La lutte contre la corruption et les antivaleurs en RDC ne doit plus demeurer un slogan creux. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis le début de la 3ème République ne font que prêcher la bonne gouvernance sans que grand chose ne change dans les mauvaises habitudes héritées de la 2ème République où la meilleure ascension sociale était assurée par l’exercice des postes de responsabilité dans l’appareil d’État. La cueillette plutôt que le travail productif. La culture de ‘‘chance eloko pamba’’. En d’autres termes, le travail productif n’est plus la norme pour améliorer ses conditions de vie. Il suffit de bénéficier d’une ordonnance présidentielle pour accumuler impunément des revenus indus grâce à des malversations les plus immondes devenues pour ainsi dire la norme à force d’être tolérées.
Les familles, les églises et les communautés de nouveaux promus ne s’en cachent pas lorsqu’elles clament tout haut que c’est leur tour de s’enrichir. Au lieu d’être un sacerdoce avec les exigences morales qui en découlent, la responsabilité à la tête d’un ministère ou d’une entreprise publique est devenue une sorte de chèque en blanc pour de véritables criminels en col blanc. C’est ce qui justifie la ruée fébrile vers l’exécutif et les entreprises d’Etat grâce auxquels on peut s’enrichir allègrement aux dépens du Trésor public.
Il faut saluer la détermination du président Tshisekedi de rompre avec ces pratiques caractéristiques du vieil homme zaïro-congolais. Des procès publics à valeur pédagogique se sont tenus pour réprimer sévèrement quelques cas emblématiques de détournement de fonds publics par des mandataires et hauts fonctionnaires depuis le début de sa mandature en cours.
Néanmoins, il appert clairement qu’aucun des membres du gouvernement incriminés n’a été attrait jusque-là devant les cours et tribunaux à cause de la lourdeur des procédures administratives et parlementaires relatives à la levée de leurs immunités légales.
Après la mercuriale prononcée par le magistrat Jean-Paul Mukolo, actuel procureur général près la Cour de cassation sur ce sujet préoccupant, le défenseur des droits humains Georges Kapiamba vient de jeter un pavé dans la marre en accusant quatre d’entre les ministres sortants reconduits dans le nouveau gouvernement de corruption et de prévarication.
Si les faits dénoncés par Kapiamba s’avéraient exacts, leur impunité créerait une jurisprudence malheureuse qui n’est pas de nature à augurer des lendemains enchateurs pour le gouvernement des ‘warriors’ mis en place par Jean-Michel Sama Lukonde.
IGF : c’est le moment
Ce ne sont pas les présomptions d’enrichissement illicite qui manquent pour justifier que des enquêtes judiciaires soient diligentées sur la gestion chahutée de ceux des ministres sortants ainsi soupçonnés dans toutes sortes de scandales de corruption. «On a vu des ministres devenir de grands distributeurs de billets de banque auprès de leurs ‘’bases’’ respectives ci et là et mener un train de vie dispendieux contrastant avec la hauteur connue de leurs émoluments. D’autres ont acheté à tour de bras des résidences cossues dans les quartiers les plus huppés de Kinshasa en seulement une année et demie passée au gouvernement, réussissant ainsi la métamorphose scandaleuse d’un enrichissement sans cause dont il n’est pas exclu de penser qu’il provient des fonds publics mis à leur disposition ou du monnayage de leurs prestations (corruption). Si la justice ne s’en occupe pas diligemment, les ministres entrants ne trouveront aucun inconvénient à tenter leur chance eux aussi», a vitupéré un prêtre catholique de l’archidiocèse de Kinshasa sur les antennes d’une radio périphérique.
Jean Claude Katende de l’ASADHO a pour sa part tout simplement préconisé que les ministres sortants ayant été élus députés nationaux ou sénateurs ne recouvrent pas automatiquement leurs immunités parlementaires en attendant que la justice passe au crible leur gestion. Un délai probatoire d’un mois serait judicieux à son avis afin de permettre aux enquêtes des instances compétentes habilitées d’innocenter ceux qui peuvent l’être et de faire subir les rigueurs de la loi aux fautifs.
Fatshi interpellé
Tous ces appels à la raison risquent de faire chou blanc si, en haut lieu, le président de la République Félix Tshisekedi lui-même ne donne pas des instructions précises dans ce sens. Il s’agit tout de même d’une grande première dans l’histoire de la gouvernance qui ne peut faire date sans son implication personnelle.
Si en entrant en fonction les ministres savent au préalable qu’ils sont susceptibles d’être rattrapés par l’IGF, la Cour des comptes ou d’autres instances judiciaires même après avoir quitté le gouvernement, il n’y en aura plus beaucoup qui s’amuseront à dilapider les deniers publics. Mieux, les Congolais considéreront dorénavant le statut de ministre davantage comme un service que comme un mécanisme d’enrichissement sans cause. La moralisation de la vie publique en dépend.
JBD