Elle n’a pas vocation à perdurer ni à se substituer à l’Etat, selon le Chef de l’Etat
L’opinion nationale et internationale découvrent, au fil des jours, Félix Tshisekedi, le nouveau chef d’Etat rd congolais. Et la proximité des idées politiques entre le nouvel homme fort de Kinshasa et son prédécesseur sur bien de points. Notamment sur le problème de la présence en RDC de la plus grande force onusienne jamais déployée dans le monde depuis deux décennies.
Fatshi en a parlé mercredi 25 septembre 2019 à New York où il séjourne dans le cadre de la 74ème session de l’assemblée générale de l’ONU à l’occasion d’une réunion ministérielle sur la sécurité dans la région des Grands Lacs présidée par le Congo-Brazzaville et la Belgique.
Félix Tshisekedi s’est certes déclaré favorable à la présence dans son pays des casques bleus dont il juge le départ prématuré. Mais, il a tenu à préciser que la MONUSCO «n’a pas vocation à perdurer dans mon pays, ni à se substituer à l’Etat. Bien que je souscrive au renouvellement de son mandat, je pense qu’un réajustement dudit mandat s’impose et que cette dernière doit participer effectivement et efficacement à la nouvelle dynamique de recherche de la paix que j’ai lancée ».
Au cours de sa visite d’Etat en Belgique, peu avant de se rendre aux Etats-Unis, le président de la RDC s’était déjà déclaré favorable au maintien de la MONUSCO … « pour quelque temps. Nous en avons besoin, surtout pour l’Est du pays, en appui notamment logistique à nos forces de défense », avait-il soutenu.
La plus grande mission militaire onusienne
La mission la plus coûteuse des Nations-Unies ne devrait donc pas demeurer éternellement en RDC. Sur ce point, Fatshi et Kabila sont du même avis. Autant que sur le fait que la mission ne soit cantonnée que là où elle est utile et se charge de missions bien précises, qui, pour le nouveau chef d’Etat rd congolais, doivent s’inscrire dans le cadre de « la nouvelle dynamique de recherche de la paix » qu’il a enclenchée.
La conclusion coule comme de source donc: aussitôt qu’elle cessera de s’inscrire dans cette dynamique de paix, la MONUSCO devra plier bagages. Cette éventualité peut advenir plus vite qu’on ne le croit, puisqu’elle semble inscrite dans les missions dévolues à la mission onusienne dont la présence sur le territoire de la RDC ne dépend nullement des autorités de ce pays, force est de s’en rendre compte.
Dimanche 22 septembre 2019, au cours d’un entretien avec la presse dans le cadre de l’émission Internationales produite par TV5Monde et le quotidien français Le Monde, le numéro 1 congolais a lui-même laissé voir indirectement que la présence onusienne ne dépendait nullement des autorités établies dans son pays en révélant que Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations-Unies, l’avait informé que la mission resterait encore quelques temps. Il ne s’agissait donc que d’une information, pas d’une demande.
Au cours d’un point de presse animé au Palais de la Nation après l’entretien avec le président de la République, le 2 septembre dernier, Antonio Guterres avait déclaré sans ambages que « pour le moment, nous restons engagés avec la RDC et je dois dire, d’une façon très claire, les Nations Unies n’abandonneront pas le peuple congolais».
Dans le cadre des rapports actuels entre la MONUSCO (en fait le Conseil de sécurité des Nations-Unies) et les autorités de la RDC, on a de plus en plus difficile à savoir qui décide de quoi. C’est ce que révèlent certains contours du mandat des casques bleus au pays de Lumumba : ils peuvent entreprendre des actions offensives à leur propre initiative, c’est-à-dire, avec ou sans le consentement des autorités rd congolaises. Sur les antennes de RFI, début septembre, Antonio Guterres ne s’en est pas caché. « Je crois que le mandat permet (à la MONUSCO de mener seule ses propres actions offensives, Ndlr) pour moi il y a clarté dans ce domaine que la MONUSCO puisse agir en appuyant les Forces armées de la RDC. Mais elle peut aussi avoir des opérations à elle-même », avait déclaré le secrétaire général de l’ONU au cours de l’émission Invité Afrique de la radio publique française. Bizarre… Problèmes de souveraineté
Et c’est ici que le bât blesse parce que cette façon de voir heurte de front la souveraineté de l’Etat membre à part entière de la communauté des Nations qu’est encore la RDC. C’est ce qui fut à la base du différend entre la force onusienne en RDC et un Joseph Kabila excédé par les conditionnalités posées par les onusiens pour apporter leur soutien aux FARDC en opération d’éradication des groupes armés de l’Est du pays. Le différend se traduisit par une divergence des priorités entre Kinshasa et la MONUSCO lorsque la mission décida unilatéralement d’accorder priorité à la traque des FDLR plutôt qu’à celle des ADF au Nord-Kivu en janvier 2014.
5 ans après, c’est quasiment le retour à la case départ. Félix Tshisekedi l’a encore assuré au cours de son dernier séjour bruxellois : «Ma priorité est de rétablir la paix dans cette région autrefois appelée le ‘grenier de la République’ et aujourd’hui devenue un enfer », a-t-il déclaré à Internationales. « Dans quelques semaines, il s’agit de nettoyer définitivement cette zone des ADF et de mettre un terme aux tueries, rétablir la sécurité pour les populations et permettre aux acteurs de la lutte contre Ebola de travailler. Nous préparons actuellement une grande offensive contre les groupes armés de l’Est de la RDC », avait expliqué Fatshi aux confrères de TV5Monde et du quotidien Le Monde.
Alors que côté onusien, il semble, à en juger par les propos de Guterres, que la révision de certains contours du mandat des casques bleus doive encore être plaidée à New York, ce que Kinshasa ne peut attendre. Parce qu’il y a 5 jours, le 22 septembre, les ADF ont encore tué 7 personnes dans une fusillade à Oicha, non loin de Beni. Deux jours auparavant, vendredi 20 septembre, un chauffeur avait été exécuté au cours d’une embuscade à Kitsanga, à seulement 10 km de Beni sur la route de Kasindi (frontière ougandaise). Mardi 17 septembre, toujours à Kitsanga, le groupe armé islamique a revendiqué une autre attaque, se targuant d’avoir tué et blessé plusieurs éléments des FARDC. Difficile pour un chef d’Etat congolais quel qu’il soit, de demeurer dans l’attente de « bonnes résolutions onusiennes» dans ces conditions.
On voit mal l’opposant radical élu président de la République en RDC en décembre dernier patienter ad vitam aeternam.
J.N