La plateforme Lamuka, ou ce qui en reste puisque Martin Fayulu et son compère Adolphe Muzito font désormais bande à part et opposée au tandem Jean-Pierre Bemba-Moïse Katumbi, a tenté d’embraser les rues de Kinshasa samedi 24 avril 2021. Déclarant agir en soutien aux populations de Beni et de l’Est en proie au terrorisme aveugle des groupes armés, les organisateurs ont fait fi des restrictions dictées par la pandémie de Covid-19. Ils ont été dispersés dès l’entame de leur manifestation sur le boulevard Lumumba à Masina.
Tout de blanc vêtu, le front ceint par un tissu blanc, Fayulu et Muzito qu’entouraient des dizaines de sympathisants ont été stoppés net par la police déployée à cet effet qui n’a pas tardé à user de grenades lacrymogènes pour dégager les 8 bandes de l’immense avenue, l’unique conduisant vers l’aéroport international de N’djili envahie par leurs sympathisants qui scandaient des slogans hostiles au pouvoir en place. A hauteur de Masina/Marché de la Liberté, les hommes du général Sylvano Kasongo, habitués depuis l’ère Kabila à ces déferlements de la Tshangu, n’ont pas fait dans la dentelle et ont étouffé dans l’œuf un mouvement qui menaçait d’enfler au fur et à mesure de la marche.
Force est de constater qu’ils ont réussi leur mission. Aucune perturbation durable de la circulation, généralement très dense dans cette partie de la capitale, n’a été observée. De même qu’aucun décès n’a été enregistré du côté des manifestants comme dans le camp des forces de l’ordre. Preuve qu’il n’a pas été fait usage d’armes létales.
Tableau assombri
Ce tableau, à maints égards reluisant, a néanmoins été assombri par les bavures enregistrées au siège de l’Ecidé, le parti politique de Martin Fayulu, à des dizaines de km de Masina dans la commune de Kasavubu. Images largement diffusées sur les réseaux sociaux faisant foi, il est apparu que des éléments de la police ont saccagé les installations et blessé grièvement un certain nombre de militants du parti de Fayulu. Une dizaine, selon Devos Kitoko, secrétaire général de l’Ecide, qui a également dénoncé l’interpellation de 5 autres. «Déjà à Kinshasa, le bilan est très lourd et même catastrophique. Au niveau de l’hôpital Akram au Pont Matete, vous allez trouver trois militants de l’Ecide dont un a eu un choc à la jambe, l’autre a un œil crevé et le troisième est sérieusement touché au niveau du ventre. Au moment où je vous parle, si vous allez à l’hôpital « Casop» de Kasa-Vubu, il y en a 4. Ils ont été sauvagement blessés au siège de l’Ecidé. Ils ont de graves blessures au visage, au dos et aux jambes… Je me demande s’ils ont reçu des coups de baïonnette ou des crosses de fusils. A l’hôpital Roi Baudouin, vous avez un militant qui a vu sa jambe cassée », a-t-il déclaré indigné. Le n° 2 du parti fayuliste a également fait état de l’interpellation de manifestants à Kisangani (Tshopo) et à Uvira (Sud-Kivu). Ajoutant qu’il ne comprenait pas «une telle cruauté, une telle sauvagerie. Tout ça parce que simplement un citoyen a manifesté sa solidarité vis-à-vis de ses compatriotes qui meurent. C’est inacceptable et inadmissible». Une rhétorique politicienne récurrente, que son mentor, Martin Fayulu, a aussitôt relayé en évoquant ce qu’il tient pour un délit de «non-assistance à peuple en danger», associant subtilement les populations réellement en danger quotidien de l’Est de la RDC aux manifestants de son parti dont les risques encourrus samedi dernier à Kinshasa paraissent plutôt relatifs. Fayulu a dénoncé «une dérive dictatoriale dans le chef du pouvoir tshisekediste». Mais cela aussi n’a rien de neuf, notent les observateurs.
Rengaines récurrentes
Dans un passé récent, en effet, les mêmes acteurs politiques ont usé et abusé d’épithètes semblables pour qualifier les interventions des forces de l’ordre contre les manifestations publiques, généralement interdites, organisées au forceps par l’opposition au pouvoir en place. Quel qu’il soit. Si les autorités urbaines et gouvernementales se sont avérées peu loquaces sur les incidents du week-end dernier jusque-là, le parti présidentiel, par la bouche de son secrétaire général Augustin Kabuya, a donné la réplique à Fayulu. Dont les larmes de compassion envers les populations de Beni sont des «larmes de crocodile», selon lui. Au cours d’un meeting à Muanda au Kongo Central, Kabuya a pratiquement fait porter la responsabilité de l’insécurité qui sévit en RDC au tandem Fayulu-Muzito. Parce qu’ils avaient promis, en 2019 au cours d’une sortie médiatique, qu’ils allaient «faire tout pour qu’il y ait l’insécurité partout dans le pays afin que les investisseurs ne viennent pas ». Et Kabuya de marteler non sans pertinence qu’«il est tout à fait contradictoire aujourd’hui qu’ils marchent contre l’insécurité qu’ils nous avaient promise».
Il reste que les exactions subies par les manifestants de l’Ecidé sont condamnables selon le Bureau conjoint des Nations-Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH).
Ces voies de fait prêtent gracieusement le flanc aux accusations de dérive dictatoriale proférées par le camp Fayulu contre Fatshi. Même si Fayulu lui-même et ses amis ne sont pas exempts d’accusation de dérive libertaire, voire, anarchiste. Compte tenu du fait que la manifestation de samedi dernier n’avait été ni autorisée ni coordonnée par la municipalité.
Le Maximum
MARCHE SAUVAGE ETOUFFEE DE LAMUKA : Dérive anarchiste
