En un siècle, ce mouvement syncrétique a abandonné le caractère clandestin que lui imposait l’hostilité de l’administration coloniale pour endosser le menteau d’une institution officielle en RDC.
Protégé par les pouvoirs congolais successifs depuis l’indépendance, la hiérarchie de l’Eglise de Jésus-Christ sur la terre par son envoyé Simon Kimbangu revendique fièrement aujourd’hui plus 30.000.000 d’adeptes à travers le monde.
Elle a organisé le 06 avril 2021 son centenaire, symbole tout à la fois d’une remarquable résilience et d’un ancrage dans le tissu social de la RDC et de certains autres pays d’Afrique centrale.
Son fondateur, le prophète Simon Kimbangu, naquit le 24 septembre 1899 à Nkamba (Kongo-Central), entre Kinshasa et l’océan.
La guérison miraculeuse d’une femme malade fut l’acte fondateur de cette congrégation religieuse, une des premières créées par un autochtone sous la colonisation belge du Congo.
Rapidement, des foules se sont pressées pour écouter la bonne parole prêchée par ce nouveau guide spirituel au grand dam des missionnaires européens et de l’administration coloniale auxquels il volait la vedette.
Nouvelle Jérusalem
Le 5 avril 1921, Simon Kimbangu décrète que son village natal de Nkamba était “la nouvelle Jérusalem”. Cette proclamation jugée hérétique par les colonisateurs sera sévèrement reprimée, même si dans ses révélations, il soutenait que la bible restait le livre saint.
On peut rappeler que ce nouveau prédicateur avait une interprétation à tout le moins singulière du livre sacré des chrétiens. Pour lui, non seulement Adam et Eve étaient noirs, mais aussi il annonçait que bientôt les noirs deviendraient blancs et les blancs noirs. C’était sa façon de prêcher l’égalité raciale.
Selon plusieurs historiens, la prophétie de Kimbangu marque les débuts de la lutte pour la décolonisation et l’émancipation de l’Afrique noire à l’apogée de la colonisation.
Ainsi, Simon Kimbangu ne se limite-t-il pas à la figure religieuse qu’il est. Il étend son influence sur les plans politique, culturel et social. Ses messages et quelques “miracles” supplémentaires attiraient des disciples et des fidèles de plus en plus nombreux, ce qui eut le don de provoquer l’ire de l’administration coloniale belge.
Une action fut diligentée devant la Cour martiale contre lui pour activités subversives et séditieuses.
Après s’être rendu aux autorités coloniales qui le recherchaient activement, Simon Kimbangu sera condamné à la peine capitale à l’issue d’une procédure expéditive du tribunal militaire de Thysville (Mbanza-Ngungu). Pendant le procès, l’accusation s’était déchaînée avec une rare virulence contre le jeune prophète imperturbable pour le présenter comme un dangereux agitateur qu’il fallait absolument mettre hors d’état de nuire.
La peine capitale prononcée contre Kimbangu sera comuée en prison à perpétuité par le roi Albert 1er de Belgique. Le prophète sera embastillé pendant 30 ans dans une prison de haute sécurité à Elisabethville (Lubumbashi), où il mourrut en 1951.
Emancipation du peuple noir
Pendant des années, l’église kimbanguiste va vivre dans la clandestinité, persécutée par le pouvoir colonial qui ne voyait en elle qu’un mouvement subversif. Ce n’est qu’en 1959, aux tous derniers jours de la colonisation, qu’elle sera officiellement enregistrée comme association confessionnelle par l’administration.
Sans doute par réminiscence de ces débuts difficiles dus à des relations tumultueuses avec le pouvoir temporel, les successeurs de Simon Kimbangu firent du “respect de l’autorité de l’Etat” le premier des 12 préceptes de leur congrégation.
C’est ainsi que les kimbanguistes ont toujours fait bon ménage avec les pouvoirs successifs depuis l’indépendance. «L’église kimbanguiste collabore étroitement avec tous les pouvoirs établis. Nous sommes apolitiques», déclare à ce sujet Apo Salimba, chargé de mission auprès de l’actuel chef spirituel Simon Kimbangu Kiangani. Cet apolitisme a permis à l’église de bénéficier des bonnes grâces de tous les gouvernements qui ont traversé l’histoire récente du Congo-Kinshasa.
Apolitisme
Accusés de soutenir le maréchal Mobutu, puis des Kabila père et fils, dont elle n’a jamais dénoncé les agissements, les kimbanguistes se rangent aujourd’hui sans trop de complexe derrière le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo élu le 30 décembre 2018. En retour, leur congrégation a pu se développer à l’abri des menaces, protégée par l’Etat.
Lorsque les relations entre l’église catholique et le pouvoir politique se dégradaient pour diverses raisons, les kimbanguistes se targuaient toujours de démeurrer ‘‘peinards et décontractés’’.
Au fil du temps, l’église kimbanguiste a développé un syncrétisme typiquement africain qui l’a éloigné de sa source protestante et évangélique sans pour autant la renier. Le chef de l’église est désormais un des petit-fils du fondateur Simon Kimbangu Kiangani, né le jour même où mourrait à Lubumbashi son illustre grand-père. Beaucoup y voient la preuve d’une réincarnation de l’Esprit saint de la Trinité chrétienne.
Noël le 25 mai
Ce chef religieux sobre aux allures débonnaires aurait également des pouvoirs de guérison. Où qu’il aille, ses nombreux fidèles ne l’approchent que genoux à terre. Autres particularités du culte kimbanguiste: une liturgie rythmée par des fanfares tonitruantes, la transe au moment fort des offices, les couleurs chatoyantes vert et blanc des adeptes, l’interdiction des chaussures sur les lieux de culte et les contributions financières des ouailles pour soutenir les oeuvres sociales de l’église.
L’entorse la plus évidente au rite chrétien est d’avoir déplacé Noël au 25 mai, date de naissance du 2ème chef spirituel de cette église, Salomon Dialungana Kiangani (fils du fondateur et père de Kimbangu Kiangani).
La ‘‘ville sainte” de Nkamba où repose le prophète-fondateur Kimbangu fait l’objet de gros efforts d’embellissement. En son centre, un immense temple long comme un stade de football a été érigé en 1970. Une piscine sert aux ablutions purificatrices. A l’occasion du centenaire, un bâtiment pimpant neuf de 6 étages abritant le musée du kimbanguisme a été inauguré par le président Félix Tshisekedi.
S’agissant des dons effectués par des fidèles ne disposant souvent que de peu de moyens de vivre, même les offrandes en nature sont acceptées, y compris du bétail ou des animaux de basse-cour (vaches, chèvres, moutons, poules, canards etc.).
En un siècle, cette congrégation a largement essaimé aux quatre coins du monde, grâce notamment à la diaspora congolaise.
Le maximum
CONFESSIONS RELIGIEUSES CONGOLAISES : Kimbanguisme : 100 ans déjà
