Dans la théorie du chaos, «l’effet papillon» renvoie à l’idée selon laquelle de petites choses peuvent avoir un impact non linéaire sur un système complexe. On évoque des battements des ailes d’un papillon pouvant provoquer des tornades à milles lieues à la ronde à la suite d’une succession d’éléments intermédiaires.
D’aucuns pensent à propos de l’initiative du président rd congolais Félix Tshisekedi de revisiter différents contrats miniers, particulièrement ceux signés avec Pékin qu’il s’agit d’une initiative américaine ayant vocation de gêner les intérêts chinois en RDC. «L’influence des Etats-Unis sur les nouvelles autorités congolaises n’est plus à démontrer», affirme-t-on dans les salons de la ville haute même si cela ne coïncide pas avec les révélations fracassantes du président du conseil d’administration de la Gécamines et patron des patrons congolais, Albert Yuma Mulimbi, un des architectes desdits contrats qui a distillé dernièrement des informations relatives au pillage planifié de gisements miniers congolais depuis les années de l’indépendance. Cette situation place les autorités congolaises dans l’obligation de renégocier divers contrats miniers passés par ses prédécesseurs depuis 1960 afin de faire prévaloir les intérêts du peuple congolais.
On rappelle que les derniers de ces contrats concernent ceux conclus en 2007 avec un consortium d’entreprises chinoises, avec à leur tête Sicomines. Dans cette joint-venture, la Gécamines disposait de 32 % des parts tandis qu’un consortium d’entreprises publiques chinoises, composé de Sinohydro, China Railway Group, Zhejiang Huaou Cobalt Co et China Machinery Engineering Group, se partageaient 68 % des parts.
Selon les termes dudit contrat, la partie chinoise devait financer à hauteur de 6,6 milliards USD, des travaux de réhabilitation et de modernisation d’infrastructures de base en RDC en contrepartie des minerais de cuivre et de cobalt, à exploiter dans le grand Katanga.
Aujourd’hui, l’occident semble vouloir imposer la nouvelle ligne de conduite définie par le président américain Joe Biden pour qui «nous devons nous unir pour freiner les comportements des Chinois et des Russes». Un discours visant à mettre à mal les intérêts chinois dans le monde dans l’espoir de créer un effet papillon préjudiciable à l’empire du milieu.
Cela se ressent à traver la comunication des diplomates européens et américains à Kinshasa.
On pourrait certes se réjouir de cette évolution en la considérant comme une réparation d’anciennes injustices imposées au pays de Lumumba. Cependant, il faut bien comprendre qu’il s’agit moins ici de charité ou d’altruisme que d’une dynamique de pouvoir, de superpuissance.
Le retour par ce programme de Biden de la guerre froide, cette fois contre une Chine de plus en plus émergente vise principalement à évincer définitivement du pouvoir à Washington un groupe, les conservateurs du parti républicain dont les relations avec Pékin étaient moins antagonistes qu’on ne le croyait.
L’administration Biden (démocrate) le laisse entendre plus ou moins explicitement.
D’autre part, à contre-courant de l’isolationisme assumé de Donald Trump, les nouveaux responsables américains ne font pas mystère de leur volonté de mettre en place un ordre mondial fondé sur les règles façonné par les USA.
Les «valeurs progressistes» de Biden qui n’a jamais été réputé pour son progressisme pendant toute sa longue carrière au Sénat, ne seraient donc qu’un outil de politique intérieure en vue d’atteindre ces objectifs.
Les battements d’ailes du papillon en Europe pourraient ainsi faciliter le changement de paradigme géostratégique souhaité par Washington. Car jusque là, la guerre froide qui était mâtinée d’un résidu toxique de russophobie viscérale, ne prenait pas en compte la Chine. On supposait que le virage de cette dernière vers un modèle économique de type occidental allait tout simplement liquéfier son communisme grâce à une classe moyenne très consumériste.
Aujourd’hui, Washington se rend compte que la Chine s’est discrètement débarrassée de sa chrysalide pour se révéler sous les couleurs d’une superpuissance rivalisant avec l’Amérique et risquant même de la surpasser. D’où, la résolution de concentrer entièrement les tirs sur elle.
Alors que Trump était obsédé par l’Iran, Biden ne l’est pas. Il tend même à s’éloigner de la passion de son prédécesseur à l’égard du Moyen-Orient et s’efforce à amener l’Europe sur un «pivot» différent en cultivant son hostilité envers la Chine de Xi Jinping. La Grande-Bretagne et d’autres États européens semblent être devenus des figures de proue de cette politique. Plusieurs cercles de pouvoir à Washington enkystés dans l’ancienne mentalité de la guerre froide, la Russie reste en effet une «économie mineure et une puissance régionale» qui ne mérite pas trop l’attention de l’Amérique contrairement à la Chine, qui est indubitablement une puissance économique majeure avec des capacités militaires au moins égales à celles des États-Unis.
Il suffit à Washington que l’Union européenne (UE) soit sous-traitée pour faire un travail de titillement contre la Russie, l’oncle Sam soutenant l’offensive depuis l’arrière, comme Obama le fit en Libye. C’est la seule explication de l’empressement des proches de Biden à voir l’Union européenne, l’Union africaine et la RDC se retourner contre la Chine et dans une moindre mesure la Russie.
La règle dite de Mackinder voudrait qu’il ne faille jamais laisser le «heartland» s’unir. La Chine, la Russie et l’Iran doivent, selon cette règle, être isolées les unes des autres, puis divisées par une «triangulation», selon une formule chère à Henry Kissinger.
D’abord, c’était l’Afghanistan qui devait être le «bourbier» dans lequel la Russie (alors URSS) devait s’embourber, puis la Syrie. Maintenant c’est l’Ukraine qui est censée maintenir la Russie sous pression.
Un os à ronger lancé à Moscou pendant que les États-Unis se concentrent sur la Chine.
Quoiqu’on en dise, bien que sérieusement critiqués par la Banque Mondiale et l’ITIE (Initiative Internationale pour la Transparence dans les Industries Extractives) ainsi que de l’opinion interne, qui y voyaient un marché de dupes au détriment de l’Etat congolais, les fameux «contrats chinois» (mines contre infrastructures) négociés sous la houlette de Kabila par le duo Pierre Lumbi – Augustin Katumba ont été validés par la RDC.
Des sources renseignent que la partie chinoise n’a pas tenu toutes ses promesses notamment celles de mener à leur terme les chantiers des infrastructures congolaises. Pire, le pays s’est retrouvé en 2019 avec un supplément de dette de 2,56 milliards USD, représentant 40% de sa dette extérieure globale.
La meilleure solution serait que Pékin et Kinshasa signent un nouveau partenariat, sous le label de la «Nouvelle route de la soie» de Xi Jinping dont l’objectif serait l’aménagement en RDC d’infrastructures transnationales appelées à booster son économie et à favoriser son intégration économique harmonieuse en Afrique. Il faudrait à cet égard éviter de faire le lit des ‘‘effets collatéraux’’ dans la guerre mondiale de leadership entre la Chine, les USA et l’Europe.
A.M avec le maximum