Tout ou presque a changé dans la perception des réalités de la RDC par la communauté des Nations, à en juger par les propos du secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, qui a bouclé une visite de 3 jours en RDC lundi 2 septembre 2019.
Pour l’essentiel, ce que le patron de l’ONU a déclaré à la presse au sortir d’une longue entrevue avec le président de la République, il l’avait déjà dit à Goma, à Beni puis à Mangina où il se trouvait encore dimanche 1er septembre dans la mi-journée.
Un vent d’espoir souffle sur la RDC, qu’il convient d’exploiter pour améliorer la situation sécuritaire du pays, faire face aux défis humanitaires et s’engager dans le développement durable. Antonio Guterres s’est engagé à lancer un appel à l’ensemble de la communauté internationale, qu’il appelle à aider les populations et les autorités de la RDC à transformer le potentiel d’espoir perçu dans la stabilisation des institutions et le renforcement de l’autorité de l’Etat, ainsi que la résolution des défis divers qui se posent.
Le concours attendu s’exprimera à travers l’amélioration des capacités de la mission onusienne en RDC, de manière à lui permettre de mieux faire face aux exactions des ADF et de mieux aider les FARDC. La politique de DDR (Démobilisation, Désarmement et Réinsertion) sera réactivée, a promis Antonio Guterres. Et une grande rencontre humanitaire sera convoquée à Goma pour étudier les moyens d’aider le pays à organiser ses services sociaux de base et de répondre aux défis qui l’assaillent.
Mais en attendant, il n’est toujours pas question de retrait onusien : « pour le moment, nous restons engagés avec la RDC et je dois dire, d’une façon très claire, les Nations Unies n’abandonneront pas le peuple congolais », a gentiment mais fermement énoncé le patron des Nations-Unies. « Nous travaillons ensemble avec le gouvernement congolais pour créer des conditions qui puissent permettre un jour que la mission onusienne ne puisse plus être nécessaire et que les rapports entre les Nations-Unies et le Congo redeviennent normaux », a encore expliqué Antonio Guterres, assurant en avoir discuté avec le président de la République.
Impossible, cependant, de ne pas noter le revirement à 90 % de la perception onusienne du phénomène ADF qui sévit au Nord-Kivu depuis les années ’95, et dont la recrudescence de l’activisme terroriste ces dernières années a provoqué presqu’autant de décès que l’épidémie d’Ebola dans la même région, soit plus ou moins 2.000 morts.
Chaque fois qu’il a nommé les terroristes qui écument Beni et ses environs, Antonio Guterres a fait état de l’ADF. Le changement est de taille, parce qu’il n’est plus question, s’agissant de ces tueurs sans âme qui massacrent essentiellement des civils sans protection, de «présumés rebelles ADF».
L’appellation péjorative consacrée par une frange de l’opposition politique en RDC ainsi qu’une partie de la communauté internationale pour occulter la dimension internationale de la nébuleuse de Beni est ainsi désormais battue en brèche. Et la voie pour combattre efficacement le terrorisme naissant ouverte.
Devant la presse à Kinshasa, Antonio Guterres s’est montré catégorique sur la question. « J’ai été au Kivu du Nord, et j’ai pu voir la dimension de la menace de l’ADF et ses actions terroristes intolérables face aux populations congolaises », a déclaré le secrétaire général de l’ONU pour annoncer ce qu’il a qualifié de devoir de solidarité « … avec le peuple congolais mais aussi avec toutes les autorités congolaises. Une solidarité qui s’exprime premièrement face aux défis sécuritaires ».
Ci-après l’adresse du SG de l’ONU à Kinshasa.
J.N
ADRESSE A LA PRESSE D’ANTONIO GUTERRES
Bonjour, Mesdames et Messieurs, merci de votre présence. Durant les deux jours que j’ai passé dans le Kivu du Nord, j’ai pu constater qu’il y a un vent d’espoir qui souffle en RDC, qu’il y a une opportunité à saisir. Mon appel à la communauté internationale toute entière est qu’elle puisse s’unir et se mobiliser pour appuyer le peuple congolais, pour appuyer les autorités congolaises pour que cette opportunité soit saisie et se transforme dans le renforcement des institutions, dans le développement durable et inclusif, dans la sécurité, dans la réponse aux problèmes humanitaires efficaces et que en même temps ce vent d’espoir puisse aider le peuple congolais à répondre à tous ces défis.
J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Monsieur le président de la République et de lui exprimer notre conviction qu’il y a aujourd’hui au Congo un moment historique, un moment où on peut s’attendre à un développement des institutions démocratiques, à l’existence d’un gouvernement qui veut transformer le pays mais avec une opposition qui joue un rôle important dans la vie politique du pays, avec un respect accru pour les droits de l’homme et avec une vision pour le futur du Congo. Cette visite est une visite de solidarité. Solidarité, premièrement avec le peuple congolais mais aussi avec toutes les autorités du congolaises. Une solidarité qui s’exprime premièrement face aux défis sécuritaires. J’ai été au Kivu du Nord, et j’ai pu voir la dimension de la menace de l’ADF et ses actions terroristes intolérables face aux populations congolaises. Nous sommes convenus que la MONUSCO doit renforcer sa capacité d’actions vis-à-vis de l’ADF et renforcer aussi sa coopération avec les FARDC pour mieux répondre aux préoccupations sécuritaires des populations face à cette menace qui est non seulement congolaise mais déjà une menace internationale.
Deuxièmement, dans le plan sécuritaire, on va renforcer notre coopération pour la Démobilisation, Désarmement et Réinsertion des anciens combattants. Je vais faire un grand appel aux congolais qui sont encore dans la brousse pour qu’ils laissent les armes, qu’ils acceptent de s’intégrer dans les communautés dans la perspective d’un nouveau Congo. Notre coopération va aussi s’intensifier dans le domaine du développement, un développement inclusif, un développement durable. Le Congo a un potentiel de richesse énorme. Il faut que ce potentiel puisse servir les intérêts du peuple congolais.
Dans le domaine humanitaire, nous avons aujourd’hui un combat très important contre l’Ebola, pour éradiquer Ebola. Mais nous ne voyons pas l’Ebola isolé. J’ai parlé avec les populations et je suis conscient qu’il y a, outre l’Ebola, la malaria, la rougeole, le choléra … il faut une réponse qui soit capable non seulement d’éradiquer Ebola mais aussi d’appuyer le Congo à créer des services de santé, des services sociaux de base efficaces dans le combat contre toutes les autres maladies et dans la création des conditions pour que le pays puisse sortir d’une situation d’aide humanitaire pure à une situation de prestation des services de base dans une structure coordonnée ou contrôlée par l’Etat congolais.
Je tiens à vous exprimer mon énorme satisfaction. Nous avons eu un débat très constructif avec le président de la République et je suis sûr que dans le cadre de la révision stratégique de la MONUSCO, le conseil de sécurité décidera quelques ajustements qui puissent améliorer la MONUSCO et sa coopération avec le gouvernement congolais. Et nous travaillons ensemble avec le gouvernement congolais pour créer des conditions qui puissent permettre un jour que la mission onusienne ne puisse plus être nécessaire et que les rapports entre les Nations-Unies et le Congo redeviennent normaux, avec une équipe de pays qui travaille avec le gouvernement pour le développement et le bien-être du peuple congolais.
Mais, pour le moment, nous restons engagés avec la RDC et je dois dire, d’une façon très claire, les Nations Unies n’abandonneront pas le peuple congolais.