Ça n’a pas tourné tout à fait rond, jeudi 13 juin 2019 à Kinshasa à l’occasion de la marche dite des mamans, entreprise à l’initiative du candidat malheureux Lamuka à la présidentielle de décembre dernier, Martin Fayulu. Non pas du fait du « pouvoir en place », selon l’expression consacrée qui signifie que c’est celui qui l’exprime qui entendait être au pouvoir, mais par une sorte d’effet boomerang interne à la plateforme créée à Genève en novembre dernier.
Certes, à la faveur des arrêts de la cour constitutionnelle du lundi 11 juin, qui ont consacré l’invalidation d’un nombre important de députés de l’opposition, mais pas seulement, ainsi qu’on s’en rend compte depuis quelques heures, l’opposition Lamuka était vent debout, décidée à en découdre avec cette instance juridictionnelle qui avait déjà déclaré son candidat non-élu en janvier 2019.
L’affaire tombait bien pour Martin Fayulu. Depuis le début de la semaine, la majorité au pouvoir était sens dessus dessous en raison des troubles publics occasionnés par des ordonnances présidentielles de nominations unilatérales dans les plus grandes entreprises de l’Etat. Jusque jeudi 13 juin 2019 au milieu de la journée, les combattants de l’UDPS/T et du CACH, poursuivaient les pillages en règle des installations du FCC en provinces, notamment à Mbuji- mayi. Après que Kinshasa et Lubumbashi eurent fait les frais du courroux de ces manifestants particulièrement violents.
L’occasion semblait indiquée pour quiconque voulait aggraver et généraliser la pagaille. Le MLC de Jean-Pierre Bemba qui a enregistré l’invalidation de 8 de ses députés nationaux est monté au créneau avec force menaces, et annoncé une manifestation publique de contestation samedi 15 juin à Kinshasa.
Naturellement, Martin Fayulu a également profité de la situation pour annoncer, de son propre chef, une série de manifestations dites citoyennes pour contester les décisions opposables à tous prises par la cour constitutionnelle. Notamment, cette marche dite des mamans sur l’instance judiciaire dans la commune de la Gombe.
Sur le coup, l’initiative semblait aller de soi. Mais à la réflexion, des observateurs notent qu’en principe, il n’appartenait pas à l’ancien porte-parole (et candidat unique de Lamuka à la présidentielle) de prendre une telle initiative. Dès lors que le regroupement muté en plateforme politique fin avril dernier s’est doté d’un coordonnateur du présidium (l’organe suprême de Lamuka) en la personne de Moïse Katumbi Chapwe. L’ancien gouverneur de l’ex-Katanga, retourné au pays le 20 mai dernier sans la moindre anicroche, dirige Lamuka durant trois mois, jusque fin juillet 2019, donc.
C’est au président de Ensemble pour le Changement et du G7 qu’il revenait donc d’initier ce type d’action. Et pas à Fayulu. 24 heures avant la sortie précipitée de Martin Fayulu, Pierre Lumbi Okongo, s’exprimant au nom de Lamuka, s’était certes ému des arrêts de la cour constitutionnelle invalidant des élus de la plateforme à la pelle. Ainsi que de ce qu’il présentait comme une interdiction de parcourir l’arrière-pays imposée au coordonnateur du presidium Lamuka. Mais l’ancien flic en chef de Joseph Kabila passé avec armes et bagages à l’opposition s’était abstenu de lancer des foules dans les rues avant que le presidium de la plateforme n’en ait formellement discuté. « Nous lançons un appel à l’unité et la cohésion de toute l’opposition pour des actions de grande envergure dans les prochains jours. Pour cela, nous souhaitons qu’une réunion de la coordination de l’Opposition élargie soit convoquée de toute urgence », s’est-il contenté de soutenir dans un communiqué, le 11 juin courant.
Fayulu, lui, a profité de l’occasion pour doubler tout le monde. Et mal lui en a pris, à en juger par le peu d’entrain récolté par son initiative. La ‘‘marche des mamans’’ partie de la Place de la gare centrale, jeudi 13 juin 2019, n’a pas rassemblé grand’monde. Les estimations les plus optimistes font état de la présence d’une centaine de dames, qui ont reçu des renforts en combattants estimés à une centaine supplémentaire.
Même la présence d’élus Lamuka supposés populaires à Kinshasa, comme nos anciens confrères Mike Mukebayi et Daniel Nsafu, n’a rien apporté. Les gesticulations spectaculaires du dernier cité ont plutôt laissé croire à certains témoins que ses nerfs lâchaient.
C’est ce petit groupe qui, pour se donner des dimensions dignes d’intérêt, a tenté de perturber les activités près du siège de la cour constitutionnelle en brûlant des pneus sur la chaussée. Avant de se faire chasser promptement par la première escouade policière venue. Point final.
Le fiasco de jeudi fait réfléchir, désormais, dans les rangs de Lamuka Ouest. Ceux du MLC notamment, où la marche gigantesque prévue samedi prochain pourrait être renvoyée à des meilleurs auspices. Alexis Lenga, secrétaire général adjoint du parti bembiste, a intercalé un préalable de taille au cours d’une intervention sur les antennes d’une radio ayant pignon sur rue à Kinshasa : le MLC « fait une évaluation demain vendredi pour voir si on peut communautariser nos activités comme annoncé hier par un des leaders de la coalition Lamuka, le président Martin Fayulu », avance-t-il prudemment. Parce que le 12 juin à Kinshasa, Martin Fayulu n’y était pas allé avec le dos de la cuillère en embarquant indistinctement toute la plateforme dans « la poursuite du sit-in devant la Cour constitutionnelle, la marche des mamans, des députés, sénateurs, cadres de Lamuka et des patriotes congolais ce jeudi ainsi que la suspension des activités parlementaires de tous les parlementaires de Lamuka jusqu’à nouvel ordre ».
Le fiasco de la toute première des manifestations Lamuka Ouest incite à y réfléchir par deux fois avant d’effectuer le saut dans la rue.
J.N.
DEPUTES INVALIDES