Maigre moisson pour l’ex opposition au président Joseph Kabila et à sa majorité parlementaire rassemblée au sein du Front Commun pour le Congo (FCC). Seulement deux candidats gouverneurs, un de la coalition CACH à Mbujimayi au Kasai Oriental, et un autre dans la province de la Mongala ont triomphé de leurs adversaires. Pour les 5 prochaines années, seules ces deux provinces seront administrées par des gouverneurs qui ne relèvent pas des listes de la majorité parlementaire, Jean Maweja Muteba et Crispin Ngbundu. Ce n’est pas énorme, compte tenu du nombre de sièges en jeu, soit 20 au total.
Certes, ces résultats étaient prévisibles compte tenu du nombre des sièges des députés provinciaux obtenus par chacune des plateformes politiques en présence. Néanmoins, les observateurs ont noté quelques progrès, par rapport aux sénatoriales du 15 mars 2019, dont les résultats furent proprement scandaleux à Kinshasa et à Mbujimayi particulièrement.
Mercredi dernier, les élus UDPS ont correctement rempli leur contrat en obtenant l’élection d’un des leurs à la tête de la province diamantifère avec 91,67 % des suffrages exprimés. A Kinshasa où leurs votes étaient également très attendus, ils se sont également bien comportés en accordant toutes leurs voix, soit 12 au total, au candidat du parti, Laurent Batumona Khandi Kham.
Les députés ont voté correctement
De ce point de vue, la pression des combattants sur des élus accusés de corruption quelques semaines plus tôt a produit les effets escomptés, invectives, menaces et … malheureusement agressions physiques (donc atteintes à l’intégrité physique de certains élus sur les listes du parti…) auront fait réfléchir plus d’un dans les rangs du parti tshisekediste.
Le 8 avril à Kinshasa, un groupe de manifestants scandant le nom du candidat UDPS/T à l’élection de gouverneur de province avait provoqué la débandade au siège de l’Assemblée provinciale en jetant des pierres sur tout ce qui bougeait. Et ce qui bougeait ce jour-là aux alentours de 1h30’, ce sont les concurrents de Laurent Batumona qui présentaient leurs programmes de gouvernance de la capitale aux élus provinciaux. «Trop c’est trop, il n’y aura plus de corruption dans ce pays, Laurent Batumona doit passer comme gouverneur. Sinon la situation sera difficile. Nous sommes là pour dire à cette bande des corrompus qui sont dedans que c’est maintenant l’État de droit», se justifiait un manifestant interrogé par la presse.
Remake du même scénario au même endroit 48 heures plus tard, lorsqu’une trentaine de militants de l’UDPS venus soutenir le candidat du parti a tenté d’influencer les votes des élus provinciaux en scandant des chants hostiles au FCC, entre autres, avant que la police n’use de gaz lacrymogènes pour les disperser.
Des menaces pour démentir les statistiques
A l’évidence, les manifestants de l’ex opposition politique à la majorité parlementaire kabiliste ont tenté d’obtenir plus que ce qu’ils méritaient ou leur revenait par des voies démocratiques à l’élection des gouverneurs de provinces.
A Lubumbashi, les pressions sur l’électorat furent plus sérieuses puisqu’elles ont durablement (et dangereusement) perturbé l’ordre public au point de contraindre le président de la République à dépêcher le Général John Numbi y rétablir un semblant de paix.
Le 8 avril 2019, des affrontements qui ont fait 11 blessés avaient opposé militants de l’UDPS/T et du PPRD au siège et aux alentours de l’Assemblée provinciale. Des effigies des candidats à l’élection des gouverneurs de province furent déchirées et brûlées à l’occasion, alors que certains des manifestants étaient copieusement passés à tabac et des voies de faits perpétrés contre des élus. Notamment, le député provincial Lamuka et ancien gardien des Léopards football, Kidiaba Muteba, dont le véhicule fut caillassé par les manifestants. La police a fait recours aux gaz lacrymogènes pour disperser les militants et rétablir l’ordre public, à Lubumbashi aussi. Et les scrutins du mercredi 10 avril dernier se sont déroulés sous haute surveillance policière, selon des témoins. Parce que les militants de l’UDPS/T avaient promis de revenir pour empêcher l’élection du candidat du FCC.
Candidat UDPS/T, juste le nombre des voix des élus du parti
Comme à Kinshasa, l’UDPS qui alignait le ticket Coco-Jacques Mulongo-Barthémy Mumba Gama, n’a pas décroché la timbale, faute d’un nombre suffisant d’élus provinciaux. Mais les voix récoltées, 4 au total, correspondent néanmoins au nombre d’élus sur les listes du parti tshisekediste dans cette circonscription électorale. Il en est de même pour le candidat Jean-Claude Muyambo Kassa, qui s’en est tiré avec 11 voix sur les 11 possibles pour la plateforme Ensemble pour le Changement de Moïse Katumbi qui n’alignait pas plus d’élus provinciaux. Le vainqueur de la joute lushoise, Jacques Kyabula Katwe, a été élu haut la main avec 32 voix représentant le nombre des votants FCC.
La pression observée n’aura donc pas suffi pour démentir les statistiques tirées des résultats des provinciales du 30 décembre 2018. Même s’il apparaît que les organisateurs des manifestations à Kinshasa comme à Lubumbashi y ont fondé leurs victoires.
Kyungu : est pris qui croyait prendre ?
A Lubumbashi, particulièrement, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, le président provincial de Ensemble pour le Changement qui roule désormais pour le nouveau président de la République a trahi ces attentes peu démocratiques (autant que la corruption qu’il a dénoncée, sans nul doute) en déplorant le comportement des grands électeurs lushois qui se seraient fait accompagner de témoins jusqu’aux isoloirs. « Il comptait lui-même sur les mêmes élus pour voter contre les instructions de leurs partis politiques », explique au Maximum un élu FCC interrogé au téléphone à partir de Kinshasa. A défaut (pour lui ?) de faire capoter les opérations électorales.
Selon des sources à Lubumbashi, l’insécurité et les perturbations observées dans la capitale cuprifère ces derniers jours concouraient à terme à compromettre l’organisation de l’élection du gouverneur de province et de son adjoint. Et serait attribuable à l’ex. opposition à Joseph Kabila, qui se savait « mal barrée » comme on dit, longtemps avant les échéances de mercredi dernier.
Un communiqué de Ensemble pour le Changement publié après les scrutins, le même jour, dénonce le « silence coupable et complice des autorités ainsi que les rumeurs farfelues circulant dans le Katanga faisant état que le président Moïse Katumbi serait à la base de l’insécurité qui règne actuellement à Lubumbashi ». Qui serait plutôt « … l’œuvre des éléments Gédéon Kyungu qui opèrent sous les ordres de plusieurs caciques de l’ancien régime ». Des sources dans l’entourage de l’ancien chef de guerre converti en acteur politique répliquent en assurant du contraire. Ce sont des leaders de la plateforme katumbiste qui utilisent des lieutenants de l’ancien chef de guerre pour embraser le Katanga, selon elles.
En définitive, corruption et pression populaire, voire, terrorisme urbain, se seront neutralisés à l’élection des gouverneurs de provinces, mercredi 10 avril 2019 en RD Congo.
J.N.