Deux conseils des ministres de suite, dont celui présidé par le Chef de l’Etat vendredi dernier, ont attesté de la tendance à la diminution des cas de Covid-19. Tout au moins à Kinshasa la capitale de la RDC. Une réunion des équipes chargées de la riposte à la pandémie présidée par le 1er ministre a passé en revue les conséquences à tirer de cette amélioration de la situation à Kinshasa, autant de sa relative aggravation dans certaines provinces. Dans les jours qui viennent, le président de la République devrait également conférer avec les mêmes équipes sur les mesures à prendre. On s’attend à un assouplissement des mesures draconiennes arrêtées en son temps, qui semblent avoir porté les fruits attendus (Notamment le couvre-feu en application dès 22 heures à Kinshasa, selon le Dr Muyembe). D’autant plus que dans la capitale, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer leurs conséquences sur certaines commerciales, dont le fonctionnement des débits de boisson, un commerce très prisé qui nourrissait plutôt bien son homme.
Quoiqu’il en soit, interrompue depuis le 10 juillet dernier (en principe) faute de vaccins, la vaccination anti-covid-19 devrait reprendre incessamment en RDC. Le ministre de la Santé, Jean-Jacques Mbungani, l’a confirmé en conseils des ministres le 30 juillet puis le 6 août 2021 en assurant que « le processus d’allocations diversifiées de vaccins à la République Démocratique du Congo avance normalement et la première livraison interviendra dès la première quinzaine du mois d’aout ». Elle prend fin dans 24 heures, cette première quinzaine, ouvrant la voie à une allocation diversifiée de vaccins qui ne sera pas pour déplaire, après les déboires à l’international de la variante AstraZeneca obtenue via le mécanisme Covax.
L’offre vaccinale offrira donc davantage de variétés, désormais. Parce que Kinshasa ne semble pas avoir eu le choix, dans un passé récent, obligé de faire avec le seul AstraZeneca, le vaccin suédo-britannique qui devrait faire partie des lots attendus afin d’assurer la prise de la seconde dose aux vaccinés de la première campagne, entre autre. Le pays attend ainsi quelque 5,9 millions de doses des vaccins Pfizer, Sinovac et Johnson & Johnson dans le cadre de la facilité Covax. Mais aussi du Gouvernement britannique (51.000 doses AstraZeneca), de la Chine (200.000 doses de Cinovac) ainsi que dans le cadre de la facilité de l’Union Africaine (26 millions de doses du vaccin Johnson & Johnson à livrer en deux tranches dès novembre prochain). Objectif : préserver le plus de vie possible face à la progression de la pandémie en atteignant une population cible de 25 % de Congolais.
Vacciner 25 % des congolais
A la suspension de la campagne de vaccination, mi-juillet, moins d’un million de personnes avaient été vaccinées en RDC : 4.260 avaient reçu deux doses d’AstraZeneca sur un total vaccinés de 81.910. Le pays a déjà dépassé le cap du millier de décès (1.048 au 10 août) contre 30.189 guérisons. Sur les 129 nouveaux cas confirmés le 10 août, 34 l’étaient au Sud-Kivu, 15 au Lualaba, 5 dans le Haut-Uélé et 4 au Nord-Kivu, confirmant ainsi la tendance baissière observée dans la capitale contre une alarmante tendance à l’augmentation dans les provinces, essentiellement due au variant indien Delta.
Pourtant, ce ne sont pas critiques qui ont fait défaut contre les vaccins anti-covid, invariablement et indistinctement. Les uns après les autres, les remèdes préventifs contre la pandémie ont subi les foudres de la concurrence. Car, c’est de cela aussi qu’il s’est agi : une gué-guerre des fabricants et d’influenceurs.
Vaccins critiqués
Premier à passer à la trappe dès la mi-mars, le suédo-britannique AstraZeneca : il a vu son utilisation temporairement suspendue dans une quinzaine de pays en raison de craintes liées à la formation de caillots sanguins, avant que l’Agence européenne des médicaments (AEM) ne tempère l’hémorragie. « Il s’agit d’un vaccin sûr et efficace », tranchait-il mollement, un peu sur le tard. Tout en se montrant encore réservé sur sa indienne largement distribuée grâce à l’initiative Covax aux pays pauvres de la planète, dont la RDC, qui n’avaient guère de choix, du reste.
De son côté, l’agence américaine du médicament épinglait en juillet dernier le vaccin Johnson-Johnson, le seul qui soit administré en dose unique, responsable selon lui de cas de syndrome de Guillain-Barré, une affection neurologique.
Alors qu’au début du même mois de juillet, l’Etat d’Israël, qui dispose d’un des systèmes de vaccination les plus avancés au monde, accusait le vaccin Pfizer d’inefficacité contre le variant Delta en raison d’une résurgence de nouveaux cas sur son territoire.
D’autres vaccins, notamment chinois et russes, étant pour leur part critiqué pour leur inefficacité supposée ou avérée contre certains variants du Covid, dont l’indien Delta.
Mais aujourd’hui que la courbe de cette gué-guerre des vaccins affiche une tendance à la baisse, certains chercheurs se ravisent et assurent que tous les vaccins sans exceptions peuvent comporter des effets indésirables. Comme n’importe quel médicament. Une étude française (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ANSM) passe au crible ces malaises plus ou moins importants induits par chacun des vaccins que s’apprête à recevoir Kinshasa. A commencer par le désormais célèbre vaccin suédo-britannique.
Tous comportent des effets indésirables
AstraZeneca : La grande majorité des cas concerne des syndromes pseudo-grippaux, souvent de forte intensité (fièvre élevée, courbatures, céphalées) ». En outre, le vaccin d’AstraZeneca peut entraîner des diarrhées, des vomissements et des saignements de nez. Des étourdissements, une sudation excessive et une diminution de l’appétit ont également pu être observés. Il existe également un lien entre le vaccin d’AstraZeneca et des cas « très rares » de thromboses. L’agence a cependant maintenu ses recommandations, estimant que les bénéfices du vaccin restaient « largement supérieurs aux risques qu’il fait encourir » : il est plus probable de mourir du Covid-19 en cas d’infection que d’un caillot sanguin provoqué par l’injection d’une dose d’AstraZeneca.
Pfizer-BioNtech (vaccin Comirnaty) : fatigue, maux de tête, douleurs musculaires ou articulaires, frissons et fièvre. Des nausées ont aussi été signalées (plus d’un cas sur 100). Ces réactions bénignes sont temporaires, le temps de la mise en action du système immunitaire, et peuvent être associées au stress engendré par une vaccination. Il a également observé des cas d’hépatites avec les vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna.
L’agence a par ailleurs classé comme « signal potentiel » les troubles menstruels (règles plus abondantes, décalées par rapport au cycle habituel…) après la vaccination avec le produit de Pfizer-BioNTech ainsi que le risque d’augmentation de la tension artérielle, immédiatement après la vaccination ou de façon différée, de courte durée et d’évolution favorable.
Moderna (vaccin Spikevax) : La majorité des effets indésirables rapportés, attendus et non graves, sont les mêmes que ceux signalés pour le vaccin de Pfizer-BioNTech (fatigue, maux de tête, douleurs musculaires, etc.).
Un grand nombre de cas d’effets secondaires non graves concerne des réactions à l’endroit de l’injection : douleur, gonflement (plus d’un cas sur dix) ; rougeur, urticaire, éruption cutanée. Hormis les cas d’hépatites observés, à l’image du Pfizer, il est signalé des cas de troubles menstruels après la vaccination ainsi que des « troubles vasculaires de type d’hypertension artérielle » et de myocardite (plus rares) chez les jeunes.
Johnson & Johnson : La majorité des effets indésirables sont non graves, attendus et d’évolution favorable, en particulier des effets de réactogénicité (par exemple des malaises). Il s’agit principalement de maux de tête, de nausées, de fatigue, de douleurs musculaires et à l’endroit de l’injection. Une toux et de la fièvre ont aussi été observées. Plus rarement, ce vaccin peut entraîner des tremblements, des douleurs oropharyngées, une sudation excessive, un mal de dos, un état de faiblesse générale ou encore un malaise. De même qu’un cas d’hépatite ainsi qu’un cas de péricardite (inflammation du péricarde, la membrane qui enveloppe le cœur) ont été rapportés.
En outre, il existe un lien possible entre ce vaccin et des cas de syndrome de Guillain-Barré (une atteinte neurologique rare) déclarés en Europe.
Reste à faire face aux multiples variants du Covid-19.
Les variants, une équation insoluble
Au chapitre des variants, pourtant, la covid-19 n’en est peut-être pas encore à sa dernière mutation et la pandémie pourrait encore enregistrer de nombreuses vagues supplémentaires. En RDC, il semble qu’on en était encore à la 3ème vague, emmenée par le Delta, lorsque la campagne de vaccination a été suspendue. D’autres souches du Covid-19 qui a fait du chemin depuis son apparition à Wuhan (Chine) préoccupent au plus haut point l’OMS. Certes, il y eût le variant britannique Alpha et le brésilien Gamma avant l’indien Delta, tous assez connus et combattus aujourd’hui.
Mais deux autres souches classées dans la catégorie « à suivre » (et non parmi les préoccupantes) commencent à retenir l’attention de l’OMS : le variant Lambda détecté au Pérou depuis 2020 est déjà présent dans une trentaine de pays. Le caractère atypique de ce variant déconcerte les scientifiques. « L›une des raisons pour lesquelles il est difficile de comprendre la menace de Lambda […] est qu›il présente un ensemble de mutations plutôt inhabituel, par rapport à d›autres variants », explique Jeff Barrett, le directeur de la Covid-19 Genomics Initiative au Wellcome Sanger Institute au Royaume-Uni, cité par Skynews.
Et quant à l’efficacité des vaccins sur ce variant plus contagieux, Il semblerait que les vaccins ARN, comme Moderna et Pfizer, que Kinshasa attend d’ici peu, soient mieux rodés pour lui résister. Et bonne nouvelle : « il n’y a pas de preuve qui suggère qu’il est plus agressif que les autres variants », renchérit Jairo Méndez Rico, conseiller sur les infections virales émergentes à l›Organisation panaméricaine de la santé au Financial Times.
Quant à l’autre variant qui préoccupe, Epsilon (à l’origine baptisé variant californien), ses premiers échantillons ont été recueillis en mars 2020 aux États-Unis. S’il n’est a priori pas plus contagieux que les autres souches, les scientifiques ont malheureusement noté une réduction de 2 à 3,5 fois des capacités neutralisantes des vaccins ARN à son contact. En d’autres termes, Epsilon serait plus résistant aux anticorps produits par les personnes vaccinées. On l›observe essentiellement aux États-Unis mais sa présence en Europe a déjà été signalée.
La présence des deux variants est déjà signalée en Europe et rien n’indique qu’ils ne devraient pas franchir les frontières sanitaires combien poreuses de la RDC. Surtout pas le troisième de ces mutations covidienne, le B.1.621 ou variant colombien, déjà responsable de 7 décès dans une maison de retraite en Belgique il y a peu. D’après une étude menée au Royaume-Uni et publiée début août par la Public Health England, le variant B.1.621, contient «des mutations associées au changement antigénique», dont E484K que l’on retrouve aussi chez le variant Bêta. D’autres études encore rapprochent le variant colombien du variant anglais Alpha, c’est-à-dire, qu’il se caractérise par une forte résistance aux vaccins. Le B.1.621 est déjà signalé au Portugal, en Espagne ou encore en Italie après la Grande-Bretagne. C’est dire à quel point Kinshasa et ses provinces ne sont nullement hors de portée de ce variant d’origine Nord et Sud-Américaine.
Une troisième dose ?
En RDC comme ailleurs à travers le monde, on n’échappera probablement pas à une troisième dose des vaccins anti-covid. L’Etat d’Israël en a donné le ton en l’administrant aux patients dotés d’un faible système immunitaire. En France, la question de la 3ème dose est en discussion. Et d’autres pays européens pourraient suivre, alors qu’en Afrique et en RDC, on en est encore au règlement des problèmes d’approvisionnement pour faire face aux premières vagues de la pandémie.
Le plus difficile reste à venir : apprendre à vivre avec.
J.N