Monument du monde scientifique, celui qui connaissait l’histoire de la RD-Congo comme sa poche, plus que les Congolais eux-mêmes, le Révérend Père Léon de Saint Moulin, s’est éteint le jeudi 24 octobre 2019 à Kinshasa, dans sa 87ème année d’existence sur terre. Le décès de ce prêtre catholique belge annoncé par des sources ecclésiastiques et confirmé par la congrégation des Jésuites à laquelle il appartenait, a bouleversé les esprits et a jeté un froid terrible dans les milieux de catholiques tout comme celui de scientifiques qui l’ont connu, surtout à travers ses nombreuses œuvres, à l’instar de sa grande connaissance de la RD-Congo et ses immenses potentialités naturelles.
Né à Naast en Belgique le 17 novembre 1932, Léon de Saint Moulin s’était engagé comme aspirant dans la compagnie des Jésuites le 14 septembre 1950, pour être ordonné prêtre le 6 août 1964. Dans moins d’un mois, il aurait fêté ses 87 ans d’existence sur cette terre des hommes.
En 1959, il effectua son premier voyage au Congo pour raisons de recherches pour le compte du Fonds national de la recherche scientifique, pour une étude sur Léopoldville aujourd’hui Kinshasa. Avant de rentrer en Belgique, son pays natal. Il reviendra au Congo en 1967 et s’y établira définitivement jusqu’à sa mort. En cette même année (1967), il avait pris une part active à une étude sociodémographique à Kinshasa, avant de participer, en 1969, aux travaux de mise à jour du plan de la ville de Kinshasa conduit par l’Institut géographique du Congo.
Au plan scientifique, Léon de Saint Moulin n’était pas seulement historien, un domaine où il a particulièrement marqué les Congolais par sa grande connaissance du Congo profond, mais l’illustre disparu a également produit plusieurs publications, des livres et articles scientifiques ainsi qu’une participation active à l’élaboration de plusieurs cartes, administrative, géographique, minière…, sur la République Démocratique du Congo. Parmi ses publications, on compte « l’Atlas de l’organisation administrative de la RDC » (2005), qui aura été essentiel dans l’organisation des différentes élections jusqu’à ce jour, « Kinshasa, 30 ans après » ainsi qu’une enquête sur la perception sociale de la justice, etc…
Professeur d’université, professeur émérite de l’Université Catholique du Congo (UCC), il fut vice-recteur de l’Université Nationale du Zaïre (UNAZA) pour le campus de Kinshasa et directeur du Centre d’Etudes pour l’Action Sociale (CEPAS). C’est pendant son mandat que le service « resto » sur la colline inspirée avait dû reprendre après plusieurs mois d’arrêt, faute de provisions. La suspension de la restauration avait été décidée par le régime en place, une façon de punir les étudiants qui s’opposaient à la politique du Maréchal Mobutu Sese Seko. Il a participé à plusieurs colloques, notamment celui organisé en juillet 2018 avec le Mouvement des Professeurs catholiques (MPC) section UNIKIN/ISTM sur le thème : « Nos agissements individuels et collectifs en tant que crème de l’intelligentsia congolaise face aux défis de la décadence multiforme de notre société : considérations et perspectives morales, économiques, juridiques, culturelles, religieuses et sociopolitiques », où il avait été d’un apport considérable en tant qu’historien et spécialiste de l’évolution de la société congolaise. On rappelle que c’est grâce à sa connaissance profonde du Congo que Léon de Saint Moulin avait obtenu un espace à l’Office Zaïrois de Radiodiffusion et Télévision (OZRT), actuellement RTNC (Radiodiffusion Télévision Nationale Congolaise (RTNC), où il animait, vers les années 1995, une émission intitulée « Zaïre aux mille visages ». Une émission qui permettait à ceux qui la suivaient de découvrir le pays, province par province, localité par localité, aussi bien sur les plans tant administratif, social, culturel qu’économique.
Au sujet de l’université, Léon de Saint Moulin était d’accord pour de dire que « La valeur d’une nation se mesure à la place qu’elle réserve à son université pour jouer son rôle et remplir sa mission dans un monde civilisé. Cette institution d’éducation supérieure doit être compétitive dans un monde de plus en plus voguant des les tourbillons de la mondialisation. La richesse d’un pays, d’une nation, ne doit pas tourner, ni dans des pierres précieuses, ni dans la possession des armements sophistiqués et entretenus pour manipuler le peuple, pour mâter ses propres concitoyens. La richesse d’une nation trouve sa source fondamentale dans ce qu’on appelle familièrement la « matière grise ». Sans sa mise en œuvre, toutes les énormes potentialités du sol et de sous-sol ne nous épagnérons pas de la misère noir, de la mendicité et de la servilité qui l’escortent lamentablement. Dis-moi comment tu traites ton université, tes professeurs, tes chercheurs, tes enseignants, l’ensemble de tes agents administratifs et tes étudiants, je te dirai qui tu es… », témoigne le professeur émérite Jean Kambayi Bwatshia.
Formateur des Formateurs, au sujet de Léon de Saint Moulin sans qu’il le sache, le Révérend Père Léon de Saint Moulin a été l’un des religieux les plus respectés au regard du niveau de connaissance qu’il avait atteint et de son amour pour la RD-Congo. Ce qui lui vaut ce jour, cet hommage que toute la nation congolaise lui rend. Après la série de messes dites chaque jour en sa mémoire jusqu’à hier, jeudi 31 octobre 2019, la levée du corps de la morgue aura lieu ce vendredi 1er novembre 2019, avant l’exposition de sa dépouille à la Paroisse Sacré Cœur de la commune de la Gombe. L’inhumation de l’illustre disparu interviendra demain samedi 2 novembre 2019 à Kimwenza dans la banlieue de Kinshasa.
HERMAN MALUTAMA