Jeudi 3 octobre 2019, le Dr Jean-Jacques Muyembe qui coordonne les équipes de riposte à la Maladie à Virus Ebola (MVE) qui sévit au Nord-Kivu et en Ituri depuis août 2018 a fait part au 1er ministre des avancées enregistrées ces derniers mois. « Il y a beaucoup de progrès, nous sommes passés de 10 à 20 cas par jour à moins de 5 cas enregistrés mercredi dernier (2 octobre 2019, Ndlr) », a expliqué le co-découvreur du virus Ebola, également directeur de l’Institut National de Recherche Biologique (INRB), qui justifie les progrès curatifs caractérisés par la régression du nombre de malades par le traitement par molécules (dont il est l’inventeur) administrés aux patients.
Un jour plus tard, le 4 octobre, la localité de Mangina dans la province du Nord-Kivu, connue pour être l’épicentre de la MVE qui y a été déclarée au mois d’août 2018 a enregistré la 1000ème guérison de la 10ème épidémie du genre en RDC. Le vainqueur est une dame d’une quarantaine d’années, contact de son neveu malade qui avait contracté le virus à Lwemba non loin de Mandina. Elle s’était présentée aux équipes de la riposte dès les premiers accès de fièvre, explique-t-elle, heureuse de s’en être remise aux soignants qui l’ont immédiatement transférée au CTE d’où elle est sortie vendredi dernier, en compagnie de 3 autres guéris, dont un prestataire de santé.
2.141 décès contre 1.004 guérisons
Néanmoins, samedi 5 octobre, le rapport quotidien du comité multisectoriel de lutte contre la MVE renseignait que 2.141 décès (2027 confirmés) étaient enregistrés depuis la déclaration de l’épidémie ; mais également l’existence de 451 cas suspects en cours d’investigation ; de 3 nouveaux cas confirmés à Oicha, Lolwa et Mandina; de 2 nouveaux décès à Oicha et à Mandina.
Selon le comité multisectoriel de riposte, 90 % des nouveaux cas atteints de MVE a déjà été repérés avant leurs premiers symptômes parce qu’il s’agit de contacts des cas confirmés, et seraient déjà formellement connus et suivis. Le comité indique également que les patients arrivent plus vite dans les centres de traitement, faisant passer le délai moyen à deux ou trois jours, contre cinq ou six il y a un mois et demi. Or, plus les patients prennent un traitement tôt, plus ils ont des chances de guérir.
Mais sur un total de 1.004 guérisons de la MVE à la même date, force est de constater que près de 800 victoires contre l’épidémie (833 exactement) étaient déjà enregistrées au 3 août 2019, lorsque le professeur Muyembe se voyait confier la coordination des équipes de riposte par le président de la République.
En effet, selon le rapport du comité multisectoriel de riposte à la MVE du 12 août dernier, 833 malades d’Ebola étaient déclarés guéris au Nord-Kivu et en Ituri, contre 2.831 morts (confirmés et probables). Si donc on peut se réjouir de la découverte d’une molécule guérisseuse de la MVE par ce compatriote qui compte parmi les savants qui ont découvert le virus responsable de l’épidémie il y a une trentaine d’années, force est de constater qu’à l’étape actuelle, on doit le plus grand nombre de rémissions de la maladie à d’autres contributions sur le terrain, et notamment aux trois autres molécules thérapeutiques administrées aux malades.
Prudence dans l’interprétation des statistiques
Il convient donc d’interpréter les statistiques relatives à l’évolution de la MVE dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri avec prudence, ainsi que le recommandent l’OMS et MSF/France. L’agence onusienne a rapporté vendredi 4 octobre qu’entre le 25 septembre et 1er octobre courants, 20 nouveaux cas de MVE ont été enregistrés, contre 29 la semaine précédente, tout en faisant observer que cette diminution des cas doit être interprétée prudemment compte tenu des défis opérationnels et sécuritaires dans certaines zones de santé, qui rendent difficiles la détection des nouveaux cas et les interventions. Même s’il reste que les points chauds de l’épidémie semblent confinés dans la province de l’Ituri où 53 (Mandina et Mambassa) des 106 cas répertoriés du 11 septembre au 1er octobre 2019 ont été signalés.
Pour MSF qui est partenaire à la riposte, la mortalité due à la MVE demeure élevée et le délai entre l’apparition des premiers symptômes et la prise en charge reste de 5 jours en moyenne. Et, selon l’ONG, seulement 33 % de nouveaux cas d’Ebola sont connus et suivis par les équipes de riposte, parce qu’ils étaient déjà en contacts avec des patients répertoriés.
Certes, des nouveaux outils pour lutter contre la MVE ont été intégrés qui permettent d’envisager l’avenir immédiat de la riposte avec plus d’optimisme. Outre l’intervention des leaders locaux d’opinions et d’acteurs politiques jadis impliqués dans l’hostilité des populations contre les équipes de riposte et le vaccin, les vainqueurs de la MVE sont employés avec succès dans la sensibilisation et la garde des nouveaux malades. De même, le rVSV-ZEBOV, l’unique vaccin utilisé jusque-là dans les deux provinces, d’une efficacité établie à 97,5 %, a permis de protéger plus de 226.000 personnes. Alors que de nouveaux traitements peuvent sauver plus de 90 % des personnes qui accèdent aux soins en début de maladie.
J.N.