C’est l’Observatoire de la dette publique (ODEP) qui a lancé la première attaque en appelant l’Assemblée nationale à ordonner la surséance de la taxe sur le Registre des appareils mobiles (RAM) instaurée par le ministère des PT&NTIC et à interpeller Augustin Kibassa Maliba qui vient d’y rempiler pour élucider les contours de ce projet.
Dans un communiqué très élaboré du 4 mai, l’ODEP dit avoir analysé ledit projet dans le cadre du monitoring de l’exécution de la loi de finances 2021.
En effet, le ministère des PT&NTIC prévoit de mobiliser 118,9 millions USD, dont environ 48 millions dans le cadre du projet RAM. Ce fonds est destiné, selon ce ministère, à construire des usines de montage de téléphones, installer des hot-spots de wifi gratuit dans les universités et autres espaces publics (aéroports, marchés), numériser les administrations publiques et réaliser les projets e-service.
Faux, estime l’ODEP pour qui le minima de 118,9 millions projeté par RAM est inférieur au potentiel existant. «Notre monitoring renseigne que le minima projeté est d’abord inférieur au potentiel existant, c’est-à-dire le nombre d’abonnés. Selon un rapport du premier trimestre 2020 de l’Observatoire du marché de la téléphonie mobile, une structure de l’Autorité de régulation de la Poste et des télécommunications au Congo (ARPTC), les télécommunications en RDC disposent d’environ 38 millions d’abonnés actifs. En appliquant le taux d’imposition de 7 USD pour 6 mois, l’opération rapportera quelques 266 millions USD», indique l’Observatoire. Un gap de 147.100.000 USD !
L’ODEP relève également que les projets de développement numérique qui constituent le soubassement de la taxe RAM ne figurent pas dans la loi de finances 2021. «Plus grave, le flou persiste quant à l’utilisation de ces recettes. Les projets de développement numérique vantés à travers les médias, ne figurent même pas dans la loi de finances 2021». Et de rappeler qu’«en 2020, lors du débat en commission sénatoriale de la loi de finances 2021, le ministre Kibassa avait indiqué que cette recette était une rémunération de l’ARPTC instituée par le décret du 1er ministre du 20 février 2012 fixant les modalités de calcul et les taux des revenus des prestations de l’ARPTC».
Pour cette plateforme de la société civile, le rapport de la commission Ecofin du Sénat renseigne que «la répartition des revenus provenant du RAM se fait en raison de 30% pour le prestataire (société recrutée pour la mise en œuvre du projet), 25% pour l’ARPTC, 40% pour le Trésor public et 5% pour les opérateurs des télécoms (Orange, Vodacom, Africell, Airtel)». On s’interroge dès lors à l’ODEP sur l’identité réelle du prestataire recruté par le ministère des PT&NTIC qui n’est pas connue et sur la procédure de son recrutement (passation de marché).
En même temps, l’Observatoire déplore que le ministre Kibasa ait imposé cette taxe malgré l’opposition des opérateurs des télécoms du pays. «Malgré l’opposition des opérateurs des télécoms regroupés au sein de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), le ministre a tenu à imposer cette taxe irrégulière et leur a demandé ainsi qu’à la Banque centrale de transformer les unités issues de l’opération de certification des appareils mobiles en argent». Une opération opaque contre laquelle il s’élève avec véhémence en recommandant à l’Assemblée nationale d’interpeller le ministre des PT&NTIC pour qu’il s’explique notamment sur l’identité réelle du prestataire bénéficiaire de 30% des recettes du RAM et sur la procédure d’attribution de ce marché. Pour l’ODEP, le ministre Kibasa devra aussi justifier pourquoi le RAM doit rémunérer les agents de l’ARPTC. Il recommande à cet égard la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire pour élucider les contours encore flous de ce projet dont le parlement devrait ordonner la surséance.
Embrayant dans le même sens, la Nouvelle société civile congolaise (NSCC) et les Forces des leaders engagés du Congo (FLEC) ont exhorté le chef de l’État Félix Tshisekedi à s’investir pour la suppression de cette taxe «de trop». Pour ces deux organisations, cette redevance imposée à une population congolaise disposant de maigres revenus est illégale.
Jonas Tshiombela, coordonnateur national du NSCC prévient que des actions citoyennes d’envergure pouvant aller jusqu’à une campagne nationale de désobéissance civile seront lancées par sa structure contre le RAM à travers notamment des journées sans crédits téléphoniques et des marches pacifiques si cet appel ne trouvait pas un écho favorable. «Quelle est la base légale de ce prélèvement? Quel est le service rendu qui doit être ainsi rémunéré? Pourquoi cet acharnement fiscal sur de pauvres citoyens ? Au regard de cette pression fiscale qui pèse sur le consommateur congolais, la NSCC et les FLEC considèrent que cette taxe est un véritable sabotage organisé de la vision du chef de l’État qui voudrait faire du numérique congolais un levier d’intégration, de croissance économique et du progrès social. La taxe RAM doit être supprimée simplement», a-t-il déclaré.
S’appuyant sur les données du Global system for mobile Agency (GSMA) en rapport avec l’inclusion numérique et fiscale dans le secteur de la téléphonie mobile en RDC, Tshiombela rappelle que les Congolais paient déjà 4 taxes, à savoir (i) la TVA de 16% pour les appareils et cartes SIM, (ii) les droits de douane de 27,6 % sur les téléphones importés, (iii) la taxe sur les jeux de 10 % (sur le prix à la suite d’un jeu) et (iv) la TVA de 10% et les droits d’accises de 16% sur les appels, SMS et large bande mobile.
Depuis la semaine dernière, plusieurs abonnés des réseaux de téléphonie mobile sont dans l’impossibilité de se procurer des forfaits via mobile money en raison de la coercition du paiement du RAM. Une situation qui a soulevé un tollé dans l’opinion. Une marche de protestation contre cette taxe a été organisée lundi dernier à Kinshasa par le Mouvement national des consommateurs lésés (MNCL).
Affaire à suivre.
Le maximum
TELEPHONIE MOBILE : La société civile vent debout contre le RAM
