Début mars 2018, dans un hôtel de la banlieue de Johannesburg en Afrique du Sud était née une nouvelle plateforme politique, Ensemble pour le Changement, de l’alors candidat à la présidentielle 2018, Moïse Katumbi Chapwe. Le nouveau regroupement lancé en l’absence notable de l’UDPS/Limete de Félix Tshilombo Tshisekedi ne réunissait que le G7, ce groupe de 7 partis politiques qui avaient quitté la Majorité Présidentielle quelques années plus tôt, ainsi que l’Alternance pour la République, une petite plateforme dirigée par l’Envol Delly Sessanga. « Nous livrerons la bataille de l’alternance et nous la gagnerons », assurait alors, sûr de lui, le dernier gouverneur de l’ex. Katanga devant un parterre de partisans conviés express de Kinshasa et de Lubumbashi, « blanchis et nourris » pour le désigner candidat président de la République.
Aujourd’hui, quelque 7 mois après, tout indique que « Ensemble pour le changement » ne gagnera nullement la bataille que ses membres ont annoncé à cor et à cris. La plateforme qui a fait de la participation de son chairman à la présidentielle du 23 décembre 2018 un véritable ‘casus belli’ accuse d’irréparables fissures à l’approche des scrutins auxquels cadres et dirigeants des partis politiques qui le composent se sont d’ores et déjà engagés. Impossible de reculer sans perdre la face et les sympathisants, eux, n’entendent pas ne pas voter.
Meeting du 29 septembre : union sacrée de façade
Le meeting de l’union sacrée de l’opposition, le 29 septembre 2018 sur les bords du boulevard triomphal à Kinshasa en a donné quelques indices. L’union tant vantée ne fut que de façade. De lieutenants katumbistes, on en a pas beaucoup vu, ni entendu. Seul le truculent Jean-Bertrand Ewanga Is’Ewanga, l’ex PPRD passé par l’UNC avant de se faire littéralement débaucher par le richissime ex gouverneur, a crevé l’écran. En assurant la modération d’un meeting empli en grande partie de combattants UDPS/Limete, résolument portés vers les prochaines élections, derrière leur leader, Félix Tshilombo Tshisekedi. Même si le premier des lieutenants katumbistes, Pierre Lumbi Okongo, était visible à la tribune érigée pour la circonstance, il n’a pipé mot au cours de ce meeting entièrement consacré à l’union de l’opposition à la prochaine présidentielle. Sans doute pour ne pas avoir, comme le claironnent de plus en plus faiblement les caciques du G7, à conditionner la participation de cette plateforme à la présence de l’ancien gouverneur du Katanga.
Dans la réalité aussi, le cœur n’y est vraiment plus, même parmi les lieutenants les plus engagés de Moïse Katumbi, à l’instar du volubile avocat Delly Sessanga et de son discret voisin de tribu dans les provinces kasaiennes, André-Claudel Lubaya.
Mardi 2 octobre 2018 au cours d’une rencontre avec les jeunes d’Envol, le parti politique de Delly Sessanga, l’abcès a été littéralement crevé, sans faux fuyant. Bruce Bosuma, ci-devant président de la ligue des jeunes du parti de Sessanga, qui tenait meeting dans la salle des fêtes de l’hôtel Apocalypse sur boulevard à la hauteur du quartier 1 dans la commune de Ndjili, a sonné le glas de l’unité du regroupement derrière Moïse Katumbi. « Non à la distraction ! Oui aux élections ! », a-t-il clamé haut et fort devant les militants du parti rassemblés pour la circonstance. Ce ne furent pas des paroles en l’air, ni totalement insensées. « La jeunesse doit se méfier des leaders de l’opposition parce que ce sont les jeunes qui meurent lorsqu’ils organisent les marches et les meetings et, ce sont ces mêmes jeunes qui ne se retrouvent jamais lorsqu’ils vont négocier avec le pouvoir. Donc aujourd’hui, allons aux élections et ne servons plus de chair à canon pour qui que ce soit », a expliqué le président de la ligue sessanguiste, dans un tonnerre d’applaudissements.
Sessanga et l’Envol s’envolent
A la réunion des jeunes d’Envol, mardi dernier, il n’y eut pas de concession en faveur de qui que ce soit. « Kabila n’a pas brigué un troisième mandat, nos leaders n’ont plus d’arguments, ils nous embrouillent, maintenant c’est Ramazani Shadary, le candidat du FCC la cible, mais que faisons-nous concrètement sur terrain pour gagner les élections ? Ils sont incapables de désigner un candidat commun. Dans ces conditions comment les gagner ? », assénait encore Bruce Bosuma.
Du côté de l’UNC, on dénonce une tentative de coup d’Etat lors du meeting du 1er octobre. En effet, l’ancien premier ministre PALU Adolphe Muzito a feint un lapsus, en annonçant déjà le consensus autour de la candidature de Félix Tshilombo Tshisekedi alors que, les pourparlers n’avaient pas encore eu lieu ! Comme pour mettre Vital Kamerhe devant un fait accompli.
L’on se souviendra dès lors des élections de 2011, où l’opposition n’avait pu s’accorder autour d’une seule candidature. Kamerhe et le père de Tshilombo, Etienne Tshisekedi, étaient respectivement arrivés en deuxième et troisième position derrière Joseph Kabila. C’est d’ailleurs l’argument de l’ancien speaker de l’Assemblée nationale pour qui « en 2011, j’étais 3e derrière Kabila qui ne peut plus participer pour cause de délimitation de mandat. Etienne Tshisekedi est décédé depuis janvier 2017 ». La logique serait donc de miser sur lui, d’autant plus, ajoute-t-il qu’il est détenteur d’un diplôme universitaire « en bonne et due forme » (allusion aux rumeurs de faux diplômes attribués à Félix Tshilombo Tshisekedi), qui a l’expérience de la campagne présidentielle et est à l’aise dans l’exercice de hautes fonctions d’Etat.
André-Claudel Lubaya opposé au report des élections
Toute aussi révélatrice des fissures dans la détermination des katumbistes à s’opposer aux scrutins de décembre si leur mentor n’y prenait pas part est cette sortie d’André-Claudel Lubaya, qui a carrément accusé la CENI de fomenter un report des élections. Le président de l’UDA Originel et de l’Alliance des Mouvements du Kongo, une plateforme qui aligne quelques 400 candidats aux prochaines législatives nationales, réagissait à une correspondance à l’Assemblée Nationale suggérant de postposer le rendez-vous de décembre prochain attribuée au bureau de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui, dans un communiqué officiel daté du mardi 2 octobre dans la journée a démenti formellement l’existence d’une telle missive. Mais c’était du pain béni pour l’ancien gouverneur de l’ex Kasai Occidental qui avait déjà sauté sur l’occasion pour accuser la CENI de lui ôter du pain de la bouche, pour ainsi dire. « Aucun candidat n’a suffisamment de légitimité populaire pour cautionner un report des élections », a martelé dans un posting sur son compte Twitter Lubaya, malgré ce démenti. Même pas Moïse Katumbi, donc. Ensemble pour le changement, le navire lancé à Johannesburg en mars dernier, prend donc manifestement eau de toutes parts. Sérieusement.
J.N.