La question de la responsabilité des ordonnances de nominations à la Gécamines et la SNCC continue à diviser l’opinion. Jonas Kota s’y penche
Le bruit et la violence consécutifs au débat qui s’est tenu à l’Assemblée nationale la semaine dernière semblent avoir occulté cette question lancinante au profit de considérations politiques existentielles sur le sort des uns et des autres à travers la coalition FCC – CACH.
Pourtant, de la compréhension de ce qui s’est passé avec ces ordonnances et leur signification légale sur le présent immédiat et l’avenir dépend le sens même de ce que devra être la gouvernance institutionnelle au cours des cinq prochaines années en RDC.
Car il s’agit bien entre les plateformes FCC et CACH de partager une identité de compréhension de la place qui est censée revenir à chacun selon les dispositions constitutionnelles qui sont bien au-dessus de tout arrangement politique. Question de faire clairement la part des choses entre les engagements privés des uns envers les autres et les obligations de tout le monde devant la loi et face à la chose publique qui n’est le bien de personne.
Responsabilité, irresponsabilité
Il faut comprendre le concept de « responsabilité » comme « le devoir de répondre de ses actes, toutes circonstances et conséquences comprises, c’est-à-dire d’en assumer l’énonciation, l’effectivité, et par suite la réparation, voire la sanction lorsque les attentes ne sont pas obtenues ». En droit constitutionnel, la responsabilité (politique) s’entend comme l’« obligation, pour le titulaire d’un mandat politique, de répondre de son exercice devant celui ou ceux de qui il la tient ». Par contre l’« irresponsabilité » est tout simplement une « absence de responsabilité morale ou légale ».
Le droit constitutionnel congolais met en exergue le chef de l’Etat en définissant ce concept d’irresponsabilité comme un « privilège en vertu duquel le chef de l’État est soustrait au contrôle juridictionnel et parlementaire dans l’exercice de ses fonctions, sauf cas de haute trahison ».
Cependant, et en revenant sur la définition de la responsabilité, la compréhension de la portée de l’acte du chef de l’Etat doit être mise en rapport avec l’organisation politique et institutionnelle dans laquelle « le titulaire d’un mandat politique » tient cette responsabilité de son mandant.
Dans le cas des ordonnances de nominations des mandataires publics, le mandant n’est autre que le parlement qui désigne le mandataire, à savoir le gouvernement (premier ministre et membres) qu’il investit.
En d’autres termes, le gouvernement et les autres autorités assumant des fonctions exécutives sont comptables de leurs actes devant leur mandant qu’est la représentation nationale.
Mécanismes institutionnels
Pour revenir au cas des ordonnances querellées, il faut noter qu’en plus de ce dispositif institutionnel et constitutionnel qui répartit les responsabilités, il existe un mécanisme par lequel ces responsabilités sont assumées à chaque étape par les uns et les autres pour que nul n’en ignore. Lorsque la Constitution (article 79) prévoit la désignation des mandataires par le conseil des ministres dont les membres sont nommés par le chef de l’Etat. Lorsque ce dernier signe les ordonnances de nomination avec le contreseing du premier ministre, toutes ces étapes apparemment anodines ont une grande signification en ce qu’elles identifient et soulignent le(s) porteur(s) de la responsabilité et, plus loin, celui qui devra en répondre devant le parlement.
Le chef de l’Etat en signant ces ordonnances se pose ainsi comme une garantie de la conformité de cet acte de nomination et non comme comptable.
La responsabilité du président
A la lumière de ces précisions, la question qui mérite d’être posée est la suivante : en signant seul, et dans les conditions que l’on sait, les ordonnances de nomination à la SNCC et à la Gécamines, le chef de l’Etat s’est-il maintenu dans l’espace de son confort d’irresponsabilité ?
L’on constate que les services du président ont, dans cette affaire, pris des libertés avec toutes ces précautions protectrices que confère formellement l’article 79 de la Constitution à la première institution publique de la RDC. Ils ont de ce fait exposé leur patron au désagrément d’être traité par des parlementaires tatillons comme ayant perdu cette couverture du privilège d’irresponsabilité.
Une autre conséquence de cette négligence pourrait être que lorsque viendra le moment par exemple d’interpeller ces mandataires qui n’ont pas été désignés par un exécutif de plein exercice, les yeux de la représentation nationale ne se tournent à nouveau vers l’autorité suprême qu’est le président, seul initiateur de leur désignation, mais que la Constitution a tenu à mettre à l’abri de telles contingences.
Dès lors, on a exposé ainsi le chef de l’Etat, de manière inconsidérée au « devoir de répondre de ses actes, toutes circonstances et conséquences comprises, c’est-à-dire d’en assumer l’énonciation, l’effectivité, et par suite, la réparation, voire la sanction lorsque les attentes ne sont pas obtenues».
Et ce n’est pas en accolant à ces actes l’épithète « administratif » comme pour les banaliser pour des raisons évidentes, que l’on en occulterait la gravité en termes de signification et de portée juridique et historique.
Bref, on se trouve ici face à un bien fâcheux précédent qu’il ne faut pas vouloir solder dans l’orgueil des uns et des autres en jouant à l’autruche.
LE MAXIMUM AVEC JONAS EUGÈNE KOTA (CONGOVIRTUEL)