Félix Tshisekedi devrait à nouveau taper du poing sur la table pour ramener de l’ordre dans son Union sacrée de la nation (USN) au risque de la voir se transformer en une pétaudière. Certains élus qui avaient choisi de battre pavillon USN suscitant l’admiration de l’opinion en mettant en exergue leur vœu d’en finir avec les antivaleurs qui gangrènent la vie publique commencent à faire tomber les masques pour n’avoir pas obtenu des maroquins en échange de la défenestration du bureau Mabunda. A suivre leur logique, tous les signataires des pétitions contre l’ancien bureau de l’Assemblée nationale et le 1er ministre Ilunga Ilunkamba auraient dû être récompensés par strapontins ministériels. Une pure fantasmagorie.
Révolution ou chantage?
Mercredi dernier, quelques députés membres de l’Union sacrée se sont réunis dans la salle des spectacles du palais du peuple pour pester contre la composition du gouvernement Sama Lukonde qui n’aurait pas, à leur avis, pris en compte leur combat pour la requalification de la majorité.
Nos fins limiers rapportent que ces élus disent s’être faits rouler par le président a.i. de l’UDPS et 1er vice-président de l’Assemblée nationale Jean Marc Kabund qu’ils accusent de leur avoir promis des maroquins en échange de leur adhésion à la nouvelle vision présidentielle. «Le 1er vice-président Kabund semble avoir promis la même chose à tout le monde. Son astuce consistant à nous entraîner pieds et poings liés vers l’Union sacrée comme des petits enfants est révoltante. Nous avons fait des sacrifices et trahi des alliances pour en arriver là.
On ne veut pas être payés en monnaie de singe», s’insurge un député se présentant comme membre de la task force de l’USN.
Une fronde puérile
De l’avis de plusieurs analystes, cette manigance ne peut être interprétée que comme un chantage qui ne dit pas son nom. En réalité, ceux qui revendiquent le label de ‘‘députés révolutionnaires’’ font monter les enchères dans l’espoir de figurer sur les listes des mandataires publics annoncées par Kabund au cours de la dernière réunion au chapiteau de GB. En effet, le n° 1 de l’UDPS avait fait part la semaine passée à ses collègues députés de l’USN des difficultés d’arbitrage dans la composition du gouvernement. Il avait promis à ceux qui ne se retrouveraient pas dans cette équipe des postes
dans les entreprises publiques. «Nous savons que les promesses de postes dans le portefeuille de l’État ne visent qu’à nous mener en bateau pour investir le gouvernement. On n’est pas de nouveaux venus en politique. Cette fois nous voulons des garanties claires dans la répartition des entreprises publiques avant d’investir ce gouvernement», a déclaré un autre député au sortir de ladite réunion comme si ses camarades et lui voulaient faire passer une injonction comminatoire au président de la République. «La coupe déjà pleine risque de déborder si le président de la République ne sonne pas la fin de la récréation en mettant aux pas ceux des députés nationaux qui veulent ainsi prendre en otage la vie institutionnelle avec de tels chantages qui ne sont pas sans rappeler le casus belli qui l’ont amené à renverser la table de la coalition FCC-CACH le 23 octobre 2020», s’indigne un professeur de sciences politiques à l’Université de Kinshasa.
Structurer l’Union sacrée
Le désordre et la licence observés parmi les élus de l’USN procède d’un déficit d’éthique dans la nouvelle majorité qui n’a jusqu’ici ni charte ni règlement intérieur. D’autre part, la dernière interprétation du concept de la nullité de tout mandat impératif par la Cour constitutionnelle semble avoir eu, entre autres conséquences, celle d’ouvrir la boîte de Pandore, aggravant le libertinage des élus qui croient n’avoir plus rien à craindre car rien ne peut plus leur faire perdre leurs mandats.
Le mur qui sépare l’opposition de la majorité n’existant plus, rien ne permet de définir clairement les équilibres entre les forces en présence au sein des chambres législatives. Pour un problème d’humeur, un député national peut s’autoriser à zigzaguer entre l’opposition et la majorité, ce qui compromet gravement la stabilité des institutions. Si par exemple des députés PPRD peuvent se retrouver aussi bien dans la majorité que dans l’opposition, il faudrait s’attendre théoriquement à voir ceux de l’UDPS, parti présidentiel, rejoindre l’opposition pour un oui ou pour un non.
Dans ces conditions, la seule option restant au chef de l’Etat serait de brandir de manière crédible la menace de dissolution de la chambre basse devenue un fourre-tout infernal. Or, avec une trésorerie rachitique et une CENI obsolète hors mandat, nombre de députés nationaux semblent convaincus que le pays ne peut pas se permettre une telle démarche impliquant de coûteuses élections législatives anticipées. Ils oublient seulement que face à la force majeure, le président de la République peut, après avis du juge constitutionnel, être autorisé à légiférer jusqu’aux élections par ordonnances-lois.
Il ne reste qu’à en appeler au sens de responsabilité des uns et des autres pour comprendre que le pays se trouve dans un État quasi comateux qui pourrait le conduire à une mort certaine s’ils s’obstinent dans des attitudes inconséquentes.
JBD