La coalition électorale Lamuka, devenue une coalition contestataire depuis la proclamation des résultats de la présidentielle rd congolaise du 30 décembre 2018, a engrangé ses premiers points dans sa guerre pour le rétablissement de sa vérité des urnes. Samedi 2 février à la Place Ste Thérèse de Ndjili à Kinshasa, Fayulu et ses soutiens ont animé un meeting populaire qui a drainé un public estimé à 3.400 personnes, selon les chiffres non contestés jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse (2.500 selon des sources indépendantes). Le progrès est indéniable, Lamuka étant de la sorte passé de « quelques dizaines » de combattants rassemblés devant le siège du MLC sur avenue de l’Enseignement dans la commune de Kasavubu, le 21 janvier dernier, à quelques milliers, donc.
Mais ce fut au prix de nombreuses entorses aux lois et règlements en vigueur dans le pays, même si ce ne sont pas les moyens qui ont fait défaut. De l’argent, beaucoup d’argent a coulé, pour déplacer 3.400 des 12 millions de kinois, dont au moins 4 millions d’électeurs attribués à Fayulu.
Selon les rapports de police, les organisateurs du meeting de Ndjili Sainte Thérèse ont enfreint les dispositions arrêtées de commun accord en organisant une caravane de mobilisation partie de Masina sur la route de l’aéroport international de Ndjili jusqu’au Pont Matete avant de se rendre au lieu du rendez-vous à la Place Ste Thérèse. L’objectif évident de cette entorse qui a pour effet d’étendre la manifestation politique au-delà du périmètre « encadré » et « maîtrisé » par les forces de l’ordre était sans doute de drainer davantage de participants vers le lieu du meeting. Parce qu’il n’y en avait pas toujours assez, explique-t-on.
Appels à la haine ethnique
Des appels à la haine ethnique et tribale ont par ailleurs ponctué le meeting. Ils fusaient des rangs des combattants Lamuka, sans que M. Fayulu ne s’en offusque outre-mesure. Son (bientôt ex ?) allié le MLC de Jean-Pierre Bemba et la société civile les ont par contre condamnés sans ambages avant d’appeler Martin Fayulu à en faire de même, lundi 4 février 2019. En vain.
Mais ce ne fut pas tout, samedi dernier. A Ndjili, de nombreux mineurs âgés de 15 ans et moins avaient été rameutés pour garnir les colonnes des combattants Lamuka. La police ainsi que certaines Ong s’en sont plaints : pour atteindre ses objectifs politiques, le candidat malheureux à la présidentielle de décembre dernier et ses soutiens n’ont pas hésité à faire recours à une catégorie sociale protégée car très vulnérable, les enfants, pourtant connus « pour ne pas savoir ce qu’ils font », comme on dit. La pratique ressemble à s’y méprendre à la conscription d’enfants soldats, un crime contre l’humanité sévèrement puni par la justice internationale dont se sont déjà rendus coupables de nombreux acteurs politiques rebelles en RD Congo avant Martin Fayulu.
De nombreuses autres entorses aux lois de la République ont jalonné la prestation opposante de Ndjili Ste Thérèse, samedi 2 février 2019. Notamment, l’agression de représentants de la presse présentés comme hostiles à la coalition née à Genève en novembre dernier. Au moins un cameraman d’Afrika TV a ainsi vu son véhicule caillassé par des manifestants, et un autre, proche du présentateur Eliézer Ntambwe, carrément molesté. Il est reproché à son patron d’avoir traversé la rue de Lamuka à CACH (Cap pour le Changement, du tandem Tshisekedi-Kamerhe).
Manifestation grassement sponsorisée
Des observateurs indépendants l’ont noté. La prestation de la coalition Lamuka fut digne de ses sponsors, en termes de moyens financiers mis en jeu. Jusqu’autour de 12 heures, samedi dernier, des dizaines de motocyclistes faisaient gaiement la queue devant le siège du MLC sur avenue de l’Enseignement, dans l’attente du carburant et de l’obole du jour avant de se rendre à Ndjili pour « remplir leur contrat ». Sur les lieux du meeting, affiches et banderoles de récente facture (après les élections) et de très luxueuse impression rivalisaient de couleur. Sans compter le podium et les installations de sonorisation, qui n’étaient pas à la portée de la première bourse venue.
Et cela s’est su tout de suite. Puisque quelques heures avant le meeting du 2 février, une de ses nébuleuses dites internationales dont les Congolais apprennent à découvrir la face hideuse et essentiellement prédatrice, la Fondation Mo Ibrahim, rendait public une sorte de rapport d’observation dénonçant la victoire de Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi à la présidentielle de décembre 2018. La stratégie visait à crédibiliser les revendications de Lamuka et de Martin Fayulu. Elle aurait été mieux perçue à Kinshasa et en RD Congo si la Fondation Mo Ibrahim n’avait pas été flanquée du sulfureux Alan Doss, l’ancien patron de l’ONU en RD Congo connu pour avoir orchestré la désintégration de l’opposition en lui désignant un « candidat unique » contesté en novembre dernier à Genève. Mais aussi, si la Fondation Mo Ibrahim n’était pas la même qui, fin avril dernier, conviait avec un sans-gêne à nul autre pareil Moïse Katumbi Chapwe à la cérémonie de remise du prix 2017 à Ellen Johnson Sirleaf à Kigali au Rwanda d’où sont parties la plupart des guerres d’agression dont le peuple a été victime ces dernières années. « Ce type a tout pour faire un bon politicien », avait cyniquement décrété le milliardaire d’origine soudanaise parlant du patron de « Ensemble pour le Changement » au sujet de l’ex. gouverneur du Katanga.
Pour le Congolais lambda Mo Ibrahim se révélait ainsi sous son vrai visage : celui d’un des principaux financiers de la croisade Lamuka contre tout pouvoir qui s’établira en RD Congo sans l’aval des impérialistes qui ont mis le pays sous coupe réglée pendant des décennies.
J.N.