L’éruption soudaine du volcan Nyiragongo (3.470 m), l’un des plus dangereux au monde situé à une vingtaine de km de la ville de Goma, le 22 mai 2021, provoquant la mort de quelque 32 personnes et d’énormes dégâts, semble s’estomper. Une bonne nouvelle qui calme l’angoisse et l’anxiété aussi bien des riverains contraints à l’errance que des dirigeants congolais et des scientifiques qui suivent de près l’évolution de la situation dans le chef-lieu du Nord-Kivu dont 3 quarts des habitants se sont éparpillés pour échapper aux conséquences de la lave.
On a constaté en effet la fin des trop nombreux mouvements sismiques qui ont continué à secouer Goma et ses environs après l’éruption.
La vie reprend petit à petit son cours normal dans cette coquette ville de près d’un million d’habitants.
Quelques gomatraciens qui ont été contraints d’abandonner leurs domiciles sur ordre du gouverneur militaire Constant Ndima reviennent timidement, malgré les risques encourus.
A ce sujet, le président de la République Félix Tshisekedi a, dans son point de presse de samedi 29 mai, exhorté ses compatriotes à la prudence car malgré l’accalmie observée par les scientifiques, la lave demeurait présente sous le sol de Goma faisant craindre une ou des éruptions secondaires, de même qu’une possible explosion de gaz méthane enfoui sous le lac Kivu au contact avec le magma.
Le danger perdure
Vendredi 28 mai sur les antennes de la RTBF 1 (Belgique), Corentin Caudron, un volcanologue de l’Institut des Sciences de la Terre à Grenoble, assurait déjà que « Au niveau du cratère du Nyiragongo, il n’y a plus de lave pour l’instant. Ce n’est pas encore certain, mais on est en train d’observer si c’est le cas ou pas. Mais peu importe, il y a une cheminée sur et sous le volcan, avec des poches de magma qui circulent. Cela a été le cas en 2002 et c’est assez rassurant». Toutefois, le danger n’en est pour autant totalement écarté, compte tenu du fait qu’«on aperçoit des migrations de séismes sous la ville vers le lac. Une situation similaire en 2002 n’a pas débouché sur une éruption mais le risque existe et doit donc être envisagé», a-t-il expliqué.
Ces craintes sont confirmées par un autre volcanologue Benoît Smets qui, interrogé sur RFI, a attiré l’attention sur le fait que la seule observation sismique ne suffit pas pour établir un diagnostic définitif au sujet d’un risque de nouvelle éruption. «Si on ne regarde la déformation du sol qui bouge à cause du magma en profondeur, rien n’indique que cela va s’arrêter à coup sûr. En fait, ça pourrait être le calme avant la tempête. C’est pour cela que j’émets quelques réserves sur les changements observés au niveau de la sismicité. C’est un moment charnière. Peut-être que demain, on pourra avoir plus d’informations. La seule chose rassurante, c’est qu’en 2002, lorsque cette activité sismique avait diminué d’intensité, on a assisté à la fin de l’éruption», a-t-il précisé.
Nouvelles rassurantes
Autre bonne nouvelle : un communiqué du ministre des Transports Chérubin Okende, assure que les conditions requises pour la réouverture de l’aéroport de Kavumu à Bukavu étaient suffisamment satisfaisantes pour permettre la réouverture de cet aéroport au trafic. Le communiqué qui se base sur les observations météorologiques des aéroports et espaces aériens ainsi que sur le bulletin spécial du centre de surveillance de Toulouse (France) indique en effet que le ciel s’éclaircit au-dessus de Goma et Bukavu. De sorte que même si la réouverture de l’aéroport de Goma devra attendre encore un peu, Kavumu à Bukavu peut à nouveau accueillir des aéronefs au courant de la semaine.
L’épineux problème de l’encadrement des déplacés (400.000 personnes, selon les sources) est en voie de trouver aussi un début de solution grâce notamment à l’assistance de quelques partenaires extérieurs. Le gouvernement américain (USAID) a débloqué 400.000 USD pour accompagner la première phase de l’aide d’urgence par l’UNICEF qui s’efforce de distribuer de l’eau potable aux populations déplacées pour éviter la propagation du choléra. Samedi 29 mai, le secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des affaires humanitaires, Mark Lowcock, a pour sa part validé l’octroi d’une contribution du Fonds central de réponse d’urgence (CERF) de l’ordre de 1,2 millions USD à affecter au rétablissement de l’approvisionnement en eau de Goma.
A Sake, Minova et Bukavu où les déplacés ont afflué en masse après l’ordre d’évacuation d’une dizaine de quartiers de Goma, quelques camions citernes fournissent tant bien que mal de l’eau potable aux déplacés. A Rutshuru (Kiwanja, Rutshuru-Centre, Rugari), Médecins sans frontières (MSF) a entamé une prise en charge médicale gratuite en faveur des déplacés.
Quid de l’OVG ?
La collaboration remarquable des scientifiques du monde entier à l’observation du volcan Nyiragongo a permis de lever un coin de voile sur l’apport de l’Observatoire volcanologique de Goma (OVG), très critiqué ces derniers jours. Nombre d’analystes reprochent à cette structure relevant du ministère de la Recherche scientifique de n’avoir pas joué correctement son rôle qui est de prévenir les autorités et la population de l’imminence de l’éruption du volcan. A ce sujet, des experts estiment que l’éruption du Nyiragongo, le 22 mai dernier, n’était pas prévisible. Sur Top Congo FM, Kabasele Kanda, géologue et professeur à l’UPN l’a qualifiée d’éruption avortée au motif qu’elle est survenue quelques années après la période de 25 à 30 ans qui sépare habituellement les saillies de ce volcan. Même son de cloche chez le volcanologue français C. Caudron pour qui «il y a très peu de signes précurseurs évidents, donc c’était imprévisible. Il y avait pourtant des données et plusieurs scientifiques regardaient ça au niveau local, mais aussi en Europe et un peu partout dans le monde. Il n’y avait donc vraiment rien à trouver, malheureusement». Plus explicite, Benoît Smets est d’avis que « l’Observatoire volcanologique de Goma a clairement des problèmes de financement de base. Ils sont fort dépendants des projets internationaux pour pouvoir réaliser leurs travaux. Mais leurs techniques et leurs moyens de surveillance sont modernes grâce à l’aide internationale. Ce qui se passe ici, c’est qu’on a eu une éruption qui n’a pas prévenu. Les capacités de surveillance et les problèmes de financement de l’OVG n’ont rien à voir avec le fait qu’on n’a pas pu détecter l’éruption».
Eruption avant terme prévisible, le Nyiragongo a néanmoins causé la mort de 32 personnes en 2021, selon le gouvernement, contre 130 en 2002.
Situation humanitaire
Sur les différents sites d’accueil des déplacés ayant fui Goma, la situation restait préoccupante en début de semaine.
Dans la cité de Sake, à plus ou moins 30 kilomètres de Goma, les habitants des 10 quartiers évacués du chef-lieu de la province du Nord-Kivu ont passé des nuits à la belle étoile sans provisions, ni eau et médicaments. «Nous sommes ici à Sake, les autorités nous ont dit d’évacuer mais malheureusement nous n’avons aucune assistance jusque-là. Nous avons passé la nuit sans rien manger», déclare l’un d’entre eux.
Même son de cloche parmi les personnes évacuées à Masisi ainsi que dans les territoires de Nyiragongo et de Rutshuru.
De toute évidence, l’assistance mise à disposition par le gouvernement central est insuffisante par rapport aux besoins.
Cela a poussé certains déplacés en désespoir de cause, de regagner Goma avant la fin de l’alerte car la vie devenait intenable dans les camps des déplacés.
Kinshasa a appelé à une forte mobilisation de la communauté humanitaire à cet effet.
JN