Adulé ou détesté, la grande nouvelle structure politique du président Joseph Kabila Kabange, le Front Commun pour le Congo (FCC) a réussi un grand coup à l’occasion de sa toute première manifestation publique, samedi 27 octobre 2018 au Stade Tata Raphaël à Kinshasa. Toute la polémique et toutes les discussions sur le sujet resteront, comme on dit dans le jargon des fidèles croyants, « sans effets » désormais. Samedi dernier, le rassemblement monstre du stade de football de la commune de Kalamu n’a laissé personne indifférent. Qu’on l’ait souhaité ou non.
Pourtant, tout avait été mis en œuvre pour limiter au strict minimum de possibles désagréments ou débordements. Oui, des débordements étaient à craindre, selon les services de police et l’autorité urbaine, même si les organisateurs, tous au pouvoir en RD Congo, n’y avaient aucun intérêt. « Rappelez à vos militants que personne n’est au-dessus de la loi. Si la loi est respectée, tout va bien se passer. Sinon, les forces de l’ordre seront obligées de faire leur travail », avait conseillé le gouverneur de la ville aux responsables du FCC conduits par Néhémie Mwilanya, 24 heures plus tôt à l’issue de l’habituelle réunion de concertation en pareille circonstance à son cabinet de l’Hôtel de ville.
Kimbuta, prudent et prévenant
Ces derniers mois, les forces urbaines de sécurité et de maintien de l’ordre public, et par ricochet l’Hôtel de Ville, avaient engrangé des félicitations pour leur maîtrise dans la conduite des manifestations politiciennes. Il n’était pas question de déroger à cette ligne de conduite. « Les services de l’ordre sont instruits pour bien sécuriser votre événement, mais il faut les accompagner. L’exécutif provincial de Kinshasa va vous accompagner. C’est un grand baptême demain. Nous vous souhaitons pleins succès », avait martelé André Kimbuta Yango, lui-même membre du FCC.
Ce fut fait, avec une rare réussite. Tôt le matin, le stade Tata Raphaël et alentours étaient quadrillés, systématiquement. Même si on ne les apercevait pas, on sentait la présence d’éléments PNC, en tenue ou plus discrets, en tenue de Monsieur tout le monde. Il valait mieux faire dans la discipline, ou retourner tranquillement chez soi. A la place de la Victoire à Matonge, au moins 2 véhicules blindés de la police stationnaient stoïquement depuis les premières heures de la matinée, samedi dernier. Autant que sur le boulevard Triomphal plus loin, devant le Palais du Peuple, et stade des Martyrs, quasiment réquisitionné pour la circonstance en raison de ses immenses espaces de parking, sans doute. Il y avait de quoi : la veille, à l’issue de la marche des contestataires de la machine à voter sur le boulevard triomphal, des manifestants, brandissant des drapeaux de partis politiques, avaient trompé la vigilance de la police et transgressé les limites convenues avec les organisateurs. La police les avait interceptés dans la commune de Lingwala, à la hauteur de l’avenue Mushie, fonçant vers le centre-ville, selon les rapports des services du chef de la police de Kinshasa, le général Kasongo Kitenge Sylvano.
Atmosphère bon enfant
Samedi cependant, l’atmosphère était plutôt bon enfant. Dès 9 h 00, par groupes chantant et scandant à la gloire de leurs leaders respectifs, arborant T-Shirts, drapeaux et banderoles aux couleurs des partis et regroupements politiques membres du FCC, les manifestants affluaient vers le stade. Une heure plus tard, l’antre sportif de la commune de Kalamu était joliment décoré aux multiples couleurs des drapeaux flottant au vent et progressivement investie de milliers de manifestants accueillis dans avec ferveur par des groupes musicaux déversant des décibels à tout rompre. Une heure et demie plus tard, vers 10 h 30, le stade Tata Raphaël refusait du monde qui continuait pourtant d’affluer des quatre coins de la ville. La mobilisation avait plus que réussie, et la manifestation prévue pour ne durer qu’1 heure, pouvait commencer. « A tous ceux qui n’ont jamais géré même une avenue, le monde est plein de parleurs mais très mauvais gestionnaires. L’intelligence n’est pas transférée de celui qui dirige vers celui qui crie … », pouvait se permettre d’affirmer Julien Paluku Kahongya, le gouverneur FCC de la province du Nord-Kivu. Sans crainte d’être démenti.
A 11 h 30, après l’entrée très applaudie du député national Emmanuel Ramazani Shadary, candidat du FCC pour la présidentielle, le pasteur Théodore Mugalu, un proche de Joseph Kabila dit la prière d’ouverture du meeting. Geneviève Inagosi lui succède au micro pour exalter le soutien des femmes à la candidature du FCC à la prochaine présidentielle, qui est un choix du Raïs Joseph Kabila, rappelle-t-elle. Viennent ensuite les tours de Néhémie Mwilanya, qui explique le bien fondé du choix présidentiel ; d’Aubin Minaku, le secrétaire général de l’Alliance de la Majorité Présidentielle la principale composante du FCC qui prononce un mot de circonstance ; puis Bruno Tshibala, le premier ministre du gouvernement d’union et autorité morale de l’APCO, à qui revenait la charge de présenter aux dizaines de milliers de manifestants qui ont envahi les gradins et espaces libres du stade, Ramazani Shadary.
Shadary : nous allons gagner à tous les niveaux
« Nous ne sommes pas encore en campagne électorale », rassure le candidat du FCC à la prochaine présidentielle. « Mais je vous assure que nous allons aux élections dans quelques jours, le 23 décembre 2018, et nous allons les gagner haut la main et à tous les niveaux, parce que nous nous y sommes préparés en conséquence », ponctue-t-il sous les ovations du public. Dans la foulée, Emmanuel Ramazani Shadary annonce l’acceptation par le FCC de la machine à voter mise en œuvre par la CENI. Il est suivi par l’assistance qui reprend en chœur l’appui à cette technologie de rationalisation du processus électoral.
Auparavant, le candidat du FCC à la présidentielle de décembre prochain avait remercié et rendu hommage au président Joseph Kabila pour le choix porté sur sa personne et remercié le FCC, pour le soutien et pour la mobilisation du jour. Une heure plus tard, à 12 h 30’ piles, le meeting était terminé et tout le monde pouvait retourner chez lui. Mais ça, ce fut une autre paire des manches.
Jusque 17 heures, plus de 4 heures après la clôture de la manifestation donc, le boulevard Lumumba, l’avenue de l’Université et la quasi-totalité des avenues alentours du stade Tata Raphaël jusqu’à la hauteur de l’aéroport de Ndolo dans la commune de Barumbu régnaient embouteillages monstres et foules amassées aux arrêts de bus. Un rapport de police publié dans la soirée en a donné l’explication, pourtant simple : « Le commissariat provincial de la police ville de Kinshasa informe les kinoises et kinois que le meeting organisé par le Front Commun pour le Congo au stade Tata Raphaël s’est déroulé sans incident de 10 h 30’ à 12 h 30’. Les éléments de la police commis à la sécurisation de cette activité ont encadré de manière professionnelle les 180.000 militants à l’intérieur et aux alentours du stade. Avant, pendant et après le meeting. La police n’a fait l’objet d’aucune provocation », apprend-on de ce communiqué signé du Général Sylvano Kasongo. Il y avait de quoi : plus de 100.000 personnes, ça ne s’écoule pas comme les 4.000 manifestants de l’opposition qui, la veille, avaient pu aussitôt être noyés dans le train-train exubérant des quartiers d’ambiance kinois de Kalamu et de Kasavubu.
Tata Raphaël : le double de l’affluence normale
Le premier à lancer une estimation chiffrée de l’affluence, samedi dernier, fut le daringman Aubin Minaku Ndjalandjoko. Le président de l’Assemblée Nationale et secrétaire général de l’Alliance de la Majorité Présidentielle, dirigeant sportif actif et influent, sait de quoi il est question lorsqu’il s’agit de faire le plein d’un stade de football. « Je pense que c’est bien plus de 80 ou 90.000 participants », a-t-il confié à la presse. Aucune exagération pour ceux qui connaissent les exploits d’affluence du stade Tata Raphaël, arbitrairement ramenés à 50.000 places. L’antre du football de la capitale rd congolaise pointe à la 14ème place des affluences lors de combats de boxe à l’échelle mondiale. Le 30 octobre 1974, le combat dit du siècle qui opposa Mohamed Ali à George Foreman avait enregistrée plus de 60.000 entrées, selon les chiffres de Don King, l’organisateur du big Event. Mais il s’agit là des places numérotées sur les gradins notamment, après que le Maréchal Mobutu eût fait réfectionner le stade construit par Raphaël de Kethule quelques dizaines d’années plus tôt. C’est à peine s’il ne faut pas doubler ces chiffres officiels classiques par deux, lorsque les kinois envahissent Tata Raphaël pour des matchs d’envergure comme Vclub-Dcmp, Mazembe-V.club ou encore lorsque l’équipe nationale y évolue. A Kinshasa, tous les amoureux du ballon rond ont l’expérience des gradins bondés à ras le bord, dont il est impossible de sortir avant le coup de sifflet final. Parce qu’il n’y a point de passage.
Plus de 100.000 personnes au meeting du FCC, le regroupement politique de Joseph Kabila a réussi sa démonstration de force.
J.N.