pris vertement à l’Inspecteur générale des Finances, l’accusant notamment de s’opposer au décaissement de quelques 30 milliards FC en liquide, une somme requise (par le ministre) pour payer les prestataires chargés de la surveillance des épreuves nationales de fin d’études primaires (TENAFEP) et d’avoir usé de trafic d’influence pour obtenir le paiement de Veridos, une firme allemande chargée de l’identification et du suivi informatisé des élèves en RDC. «Véridos voulait donner aux élèves du primaire les cartes biométriques contre le paiement de 5 Euros/élève. Je lui ai dit qu’au niveau du primaire c’est la gratuité totale et elle est non négociable. Je lui ai dit que ce contrat ne passera pas. Il m’a appelé pour me dire que ce sont ses amis. J’ai refusé», assurait le nouveau ministre, plutôt fort impressionniste.
Il faut dire qu’une année à peine depuis sa nomination à la tête de l’IGF, Jules Alingete Key, inspecteur-chef de service, s’est tissé une réputation de tombeurs de têtes les plus couronnées de la République, dès qu’il s’avère qu’elles ont indûment utilisé les deniers publics mis à leur disposition. En l’accusant de trafic d’influence, Tony Mwaba, le tout récent ministre UDPS de l’Enseignement primaire, secondaire, professionnel et technique (EPST) s’attaquait à un mythe qui s’enracinait, au grand plaisir d’une opinion publique lassée par l’impunité caractéristique au sommet de l’Etat depuis la dictature mobutiste de triste mémoire.
Tempête calmée
Plus de deux semaines après la saga Tony Mwaba-Veridos-Alingete, la tempête semble se calmer, les protagonistes du dossier ayant manifestement pris le parti de ne plus s’affronter ouvertement. Même si le dossier en soi a évolué dans un tout autre sens que celui que lui destinait le patron de l’EPST qui prétendait pouvoir ranger le dossier dans les archives de son ministère. Le 19 août, au lendemain de ses vociférations sur le dossier Veridos devant les caméras de télévision et une brochette d’administrés, Tony Mwaba recevait en son cabinet de travail, plutôt en grandes pompes et de la manière la plus officielle possible, une délégation de l’entreprise allemande venue conclure le dossier entamé avec ses prédécesseurs à la tête du ministère et soutenu par le cabinet du président de la République. Survenu en l’espace de quelque 12 heures, ce retournement de situation n’a pas manqué de mettre la puce à l’oreille de maints observateurs à Kinshasa. Les «protégés» d’Alingete étaient redevenus fréquentables, un peu trop rapidement à l’évidence. Mais pas seulement. Ce 19 août, Véridos obtenait du plénipotentiaire de l’EPST en RDC la conclusion effective du dossier, du reste déjà liquidé à hauteur de 2 millions USD, selon des documents publiés par la presse quelques heures plus tôt. «Jules Alingete n’avait donc nullement besoin de solliciter le paiement des allemands puisqu’au moment de la vindicte télévisée, ils étaient déjà entrés en possession de leur dû», commentait pour Le Maximum une source à l’IGF. «Soit, donc, Tony Mwaba avait menti, soit il ne maîtrisait pas l’évolution des dossiers au ministère qui lui était confié », concluait-elle.
Image écornée
L’évolution ultérieure du dossier Veridos n’a pas permis de tirer les draps en faveur du ministre de l’EPST. Membre de la suite du chef de l’Etat durant son séjour berlinois dans le cadre d’un forum consacré aux investissements allemands sur le continent, fin août, le ministre de l’EPST s’est vu chargé de mener à terme l’accord Veridos en signant formellement le contrat entre la firme allemande et la RDC via l’EPST. «Ce partenariat va nous aider à maîtriser les effectifs des élèves, des enseignants, des écoles ainsi que les agents des bureaux gestionnaires. Au final, ce sera pour lutter contre écoles et personnels fictifs. Les élèves ne débourseront aucun franc. C’est le Trésor public qui prendra le tout en charge et à un prix raisonnable», expliquait, convaincu, Tony Mwaba. Le ministre n’aura rien gagné dans le bras-de fer engagé contre Veridos et l’IGF. Loin s’en faut. Le 2 septembre, Nicolas Kazadi, ministre des Finances réagissant à la correspondance de l’IGF sur le dossier TENAFEP, a ordonné l’annulation de l’ordre de paiement et de l’OPI portant sur le décaissement de 31.220.578.950,00 FC relatif à l’organisation du TENAFEP. La boucle est bouclée. Le pugilat par médias et réseaux sociaux interposés n’aura servi qu’à écorner l’image de «révolutionnaire intègre» qu’il se concocte depuis plusieurs mois. Tout est à réexaminer à la loupe désormais, s’agissant du ministre de l’EPST.
LE MAXIMUM
DOSSIER VERIDOS : Le bras-de fer inutile de Tony Mwaba
