Ancien ambassadeur, ancien patron des services de renseignements, mandataire public, porte-parole de la majorité présidentielle sortante, André-Alain Atundu Liongo est un acteur politique rd congolais que l’on ne présente plus à l’opinion. Sur les questions politiques nationales et internationales, l’homme distille des points de vue d’une rare pertinence, qu’il a partagés mercredi dernier avec une brochette de journalistes triés sur le volet. Tout ou presque a été passé en revue à l’occasion, des problèmes posés par la corruptibilité des grands électeurs, dont il a été un des dénonciateurs, mais également de la mesure, qu’il faut savoir observer dans l’examen de cette situation décriée à raison. Mais aussi du cléricalisme des princes de l’église catholique de son pays, de l’installation des nouvelles institutions de la République, de la moralité publique et de la loyauté, autant que des rapports entre le FCC et le CACH, les deux familles politiques qui devraient coaliser pour présider aux destinées de la RD Congo durant les 5 prochaines années.
Séjour étatsunien de Fatshi
Actualité oblige, le séjour étatsunien du président de la République a accaparé une partie des échanges entre Alain Atundu et ses hôtes du jour. Interrogé au sujet d’une certaine opinion soutenant la thèse selon laquelle le gouvernement Donald Trump s’emploierait à opposer le président de la République et à son prédécesseur pour mieux le manipuler. La réponse d’Alain Atundu est nette sur la question : les Etats n’ont que des intérêts ; chaque Etat défend et doit défendre les intérêts de ses populations. Les Américains défendent leurs intérêts et il est logique qu’ils essaient de tirer les draps du côté où ceux-ci penchent. Il revient donc aux Congolais, et en particulier à Félix Tshisekedi de défendre les intérêts de son pays, lui aussi, explique Atundu. «De toutes façons, dès que les Américains se rendront compte que Tshisekedi marche à l’encontre leurs intérêts, ils lui réserveront le même traitement qu’à Joseph Kabila. Il subira les mêmes sanctions », souligne Atundu.
L’ancien ambassadeur n’éprouve nul crainte relative à la perspective annoncée dans la presse ces derniers jours, d’une rencontre entre le président de la République et Martin Fayulu, le candidat malheureux à la dernière présidentielle qui conteste toujours les résultats de la présidentielle de décembre dernier. « Etre alliés avec le CACH ne signifie pas qu’il faut interdire à ce regroupement politique ou à Félix Tshisekedi de prendre des contacts politiques », avance-t-il. Parce que ce rendez-vous ne changera rien à la vérité des urnes qui reste celle que l’autorité compétente en la matière a proclamée. Les deux plateformes politiques alliées sont libres de tous contacts, même si une notion de respectabilité des engagements pris reste de mise, selon Atundu.
FCC – CACH
Encore faut-il s’assurer de l’existence d’un accord liant les deux parties. Sur la question, l’ambassadeur Atundu est resté énigmatique. «Il existe une volonté commune, un deal politique entre les Joseph Kabila et Félix Tshisekedi dans le cadre de l’alternance politique. «Dont il faut penser qu’il y ait un accord écrit», avance-t-il, sans trop se mouiller. L’alternance est un engagement, «nous sommes des partenaires par la force des choses. Non seulement par la volonté de nos leaders, mais aussi par la mathématique politique. Le FCC est majoritaire au parlement et cette majorité est en présence d’une mouvance présidentielle qui a, à sa tête, un chef de l’Etat pourvu des prérogatives que le FCC n’a pas. Il est donc de l’intérêt général que les deux forces majeures travaillent en intelligence. Il ne s’agit donc pas d’un syndicat de crimes, mais des nationalistes préoccupés par l’avenir de leur pays » estime Alain Atundu. Au sujet des dernières déclarations assorties de recommandations de l’archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo, la réponse est sans ambages : les prêtres devraient s’occuper des âmes des populations et laisser les questions politiques et de souveraineté aux acteurs politiques. Sur le sujet, Alain Atundu rappelle que même le Pape François désapprouve le cléricalisme, cette propension du clergé à donner des leçons et à s’exprimer avec autorité sur les questions de politique politicienne. La meilleure de façon de servir, c’est que chacun fasse ce qu’il a à faire, estime Atundu sur ce sujet.
Immoralité
De fil en aiguille se glisse la question de l’immoralité de la vie publique en RD Congo, dans laquelle les pères spirituels, prêtres, pasteurs, évêques, portent une responsabilité évidente, selon lui. Parce qu’il leur revient de soigner et d’éduquer les âmes, de former le citoyen vertueux à mettre à la disposition des décideurs politiques. S’agissant de la corruption, il vaut mieux éviter de condamner sur la base de présomptions, sans preuve. A cet égard, Alain Atundu estime qu’il est hors de question de jeter l’opprobre sur le sénat ou les gouverneurs de province au prétexte que les électeurs auraient été corrompus. «Tant qu’il n’existe pas de preuves irréfutables, ces institutions doivent bénéficier de la présomption d’innocence ». L’homme est pourtant connu pour compter parmi ceux qui ont dénoncé des faits de corruption dans le chef des élus provinciaux de la Mongala et ne nie pas les faits. J’ai déposé plainte devant l’autorité judiciaire compétente, qui doit apprécier. Mais on ne peut condamner l’ensemble des élus de toute la république, puisque des plaintes n’ont pas été enregistrées dans toutes les provinces dit-il. Alain Atundu estime que nul ne devrait se prévaloir de sa propre turpitude : crier à la corruption et ne pas aller jusqu’au bout en portant les faits dénoncés devant la justice. C’est la meilleure façon de moraliser la société, dit-il.
J.N.