Le général-major Léon Richard Kasonga, porte-parole des FARDC a annoncé le meeting aérien entre les forces aériennes de la RDC et de l’armée angolaise de vendredi 20 novembre comme la célébration de la bonne entente entre les deux pays voisins, conformément aux accords signés entre les présidents Félix Tshisekedi et Joao Lourenço. «On verra dans le ciel de Kinshasa des avions de chasse de la RDC et ceux de la République d’Angola survoler et atterrir à l’aéroport de Ndjili pour célébrer et magnifier l’entente parfaite entre les deux forces aériennes sœurs», avait annoncé le général FARDC la veille avant d’ajouter que «ce meeting aérien est une opportunité offerte à nos jeunes pilotes d’échange d’expériences avec leurs homologues angolais pour ainsi leur prestation sur des engins volants spécialisés».
Plusieurs critiques avaient suivi cette annonce faisant état d’une parfaite entente entre la RDC et l’Angola, certains y voyant une tentative de la part du président de la République d’intimider ses partenaires du FCC, proches de son prédecesseur Joseph Kabila. L’ambassadeur Kikaya bin Karubi, conseiller diplomatique de Kabila a ainsi, sur son compte tweetter, déconseillé «la politique des muscles», qu’il estime être «le propre des paranoïaques. Cela fait neuf ans que des avions de chasse bombardent la Syrie. Hafez el Assad est toujours au pouvoir, le pays est totalement détruit, les syriens dispersés à travers le monde. Delenda Carthago ? Pour quel objectif ? ».
Dans le même sens, un internaute a écrit : « l’Angola nous pique 500.000 barils de pétrole par jour dans la zone d’intérêt commun ; la marine angolaise arraisonne nos bateaux de pêche dans nos eaux territoriales; l’Angola nous empêche d’exploiter le diamant alluvionnaire dans le lit de la rivière Kwango ; il se permet de déplacer les bornes à nos frontières communes à son avantage ; l’armée angolaise se livre fréquemment à des incursions notamment dans diverses entités de la province du Kwango. Nos compatriotes Congolais installés là-bas subissent des sévices inacceptables. On les met dans des conteneurs exposés au soleil. Pourquoi une telle inconscience de la part des autorités de la RDC?».
On se perd en conjectures sur le sens à donner à cette initiative du chef de l’Etat. Un message pour dissuader toute tentative de renversement de son régime? Un analyste s’exprimant sous le sceau de l’anonymat rappelle les multiples contrariétés exprimées par l’ex-président Joseph Kabila vis-à-vis de la gestion du pays par l’UDPS. Cette entente avec l’armée angolaise est de son point de vue un moyen pour Félix Tshisekedi de se ménager un secours face à un adversaire qui garde encore des entrées et une certaine influence au sein de l’armée. «Ancien commandant de la force terrestre des FARDC avant d’assumer en qualité de président de la République chef de la majorité parlementaire un contrôle absolu sur lesdites FARDC en sa qualité de commandant suprême, Kabila est personnellement l’un des principaux artisans de cette nouvelle armée congolaise après son père, Mzee Laurent Désiré Kabila le tombeur de Mobutu. L’aura qu’il tire de cette situation est de nature à faire douter le nouveau chef de l’Etat congolais de la fidélité des troupes à son autorité en cas de confrontation malgré le message clair donné à ces dernières par Kabila de lui obéir», signale-t-il. Et d’attirer l’attention sur le fait que dans le protocole en place à l’aéroport international de N’djili lors de ce meeting aérien ne se retrouvaient ni le ministre de la défense rd congolais, ni le chef d’état-major général des FARDC.
Jean-Marc Kabund, le président a.i. de l’UDPS venait quelques jours plus tôt d’annoncer la rupture de l’accord qui liait le CACH de Tshisekedi au FCC de Kabila qui avait dans une correspondance averti les partenaires africains de la RDC des «conséquences incalculables» que pourraient causer l’attitude de son partenaire et dit attendre que ce dernier lui fasse part formellement de sa volonté de rompre l’accord qui les lie.
Pour l’avocat boyomais Firmin Yagambi du Mouvement des droits civiques et politiques, «cette patrouille aérienne de plaisance à Kinshasa avec l’Angola est très loin de l’urgence de la défense militaire du territoire et de la sécurité à l’Est, théâtre des graves crimes de guerre et génocides». Estimant ne rien comprendre des gestes et faits du nouveau président, Yagambi souligne que «seul Tshisekedi peut concevoir ce type de blague».
Monopole de la vérité et règne du mensonge
C’est en fait une histoire qui commence comme un conte de fées. Dans la merveilleuse démocratie en RDC, tout allait pour le mieux avec une presse enfin libre, des citoyens informés et un pouvoir voué à la bonne gouvernance et à l’instauration de l’Etat de droit. Trop beau pour être vrai. Imprudente, la démocratie n’a pas vu venir l’ennemi qui n’a pas tardé à fondre sur sa proie. Les activistes extrémistes boutefeux dans divers camps politiques ont tôt fait de gâcher la fête en propageant leurs mensonges et leurs discours haineux et d’appels à la chienlit derrière les barricades jusque-là inexpugnables des réseaux sociaux échappant à toute normalisation et à tout contrôle. Il a suffit de ce banal meeting aérien entre deux Etats voisins de surcroît membres de la SADC pour que les manipulateurs de l’information viennent à la curée. Des avions de chasse de fabrication russe Sukhoï 30 K partis de Luanda ont rallié l’aéroport militaire de N’djili en 15 minutes après un survol de la ville de Kinshasa à basse altitude.
Ces Soukhoï et d’autres avions de combats seront, en cas de nécessité, à la disposition de la force aérienne de la RDC dont on connaît les difficultés logistiques au moment où le pays fait face à une agression asymétrique caractérisée dans sa partie septentrionale allant de l’Ituri au Sud-Kivu.
Cette opération militaire conjointe fait partie intégrante des accords militaires et de sécurité qui lient les deux Etats dont les relations bilatérales ont toujours en principe été au beau fixe.
Plusieurs médias et internautes à Kinshasa n’y ont vu qu’une opération de dissuasion ou d’intimidation, mieux, de mise en garde du président de la République Félix Tshisekedi contre… les FARDC dont il est pourtant depuis janvier 2019 le commandant suprême et qui seraient encore trop marquées par leur proximité avec l’ancien président Kabila, chef de file du FCC. «Si cette version se confirmait, ce serait du jamais vu. Un chef d’Etat ne peut pas recourir à une armée étrangère pour menacer sa propre armée ou une partie de ses concitoyens sauf à vouloir se déculotter de manière inconsidérée devant un partenaire car les Etats même voisins n’ont que des intérêts, pas des amis ou à s’exposer à l’accusation infamante de haute trahison», s’exclame ce professeur de stratégie de l’Université de Kinshasa. Qui rappelle le contentieux pétrolier vieux de plus de 10 ans et jamais résolu opposant l’Angola et la RDC sur les blocs pétroliers du plateau continental congolais mais exploité par l’Angola. «Un président congolais qui confierait la défense de son territoire à la solidarité d’un tel partenaire prend le risque de sacrifier les Intérêts Nationaux de son pays en se mettant dans une situation où il sera obligé de se taire lorsqu’il lui faudra évoquer lesdits intérêts», note-t-il.
Face à la manipulation de l’information, plusieurs observateurs estiment que la capacité de discernement des citoyens ne suffit plus même si on prenait toutes les précautions possibles, par la loi, pour inciter les moutons noirs qui pullulent dans les réseaux sociaux à privilégier la vérité dans la collecte, le traitement et la diffusion de l’information. Pour ramener les médias au culte de la vérité et du bon sens, il va falloir trouver les voies et moyens de pousser les uns et les autres à ne plus s’égarer et égarer le public sur la toile en privilégiant les faits par rapport aux commentaires, en recherchant notamment pour toute information reçue d’une source à entendre l’autre son de cloche. On pensait jusqu’à présent que les Congolais étaient assez matures pour faire leur choix parmi les organes d’information. En désespoir de cause, certains législateurs en sont arrivés à préparer des propositions de lois contre la manipulation de l’information. Toutefois, il s’agit en l’espèce de ne pas mélanger les torchons et les serviettes.
Quoiqu’il en soit, face à l’avalanche des contre-vérités qui se déversent quotidiennement sur le public ici, les dirigeants congolais, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition ont intérêt à se montrer un peu plus exigeants avec les médias qui leur servent de sources d’informations. Dans un monde de plus en plus compétitif, le contrôle des moyens d’information est souvent perçu comme un instrument de pouvoir aussi prégnant que d’autres. Il faut arrêter de croire naïvement que tous les médias sont animés par des bénévoles qui prennent des risques et sont aussi désintéressés que des enfants de chœur.
On peut toujours rêver d’un Congo meilleur mais force est de vivre avec la situation actuelle qui est celle d’un système médiatique des «démocraties» qui repose à la fois sur la concentration capitaliste et la faveur du pouvoir en place et rompre avec l’idée qu’un bon média est celui qui distille à longueur de journées un discours «politiquement correct» pour que l’État lui donne les moyens d’éliminer la concurrence.
Dans un Etat de droit démocratique, on ne peut pas considérer qu’une bonne presse c’est celle qui n’a pour seul objectif que de garantir l’homogénéité politique par la promotion de la pensée unique.
Quand on prétend exercer le monopole de la vérité, c’est que le règne du mensonge n’est pas loin. Et à cet égard, les médias politisés qui n’hésitent pas à mentir au profit des obédiences sont en grande partie responsables du délitement des régimes politiques les mieux disposés au départ.
A.M.
MEETING AERIEN FARDC-FAA : Démonstration de force angolaise à Kinshasa
