Usant de ses prérogatives constitutionnelles, le président de la République Félix Tshisekedi a procédé le 17 juillet dernier à une nouvelle mise en place au sein des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) se traduisant par la permutation de certains officiers de haut rang et l’élévation en grade d’autres. Un exercice normal, voire banal pour une armée dans la mesure où il s’agit d’en tirer le meilleur rendement.
La grande muette comme on l’appelle doit en effet être en tout temps maintenue en situation de déjouer les stratégies adverses. D’où la latitude reconnue au chef de l’Etat d’user de son pouvoir discrétionnaire pour ajuster les éléments qui en constituent l’ossature. Tel ne semble pas être l’avis de certains diplomates, américains pour la plupart, qui aiment à être considérés comme des proconsuls de la RDC chaque fois qu’il s’agit de l’organisation militaire de ce pays qui n’est pourtant pas le leur. Et se démènent maladroitement depuis plusieurs mois pour montrer à l’opinion que le président Tshisekedi n’agit qu’en suivant leurs oukases. Faisant fi de la réserve requise de la part des diplomates étrangers dans un pays ami, ils se fendent de tweets et de communiqués triomphateurs pour revendiquer la quasi-totalité des actes de souveraineté posés par le président de la RDC en cette matière sensible en s’en attribuant pratiquement la paternité. Une intrusion incongrue et contreproductive.
Le prétexte John Numbi
Dans une institution publique pérenne comme les FARDC, il n’y a pas d’individus indispensables. Aussi, la meilleure façon de tester la fiabilité et la maturité d’une structure comme celle-là est-elle souvent de procéder régulièrement à des redistributions de rôles en son sein. Le but est également d’y faire éclore de nouveaux talents et de les mettre à l’épreuve de l’action. Ainsi, les hommes passent et les institutions demeurent. Le général d’armée John Numbi a beau avoir rendu de loyaux services à l’armée, il n’a jamais été entendu qu’il resterait à un poste déterminé ad vitam aeternam. Le remplacer par un autre officier général à la tête de l’Inspectorat des forces qu’il dirigeait jusque-là ne peut donc en lui-même constituer une soumission du président de la RDC à des sanctions «ciblées» d’un pays étranger, sanctions du reste considérées comme illégales et illégitimes car prises en dehors du système des Nations-Unies.
Les États, dit-on, n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts à défendre. Si pour quelques pays occidentaux certains officiers et officiels congolais n’œuvrent pas dans le sens de leurs intérêts à eux, rien ne leur permet de substituer lesdits intérêts dont on ne voit pas de liens avec ceux de la RDC au service desquels le président Tshisekedi décline son action. La condescendance de Tibor Naguy, le sous-secrétaire d’Etat américain qui se délecte à l’idée que la permutation au sein des FARDC obéit à d’autres motivations que celles de la stabilité de ce pays donne à croire aux patriotes congolais que le chef de l’Etat qu’ils se sont donnés aurait un autre agenda que celui en faveur de son propre pays n’est pas de nature à consolider la cohésion nationale. Pire, c’est une insulte à l’indépendance acquise par les Congolais de haute lutte il y a 60 ans.
Nul ici n’a pas oublié dans quelles circonstances douloureuses les précurseurs de la décolonisation de la RDC comme Simon Kimbangu, Patrice-Emery Lumumba et Mzee Laurent-Désiré Kabila ont été martyrisés et quelles en ont été les conséquences. Il suffit de rappeler à cet égard qu’un interventionnisme occidental aussi arrogant que cynique a été à la base de ces crimes odieux que furent l’embastillement jusqu’à sa mort en 1951 de Kimbangu et les assassinats de Lumumba (1961) et Kabila (2001). Il faudrait une incommensurable dose de naïveté chez les Congolais pour qu’ils s’imaginent que ceux-là-même qui ont été les commanditaires de ces crimes d’Etat leur veulent du bien aujourd’hui sous prétexte, comme le clame Tibor Naguy qui affirme toute honte bue se féliciter du fait que «le général John Numbi, sanctionné par les États-Unis, ne soit plus à son poste », et prétend que «les États-Unis soutiennent l’engagement du président Tshisekedi à améliorer les droits de l’homme et à professionnaliser les forces armées congolaises». Comme en écho, Peter Pham, envoyé spécial du gouvernement américain pour la région du Sahel, loin des frontières de la RDC a, réendossant son manteau de lobbyiste du Think tank impérialiste Atlantic council, a salué l’absence de Numbi dans la chaîne de commandement des FARDC en déclarant «soutenir les aspirations du peuple congolais à la démocratie et à l’état de droit ». On croit rêver en voyant ce beau monde s’exprimer comme si le chef de l’État rd congolais obéissait à leur diktat, en échange de libéralités ainsi définies par le tonitruant Mike Hammer, ambassadeur américain en poste à Kinshasa: «les USA contribueront à améliorer les conditions de vie des FARDC en soutenant la construction de nouvelles et meilleures casernes militaires. Plus d’aide est possible grâce aux efforts récents pour respecter les droits de l’homme».
On ne mettra jamais assez les dirigeants congolais en particulier et africains en général en garde contre ces chants de sirènes. « L’aide américaine a souvent été un leurre. On ne connaît pas d’exemple qui puisse permettre de croire qu’elle ait été en mesure de propulser les États africains vers leur propre développement. Le plus souvent il s’agit de la poudre aux yeux pour accentuer la dépendance des Etats pourvoyeurs de matières premières vis-à-vis des USA sans même les aider à y mettre de la valeur ajoutée », estime ce professeur de stratégie d’une université de Kinshasa qui se désole de la crédulité de certains Africains face à de telles tentatives grossières des policy makers occidentaux qui ne s’embarrassent d’aucun scrupule pour donner des fausses boussoles à des dirigeants de pays dont ils convoitent les richesses.
Une élite pusillanime
Que les Américains veuillent maintenir la RDC dans la périphérie pour mieux l’asservir, c’est de bonne guerre pourrait-on dire. Ce qui est inconcevable, c’est de trouver au sein des élites nationales du pays de Lumumba de prétendus intellectuels qui s’érigent à vil prix en relais d’un impérialisme de type néocolonial connu pour être responsable d’une grande part du sous-développement endémique de leur pays.
Cette insouciance suicidaire de quelques analystes qui se gargarisent du fait que les États-Unis continuent à diviser leur peuple pour mieux exploiter leurs ressources naturelles pratiquement sans contrepartie significative est sans doute ce qu’il y a de plus exécrable.
JBD avec Le Maximum
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