Au moment où la riposte contre la pandémie au Covid19 patine en RDC et alors que l’État d’urgence décrété par le chef de l’État, Félix Tshisekedi le 24 mars pour y faire face montre ses limites, on constate notamment que depuis l’entrée en vigueur de l’État d’urgence, le nombre de cas confirmés positifs a été multiplié par deux à Kinshasa et le nombre des provinces infectées est passé de 1 à 4 par manque de mesures d’accompagnement appropriées.
Face à cette situation, et sans verser dans un juridisme creux, Alexis Tambwe Muamba, président du Sénat a, dans un entretien le weekend dernier avec la presse locale, défendu l’idée de la tenue prochaine d’un Congrès pour légiférer sur les modalités d’application de l’état d’urgence décrété par le chef de l’État.
La prise de position du président du Sénat a provoqué la réaction de Jean-Marc Kabund-a-Kabund, 1er vice-président de l’Assemblée nationale pour qui «la régularisation des actes pris par le président n’entre pas dans les attributions du congrès (Art. 119 de la constitution) C’est un prisme déformant. Convoquer un congrès quant à ce, est une démarche spécieuse qui tend à asséner un coup à l’institution président de la République », a-t-il estimé. Pour le speaker du Sénat, la Constitution en son article 119 (2), stipule que l’Assemblée nationale et le Sénat, réunis de droit en congrès autorisent la proclamation de l’état d’urgence. Il a ajouté que bien que la procédure suivie par le chef de l’Etat n’ait pas été conforme à cette disposition, le parlement, sans faire du juridisme, devait faire en sorte que cette mesure soit conforme aux prescrits de la loi fondamentale.
Alexis Thambwe Mwamba avait participé avec Jeanine Mabunda, la présidente de l’Assemblée nationale à une réunion interinstitutionnelle présidée par Félix Tshisekedi peu avant que le chef de l’Etat n’annonce dans un message à la nation l’état d’urgence sanitaire. Mais il a indiqué avoir été «surpris» que le président ait annoncé un état d’urgence sanitaire.
Selon ses propos, le numéro 1 de la chambre haute du parlement préconise que l’on ne poursuive pas dans la voie d’une violation formelle de la constitution pour éviter une crise interinstitutionnelle dont personne n’a besoin et souhaite que le congrès soit appelé à légiférer sur les modalités d’application de l’état d’urgence dont personne ne conteste la pertinence. «Nous nous trouvons dans un état d’urgence de fait qui n’est pas de droit. Nous n’avons aucune intention de revenir en arrière compte tenu de la situation que traverse le pays mais nous souhaitons que tout se fasse dans les règles… Il sera question de donner une légitimité aux actes posés par le président de la République », a déclaré Maître Alexis Tambwe Mwamba dont l’expertise juridique a toujours fait autorité dans le pays.
Des craintes chez des proches de Fatshi
C’est pour répondre à la crise sanitaire provoquée par le coronavirus que l’état d’urgence a été décrété par le président de la République. Cette mesure doit être complétée par une loi qui se fait toujours attendre pour en définir les contours au terme des articles 85,144 et 145 de la constitution de 2006.
L’état d’urgence sanitaire est par ailleurs une mesure exceptionnelle.
Au-delà d’un mois, la prorogation de l’état d’urgence doit être autorisée par le parlement. La loi de prorogation fixe la d’urée de l’état d’urgence.
Suspicions et
supputations
Le débat sur la procédure appropriée pour décréter l’état d’urgence traduit les suspicions et les supputations parfois irrationnelles dont l’arène politique congolaise est friande.
Sur Top Congo FM, Jean-Marc Kabund s’est insurgé de voir «Thambwe Mwamba (vouloir) faire croire à l’opinion que le président de la République a violé la constitution en proclamant l’état d’urgence.
C’est ne pas avoir des égards vis-à-vis du chef de l’Etat. C’est politiquement incorrect. Non seulement je ne serai pas à ce congrès, mais je ne pense pas qu’il sera convoqué en ce moment (car) il ne faut pas poser des actes qui ont tendance à offenser le chef de l’Etat».
D’autres partisans de la plateforme présidentielle (CACH) ont carrément fait état d’un « complot » ourdi par les speakers des deux chambres (Assemblée nationale et Sénat) qui profiteraient de la séance du Congrès convoqué à la suite du Covid-19 pour… démettre le président de la République !
Savoir raison garder et respecter la constitution
Si certains, aveuglés par un fanatisme de mauvais aloi, paraissent convaincus que la tenue du congrès pourrait susciter chez les parlementaires la tentation de mettre en accusation le chef de l’Etat pour violation de la constitution, d’autres estiment que si l’urgence de la situation recommande que les deux chambres du parlement se réunissent sans délai en congrès pour légiférer sur cette mesure exceptionnelle ainsi que celles subséquentes de réaffectation des crédits budgétaires y relatifs pour permettre au pays de gérer au mieux la crise sanitaire, économique et sécuritaire provoquée par le Covid-19. Rien ne saurait justifier que les choses se fassent hors des prescrits constitutionnels, ce qui pourrait s’apparenter à un schéma de coup d’Etat dans lequel les putschistes suspendent la constitution, ce qui n’est pas le cas d’espèce.
En tout état de cause, l’ordre du jour du Congrès est toujours publié dans la décision de sa convocation ainsi que le signale le député national (membre du Congrès) Marc Lombaku Lohenda (CCU-FCC): « l’état d’esprit général de la grande majorité des honorables députés et sénateurs a été bien résumé par le président du Sénat qui a clairement annoncé qu’il ne s’agissait pas de revenir en arrière malgré les dysfonctionnements constatés. Il s’agit juste de conformer la démarche présidentielle à la Constitution qui est au-dessus de nous tous et qui n’a jamais été suspendue. Personne n’a l’intention de mettre en accusation le chef de l’État pour quoi que ce soit. C’est même insensé de penser cela. Qui pourrait sérieusement envisager une telle initiative susceptible de provoquer une crise aux conséquences imprévisibles au moment où le pays est tout entier concentré dans la recherche des voies et moyens de gérer au mieux la grave crise dans laquelle le Covid-19 a plongé le pays? ».
Le Maximum