La mandature de la RDC de l’Union africaine a été officiellement inaugurée vendredi 27 février au palais du peuple par le président Félix Tshisekedi en personne. Un événement tellement riche en symboles que l’agenda électoral de la chambre haute du parlement en a été chamboulé.
On rappelle que dans son discours d’acceptation de sa désignation à la tête de l’organisation continentale à Addis-Abeba le 6 février dernier, le chef d’Etat rd congolais avait disserté sur le thème de cette mandature, à savoir «arts, culture et patrimoine: leviers pour l’édification de l’Afrique que nous voulons».
C’est donc cette année de la culture africaine que le chef de l’État congolais a officiellement lancée samedi au cours d’une émouvante cérémonie.
Berceau de l’humanité, de la culture, de la religion et de la science, le continent africain vient de passer près de cinq siècles à la remorque des autres, ployant sous le poids de toutes sortes d’idéologies ethnologiques et anthologiques de sources étrangères. Il a été même dit que l’Afrique n’avait pas de culture, ce qui a justifié l’inhumanisation de ses peuples, particulièrement ceux de race noire par l’esclavagisme, le colonialisme et le néocolonialisme.
C’est dire à quel point la tâche confiée par l’ensemble du continent à la RDC est exaltante, car il va falloir faire retrouver à l’Afrique sa grandeur d’antan en mettant en évidence sa culture chahutée. Le Congo-Kinshasa est ainsi aux premières lignes pour jouer son rôle de gâchette du revolver Afrique selon Frantz Fanon.
Lumumba toujours à l’honneur
Le point d’orgue de la cérémonie inaugurale du mandat culturel confié par le continent au président Tshisekedi aura été la pièce de théâtre de l’écrivain martiniquais Aimé Césaire, «Une saison au Congo», écrite en 1967. Présentée par le Théâtre national de RDC, cette dramaturgie, fruit du génie d’un leader afro-descendant qui n’a jamais mis le pieds en RDC, a eu le don de replonger l’assistance ainsi que les téléspectateurs dans l’ambiance des fondements du panafricanisme moderne dont le Héros national Patrice Emery Lumumba s’est fait le champion en luttant pour l’indépendance de son pays. Nul n’ignore que si l’indépendance du Congo a été obtenue plus tôt que ne l’avait prévu l’administration coloniale belge, c’est grâce à la connexion entre Lumumba et des progressistes panafricanistes comme l’osageyfo ghanéen Nkwame Nkrumah et le leader guinéen Ahmed Sékou Touré à la faveur de la première conférence panafricaine d’Accra en 1958. A son retour du Ghana indépendant, Lumumba qui avait la tête pleine d’idées émancipatrices, organisa une restitution sur la place Pont Cabu noire de monde le 28 décembre de la même année. Il avait alors exigé à la surprise générale l’indépendance immédiate et sans condition pour ses compatriotes. Soucieux de lui emboîter le pas une semaine plus tard, Joseph Kasavubu, alors bourgmestre d’une commune de la capitale verra son meeting à la place YMCA annulé par l’administration municipale, ce qui entraîna le carnage du 4 janvier 1959 et accéléra le processus de décolonisation.
La mise en scène des dernières années de Lumumba par Césaire, telle que rendue par le réalisateur du Théâtre national a suscité quelques critiques, notamment du lumumbiste Freddy Mulumba Kabuayi, directeur général adjoint de la RTNC pour qui «le metteur en scène a commis un impair en présentant ‘‘une saison au Congo’’ avec bières et femmes. J’ai eu la pénible impression que Patrice Lumumba était tué une seconde fois».
Hormis ce bémol puisé selon le réalisateur dans le passé de marketeur de la bière Polar du Héros national, l’événement a été une grande réussite qui a donné au discours du nouveau président de l’Union africaine une saveur particulière.
Le discours mobilisateur de Fatshi
Félix Tshisekedi a rappelé les grands axes de sa mandature en rapport avec sa vision d’une Afrique intégrée, prospère et pacifique. Martelant son leitmotiv qui est une version panafricaine du “peuple d’abord” cher au Dr. Étienne Tshisekedi, il a déclaré qu’à travers son slogan “l’Union africaine au service des peuples”, il tenait à mettre résolument celle-ci «à la portée du citoyen africain pour qu’il s’en approprie et l’utilise comme un instrument incontournable de son développement individuel et collectif».
D’où l’importance de la créativité et de l’innovation qui supposent un investissement conséquent dans le capital humain. «C’est de ce capital humain, se convainc Fatshi, que jaillira le génie de demain, capable d’inventer des solutions adaptées aux équations de notre propre devenir». Une quête dans laquelle tous les jeunes africains doivent se sentir concernés et indispensables.
S’adressant aux jeunes d’Afrique justement, le président Tshisekedi leur demande de «prendre conscience de leur rôle irremplaçable dans la construction de l’Afrique, de ses communautés régionales et de chacun de ses États». Ils n’auront pas pour cela à inventer la roue dans la mesure où ils sont les descendants des pharaons et autres bâtisseurs de la culture nègre qui sous-tend la civilisation mondiale actuelle comme aimait à l’affirmer le savant sénégalais Cheikh Anta Diop. Dans cette même logique, Fatshi a promis de militer en faveur de la reconstitution de la mémoire du passé par la promotion de la conscience historique de l’Afrique et de sa diaspora par le biais de la réhabilitation du patrimoine, des archives, des traditions, des vestiges et des langues du continent noir.
Pour que toutes ces propositions ne restent pas lettre morte, il suggère que 1% des budgets nationaux soit affecté à la culture ainsi qu’à la recherche scientifique et technologique.
Prêchant par l’exemple, le chef de l’État congolais prévoit une contribution substantielle de son pays au renforcement de la créativité africaine. Aussi a-t-il annoncé l’organisation au cours de cette année de deux grands prix d’incitation à la créativité, dont l’un, de portée continentale, sera destiné à honorer les talents africains, et l’autre assurera la promotion du livre et de la culture à l’échelle nationale. Par ailleurs, Kinshasa, la capitale de la RDC, abritera une conférence internationale sur le patrimoine et les musées d’Afrique, en plus d’une série d’autres manifestations d’envergure dédiées aux innovations technologiques locales.
Le chef de l’État a également évoqué le festival panafricain de Kinshasa, le festival Amani et le festival Rumba parade, sans oublier son projet phare consacré à la promotion de la lecture chez les enfants grâce aux bandes dessinées magnifiant l’histoire glorieuse du continent.
La paix comme condition de la culture
Selon le président Tshisekedi, «pour que l’art, la culture et le patrimoine réussissent leur mission de refondation de l’Afrique, il faut faire taire les armes et débarrasser l’Afrique des menaces terroristes». Une façon pour lui de porter à l’international le désarroi des populations africaines en proie à de nombreuses années de guerres civiles, de rébellions et de terrorisme, à l’instar de l’Est de la RDC où les armes et la violence n’ont pas cessé de dicter leur loi depuis plus d’un quart de siècle.
Fatshi en est conscient, rien de tout ce qu’il a prévu dans son plan d’action ne saurait être matérialisé sans un environnement apaisé. C’est pourquoi il mise tout sur la tenue d’un colloque international sur la paix et la sécurité en Afrique. «Il est temps que l’Afrique puisse s’interroger sur les causes réelles de ses guerres endémiques», a-t-il indiqué à cet égard.
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