C’est sur un extrémiste sans envergure a qui n’a rien à perdre avec le boycott que les invalidés et leurs maîtres à penser ont jeté leur dévolu
En deux mots comme en mille, dimanche 11 novembre 2018, le conclave d’un groupe de sept leaders de l’opposition politique radicale de la RD Congo convoqué à Genève par l’Américain Alan Doss a accouché d’une souris naine. C’est le restaurateur kinois, Martin Fayulu Madidi, président d’un minuscule parti politique n’ayant jamais réussi à faire élire plus de deux députés au parlement qui a donc été désigné « candidat commun » de cette opposition-là pour affronter le candidat de la méga plateforme joséphiste, Emmanuel Ramazani Shadary.
Dimanche dernier à Kinshasa, les conclusions de l’Hôtel Warwick de Genève où se sont tenus les travaux des conclavistes sous la direction d’Alan Doss et du dernier gouverneur du Katanga, ont provoqué une réaction de surprise générale dans l’opinion. Dans la mégapole rd congolaise, la partie de l’opinion proche des organisations politiques opposées à la majorité au pouvoir attendait des conclavistes qu’ils tranchent entre l’UDPS/T Félix Tshilombo Tshisekedi et l’UNC Vital Kamerhe, et imposent le soutien de tous à l’un ou l’autre de ces leaders politiques « significatifs » dans les rangs des radicaux.
Kamerhe – Tshilombo : les dindons de la farce
Déjà candidat à la présidentielle 2011, Kamerhe est crédité d’une indéniable assise électorale régionale dans son Kivu natal qui, quoique malmenée ces dernières années, tient encore la route. Tandis que l’héritier biologique d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, son fils Félix Tshilombo, peut revendiquer l’électorat ethnico-tribal qui n’a jamais fait défaut à son géniteur à Kinshasa, dans les parties lubaphones des Kasaï et dans une partie de l’ex Katanga. Las, à Genève, la bande des trois invalidés de l’élection présidentielle, Moïse Katumbi Chapwe (pour nationalité douteuse), Jean-Pierre Bemba Gombo (pour condamnation définitive par la CPI) et Adolphe Muzito (conflit d’intérêt avec son parti le PALU qu’il n’avait pas quitté) et leurs mentors occidentaux en ont décidé autrement.
Des signaux de ce choix bizarre du trio des candidats invalidés à la présidentielle 2018, qui apparaissent plus nettement depuis dimanche après-midi, étaient perceptibles depuis plusieurs jours.
Mardi 30 octobre 2018, le tandem katumbiste Jason Stearns-Olivier Kamitatu avait publié, à grand renfort de publicité dans les médias dits mondiaux, les résultats d’un sondage, un de plus, opportuniste à souhait. Au-delà de quelques vraisemblances, l’ouvrage taillé sur mesure avec la particularité de suggérer que Martin Fayulu, le « candidat commun » de Genève, avait réussi une percée dans son Bandundu d’origine au point de devancer, dans cet ensemble géographique éclaté en 3 provinces autonomes où il n’a jamais arraché le moindre siège électoral, les Mabaya Gizi Amine, Freddy Matungulu ou Kin Kiey Mulumba, également candidats à la prochaine élection présidentielle.
Sondages Berci : signes avant-coureurs
Les résultats des sondages GEC-BERCI étaient de toute évidence destinés à préparer l’opinion aux conclusions du fameux conclave de Genève, estiment aujourd’hui certains observateurs. Autant que cette sortie médiatique du katumbiste Muhindo Nzangi, 24 heures plus tard. « Pour nous le G7, le candidat commun c’est Martin Fayulu » déclarait-il à la presse le 31 octobre dernier, révélant ainsi à des collègues rassemblées au parlement que le restaurateur kinois créerait la surprise en arrachant le soutien de Jean-Pierre Bemba et de Moïse Katumbi.
Les informations en provenance de Suisse indiquent qu’au cours des 3 jours d’intenses discussions à l’Hôtel Warwick, Katumbi, Bemba et Muzito ont pesé de tout leur poids pour écarter les deux candidats plus ou moins crédibles que sont Vital Kamerhe et Félix Tshilombo Tshisekedi de la course à la candidature unique de l’opposition. Et réduire ainsi à néant les chances de participation au scrutin d’une opposition au sein de laquelle le trio ne se console visiblement pas de ne plus avoir les premiers rôles, ainsi que l’ont attesté les dernières manifestations publiques à Kinshasa et dans certaines provinces de la RD Congo.
Le candidat qui n’a rien à perdre
Un cadre du G7 qui s’exprimait sous le sceau de l’anonymat au Maximum dimanche soir ne s’en cachait pas : « les plus grandes qualités de Martin Fayulu, c’est qu’il ne fera jamais ombrage au leadership des candidats exclus de la présidentielle de décembre prochain, et qu’il n’a rien à perdre en se faisant battre par le candidat du Front Commun pour le Congo, ce qui en fait un instrument de prédilection pour perturber le processus ». Force est d’en convenir. Dans les travées de l’opposition, ce patron d’un minuscule parti politique l’Ecidé (créé en 2009), qui n’a jamais aligné plus d’un élu en dehors de sa propre personne, est réellement un poids mouche. Sans doute conscient de ce problème d’envergure qui lui colle à la peau, Fayulu s’était investi ces dernières années dans la création d’une multitude de plateformes politiques susceptibles de lui permettre de noyer son déficit criant de visibilité et se confectionner artificiellement une « carapace » à la dimension de ses ambitions petites-bourgeoises démesurées.
En 2013, Martin Fayulu s’était juché à la tête d’un fantomatique regroupement politique baptisé « Forces Acquises au Changement (FAC) », une plateforme dont l’objectif était de rassembler de jeunes turcs aux dents longues comme lui en quête de repositionnement, dont le porte-parole n’était autre que Jean-Pierre Lisanga Bonganga, un candidat malheureux aux législatives 2011 dans la capitale qui a depuis, viré sa cuti et rejoint les joséphites au gouvernement tout en refusant d’adhérer formellement au Front commun pour le Congo dans le but de faire monter les enchères. Deux ans plus tard, le patron de l’Ecidé s’arrimera à la Dynamique de l’Opposition, une plateforme tout aussi fantomatique créée de toutes pièces dans le sillage des manifestations de Janvier 2015 à Kinshasa pour « empêcher Kabila de violer ou modifier la constitution », sous l’aile protectrice de… Vital Kamerhe et l’UNC.
D’une plateforme à une autre : la fable de la Grenouille …
Mais entre l’Ecidé et l’UNC, ce ne sera pas l’amour parfait. Kamerhe « dégoûté par les complots et les intrigues infantiles au sein de la DO », selon les mots d’un de ses lieutenants quitte la barque, abandonnant les commandes à Martin Fayulu qui devient alors le commandant de bord d’une barque vidée de son contenu. Candidat président de la République pour le compte de la Dynamique de l’opposition, Fayulu n’en peine pas moins à ratisser plus large que nature. Ces prétentions aux législatives 2018, concomitamment avec sa candidature au ‘top job’ l’attestent. Le volubile patron de l’Ecidé n’aligne du reste que 98 candidats députés nationaux sur les 500 sièges que compte la chambre basse du parlement, dont ; 52 candidats députés à Kinshasa, 15 au Kwilu (sur 29 sièges), et 17 au Kongo-Central. Le flamboyant « candidat de Genève » se révèle particulièrement avare au Kwango où il n’a pensé à aligner que 5 candidats députés nationaux (sur 12 sièges), faisant carrément l’impasse sur les circonscriptions de Kahemba, Kasongo-Lunda, Kenge, Kenge Ville et Popokabaka. C’est encore pire dans une autre province issu du démembrement de son Bandundu natal, le Maï-Ndombe où la Dynamique de l’opposition n’aligne que… 1 seul candidat député à Mushie. Dans l’ex Equateur, la plateforme n’a lancé que 8 gaillards en tout et pour tout. A Bolomba, Bomongo, Ingende, Lukolela, Makanza, Bongandanga, Bumba, Lisala, Lisala Ville, Bosobolo, Businga, Gbado Ville, Mobayi Mbongo, Gemena, Gemena Ville, Zongo Ville, Befale, Boende, Boende Ville, Bokungu, Djolu, Ikela, Monkoto … le candidat commun à la présidentielle de l’opposition radicale, Martin Fayulu, et sa plateforme sont inconnus au peloton. Malgré ce tableau électoral peu reluisant, c’est sur lui que les candidats invalidés à la prochaine présidentielle ont jeté leur dévolu. Avec en perspective un échec certain et une contestation rituelle de la victoire ainsi offerte au Front Commun pour le Congo avec l’espoir de tout remettre à plat et instaurer un nouveau processus électoral ou une nouvelle période de transition.
C’est ce dont sont persuadés la quasi-totalité des observateurs du coup de théâtre de l’Hôtel Warwick à Genève en Suisse.
J.N.