En campagne électorale en décembre 2018, l’alors candidat à la présidentielle, Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi, avait promis de s’occuper prioritairement du dossier des tueries dont sont victimes les populations du Grand-Nord. En déplaçant à Goma l’Etat-Major Général des Forces Armées de la RD Congo (FARDC), s’il le fallait. On n’en est pas encore là, certes, mais le nouveau chef de l’Etat a décidé de prendre le taureau par les cornes au terme de 5 heures d’une réunion du Conseil National de Sécurité consacrée aux problèmes sécuritaires, mardi 19 février 2019. Le président de la République a formellement convié les notables Nande de Kinshasa à une réunion qui devrait se tenir incessamment. Avant une rencontre de plus grand format au Nord-Kivu même, à laquelle seront conviées toutes les forces vives de la Nation, en ce compris celles réfugiées à l’étranger : leaders politiques, notables, chefs coutumiers, représentants des confessions religieuses, etc. Il est demandé à chacun d’apporter son soutien patriotique à la résolution du drame qui sévit dans la région de Beni-Butembo depuis plusieurs années.
Dans cette région, l’enfer dure depuis 4 ans et les morts, des civils sans défense essentiellement, se comptent par centaines. Ils étaient tués à l’arme blanche au départ, par les rebelles ougandais de l’ADF et leurs alliés locaux qui écument la région depuis les années ’90. Ces derniers mois, les assaillants ne s’encombrent même plus d’assassinats en silence, ils assaillent carrément avec des armes à feu les agglomérations riveraines et même Beni, cette ville qui s’est développée à la faveur … des rébellions et des guerres d’invasion de la fin des années ‘2000.
Tous les observateurs en conviennent, même attribuées aux rebelles Ougandais de l’ADF, les tueries de Beni sont incompréhensibles sans des complicités locales. A Beni, des assaillants ont été maintes fois appréhendés par les forces loyalistes. Parmi eux se retrouvaient des autochtones recrutés de gré ou de force. De même qu’il est fait état de ‘‘relations d’affaires’’ maffieuses entretenues par les ADF avec quelques membres de l’élite locale. Certaines études faisant même état d’une lutte de leadership dans laquelle seraient impliquées aussi bien des politiques que des religieux du cru. Mais, même dans ces conditions de promiscuité, l’insécurité n’avait jamais atteint les proportions déplorées depuis ces 4 dernières années. Même pas lorsque la région, sous occupation rebelle, était dirigée par les coalitions rebelles pro-Ougandaises de l’ALC (Armée de Libération du Congo de Jean-Pierre Bemba) puis du RCD-K-ML d’Antipas Mbusa Nyamuisi, un natif de la région. Un semblant de stabilité avait alors été imposée dans la région qui a duré jusque vers fin décembre 2010, lorsque Mbusa s’était fait virer du gouvernement 1 + 4 de Joseph Kabila qu’il avait intégré consécutivement aux accords de Sun City de 2003.
Au plan politico-militaire, les tueries de Beni, c’est donc aussi une sorte de revendication de représentativité régionale et tribale : l’entrisme d’un leader Nande dans les institutions du pouvoir rend Beni ingouvernable. C’est le taureau que Fatshi doit prendre par les cornes dès ce week-end.
J.N.