La RDC au coeur de l’Afrique qui émerge de décennies des conflits et de mauvaise gouvernance détient la clé de l’écologisation de l’économie mondiale.
C’est le point de vue de Robert Friedland, magnat des mines, dont l’entreprise Kamoa-Kakula vient de lancer la production du cuivre au Katanga.
Après avoir visité 59 Etats pendant plus de trois décennies, ce milliardaire canadien affirme que le pays de Lumumba possède les meilleurs gisements au monde du métal utilisé dans tout (voitures électriques, panneaux solaires, réseaux électriques etc.).
Les gouvernements et entreprises adoptent de plus en plus l’électrification pour libérer le monde des combustibles fossiles, mais la pénurie de métaux se profilent comme un goulot d’étranglement majeur à moins que les mineurs ne puissent augmenter leur production à un rythme sans précédent. Les gisements congolais sont donc sous le feu des projecteurs alors que la croissance du Chili, principal fournisseur jusque-là, ralentit dans un contexte de détérioration de ses minerais induisant d’énormes charges d’investissement. «Si nous venions de Mars et que nous étions envoyés dans une soucoupe volante en orbite autour de la terre pour trouver du cuivre, c’est au Katanga que nous irions car c’est l’endroit le plus riche de la planète en cuivre», affirme Friedland.
Alors que les géologues connaissent depuis longtemps ce potentiel congolais, l’exploration et l’extraction ont été entravées par l’instabilité politique ainsi que par le manque de transparence et d’infrastructures.
Certains éléments de dissuasion persistent. Il s’agit notamment de la desserte en électricité. Paul Mabolia Yenga, chef de l’agence de planification au ministère congolais des Mines le reconnaît sans se faire prier. Alors que les plus grands mineurs construisent ou rénovent des centrales hydroélectriques, les générateurs diesel sales sont toujours actifs sur de nombreux sites en RDC.
Exportations de cuivre semi-transformé interdites
La sécurité juridique est également toujours un problème au Congo-Kinshasa, les producteurs devant négocier des dérogations à l’interdiction des exportations de cuivre semi-transformé édictée par la législation en vigueur. Des entreprises comme Glencore Plc, qui exploite deux grandes mines de cuivre et de cobalt au Congo, ont fait pression pour modifier le code minier révisé en 2018 par le gouvernement de Joseph Kabila pour augmenter la part du pays dans les bénéfices de l’industrie minière.
Ivanhoe Mines Ltd. de Friedland s’estime néanmoins à l’aise pour opérer au Congo et se dit prête à expédier des concentrés jusqu’à la construction d’une fonderie. Le patron de cette entreprise qui a fait fortune grâce à un projet de nickel canadien et à une découverte massive de cuivre et d’or en Mongolie veut faire de la nouvelle mine de la RDC l’une des plus grandes et des plus ‘‘vertes’’ au monde.
Avec une transformation énergétique naissante faisant du cuivre le nouveau pétrole, il compare la RDC à l’Arabie saoudite des années ‘50 lorsque le champ pétrolier géant de Ghawar avait été mis en activité. Seule condition : que le gouvernement s’implique de manière crédible dans la lutte contre la corruption et la pauvreté et renonce à la tentation de l’argent facile de la Chine, du Moyen-Orient et de l’Europe.
Les producteurs traditionnels de cuivre que sont le Chili et le Pérou contrôlent toujours une plus grande part des investissements miniers, mais c’est au Congo que l’on observe l’accélération la plus significative du développement des projets miniers, selon CRU Group.
Pour Erik Heimlich, analyste du cuivre basé à Santiago (Chili), «ce n’est pas que la RDC ait vraiment réduit considérablement son risque mais le fait est que partout, il devient de plus en plus compliqué de développer des projets, donc en comparaison, ils y sont plus rentables».
La réponse à la forte demande de cuivre suralimentée dans les décennies à venir signifie que le développement d’une plus grande partie du potentiel minier du Congo ne sera qu’une partie de la solution. CRU estime que l’industrie devra investir 100 milliards USD supplémentaires pour combler un déficit d’approvisionnement de 5,9 millions de tonnes d’ici 2031.
Le Chili de moins en moins compétitif
La croissance de l’offre de cuivre dans les années 1990 et 2000 était centrée sur les gisements de porphyre d’Amérique latine exploités dans des mines à ciel ouvert géantes comme Escondida du groupe BHP au Chili. Mais le vent tourne contre de tels gisements à cause de la baisse de la qualité du minerai et de la nécessité de décarboniser les opérations qui imposent une plus grande quantité d’électricité et d’eau utilisée par les mines, a déclaré Friedland. Des gisements plus riches au Congo peuvent fonctionner à une échelle beaucoup plus réduite en utilisant l’énergie hydraulique, ce qui limiterait leur empreinte carbone.
«De ce fait, il n’est pas évident, le réchauffement climatique devenant un indice central, que le Chili soit le meilleur endroit à exploiter. Bien au contraire, la localisation idéale est maintenant le Congo», assure Friedland.
La tendance des politiciens au Chili et au Pérou à prendre des parts de plus en plus grandes des bénéfices de l’industrie remet également en question les hypothèses de pays à risque alors que la RDC paraît disposée à accueillir de nouveaux investisseurs. «La présence de BlackRock et de Fidelity dans le registre des actionnaires d’Ivanhoe souligne la réputation de transparence des opérations de la société basée à Vancouver au Congo», a-t-il ajouté.
Ivanhoe a commencé à produire des concentrés en mai 2021 dans son entreprise Kamoa-Kakula avec ses partenaires Zijin Mining Group Co. et le gouvernement de la RDC. Une première phase devrait produire 200.000 tonnes par an. À terme, cette production pourrait dépasser les 800.000 tonnes compte tenu de « l’océan » de minerais disponibles, à condition que l’exploitation reçoive suffisamment d’hydroélectricité.
«Nos géologues sont très confiants. Avec une exploration continue et compte tenu de ce que nous savons de ce gisement, il pourrait être dix fois plus grand que ce que nous voyons aujourd’hui», selon Friedland.
La découverte et le développement d’un gisement aussi important par cette société indique que la richesse minière du Congo n’est toujours pas suffisamment testée et mérite plus d’exploration. «Nous avons besoin de dizaines de découvertes à cette échelle si nous voulons électrifier l’économie mondiale», estime le patron de Kamoa-Kakula qui explique que l’industrie doit se réinventer pour gagner la confiance et la participation des pays hôtes, des investisseurs et de la communauté au sens large afin de produire de manière durable assez de métaux conducteurs pour l’électrification.
Une tâche énorme après une période de prix bas qui a vu les mineurs réduire les budgets pour se concentrer sur les bilans et les dividendes, entraînant une pénurie de découvertes. Les projets deviennent de plus en plus difficiles et coûteux à construire et à exécuter dans un contexte de normes environnementales et sociales croissantes dans un secteur où l’on n’a pas encore pris tout à fait la juste mesure de l’origine des éléments constitutifs d’un monde neutre en carbone.
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