Les nombreuses interruptions du signal de RFI (Radio France International) décidées sous la houlette de l’ancien ministre de la Communication et Médias, Lambert Mende Omalanga, ont laissé des traces. Même si les médias globaux n’ont pas renoncé, et ne renonceront sans doute jamais aux inépuisables ressources communicationnelles du Congo Bashing, certains parmi eux mettent depuis lors des gants avant de « descendre » les autorités de la RDC. Ils se servent de quelques confrères inconséquents du continent, généralement subventionnés pour canarder les autorités rd congolaises ou autres.
Le 31 juillet 2019, alors que la RDC fêtait la fin de la longue gestation de l’accord de coalition entre le CACH de Félix Tshisekedi et le FCC de Joseph Kabila, RFI a soudainement dégainé contre la perspective de formation d’un gouvernement dont les portefeuilles des Mines et des Finances allaient être confiés à des membres du FCC. Certes, un ministre, chargé des Finances soit-il, relève de l’autorité du chef du gouvernement et au-delà, du président de la République qui détient le pouvoir de le révoquer le cas échéant. Mais les Mines et les Finances entre les mains des kabilistes, cela signifie que dans le fond, le nouveau président de la République approuve la politique minière de son jeune prédécesseur.
Ses propres propos dans la bouche d’un autre
Nos confrères du média d’Etat français ont donc choisi de faire dire à des lampistes burkinabè ce qu’ils ne pouvaient eux-mêmes exprimer sous peine d’essuyer les foudres de Kinshasa. Il a suffi pour cela de consacrer une revue de la presse africaine à la formation imminente de l’équipe gouvernementale à Kinshasa, qui tranche par l’extrême sélectivité des organes choisis : ceux qui sont hostiles à la perspective d’un gouvernement de coalition qui, selon eux, fait la part belle à Joseph Kabila. L’assaut en règle, puisque c’en était un, a été rondement mené par Frédéric Couteau en cette fin du mois de juillet. Aussitôt l’information principale rapidement expédiée, RFI fait place aux commentaires : ceux du quotidien kinois Le Potentiel, proche de Moïse Katumbi dont on connait la proximité avec les thèses révisionnistes de l’histoire du Congo et qui dénonce aussi la taille de l’équipe composée de 65 membres ; puis ceux du burkinabè L’Observateur Paalga, qui mitraille: « avec une telle répartition (des postes gouvernementaux), on n’a vraiment plus besoin de se demander qui est le véritable chef de cet immense pays, car quand on tient l’armée, les cordons de la bourse et les pierres précieuses, on peut se permettre de dicter sa loi à un président potiche qui pédale dans la choucroute en se donnant l’illusion d’être le patron ». C’est fait dans les règles de l’art … d’orienter l’opinion publique des pays du continent noir arrosés à longueur de journées par de puissants médias étrangers sous le couvert d’une mondialisation à sens unique : un média guinéen également associé à la revue de presse de Couteau présente une approche nuancée de la coalition Kabila-Tshisekedi, mais elle est aussitôt anéantie par un autre, franchement hostile à tout ce qui ressemble aux Kabila père et fils depuis des décennies, Afrikarabia.
Revue de presse sélective et orientée
Ce que l’opinion a retenu de cette revue de presse de RFI reste la qualification du président de la RDC élu fin décembre 2018 comme un ‘‘chef d’Etat potiche’’ manipulé par son prédécesseur. Une stratégie de délégitimation des dirigeants du continent noir lorsqu’ils osent déplaire aux faiseurs de rois occidentaux dont les Sankara, Kadhafi et autres Gbabgo ont eu à faire les frais à divers degrés. Pour être légitime, un dirigeant africain doit être adoubé par les capitales européennes: en dépit de la performance démocratique qu’a été la première passation civilisée du pouvoir au sommet de l’Etat dont les rd congolais se réjouissent, ce n’est que si Félix Tshisekedi acceptait de tordre le cou à son prédécesseur et de réviser la nouvelle loi minière au profit des majors de l’industrie minière occidentale, qu’il sera éligible à cette ‘‘légitimité’’-là.
La revue de la presse africaine de RFI du 31 juillet 2019 consacrée à la formation imminente d’un gouvernement en RDC, c’est la traduction en stratégie communicationnelle du point de vue de la France officielle, déjà émis par Jean-Yves Le Drian dès le lendemain de la victoire de Fatshi à la présidentielle du 30 décembre 2018 : « pas conformes aux résultats que l’on a pu constater ici ou là … parce que la conférence épiscopale du Congo a fait des vérifications et a annoncé des résultats qui étaient totalement différents », avait d’abord déclaré à chaud le patron de la diplomatie française avant d’asséner avec mépris quelques jours plus tard, que « l’élection s’est achevée finalement par une espère de compromis à l’africaine».
Face au nationalisme et au patriotisme du duo Tshisekedi – Kabila, les nostalgiques outre-méditerranée tentent de délégitimer le «compromis à l’africaine» au profit d’un «compromis à l’européenne».
J.N.