Devant les deux chambres du parlement réuni en congrès à son initiative, jeudi 19 juillet 2018, c’est un Joseph Kabila serein et confiant qui s’est adressé à la Nation. Dans la salle des congrès du Palais du Peuple pleine à craquer et plutôt électrisée par les enjeux politiques en cours, le président de la RD Congo a pris soin de décrisper tout ce beau monde. « D’après ce que je sens, il y a une petite tension dans la salle », a-t-il lancé à l’auditoire toute ouïe, en guise d’introduction. Et il y avait de quoi l’être, ainsi que l’avait reconnu quelques instants plutôt, le président du bureau du congrès, Léon Kengo wa Dondo, en déclarant que « le peuple Congolais a hâte d’écouter (le président de la République) à quelques mois des élections ». Poursuivant, Joseph Kabila détendait encore plus l’assistance : « Je sais pourquoi il y a une petite tension. C’est parce qu’il y a dans cette salle ceux qui pensent qu’impérativement, je dois dire, ‘Mesdames et Messieurs, comprenez mon émotion’ … ». Ce fut suffisant pour détendre l’atmosphère et donner le ton qui marquera l’ensemble du discours de quelque 50 minutes : « Je ne dirai pas ‘comprenez mon émotion’. Je vous exhorterai plutôt à comprendre mon amour pour le Congo », a dit Joseph Kabila avant d’entrer dans le vif de son sujet.
Bilan succinct
En fait de vif de sujet, le Chef de l’Etat a brossé un bilan succinct de l’Etat de la RD Congo depuis 1998, relevant les progrès accomplis par un pays qui était voué à la disparition en tant que Nation et en tant qu’Etat, avant de dégager les perspectives, avec optimisme.
Sous les coups de boutoir d’agressions militaires et de rébellions à répétition, la RD Congo était la risée du monde, un pays dont on ne parlait plus qu’au passé, et voué à la disparition en tant qu’Etat en 1998. 20 ans après, en 2018, il a su rebondir en tant qu’Etat moderne et démocratique, et devenir le centre de toutes les convoitises, d’intrigues diplomatiques et de complots de toutes sortes. Remerciant les rd congolaises et les rd congolais pour les difficultés endurées avec courage et détermination, Joseph Kabila les a également chaleureusement félicités : « Nous avons réunifié notre pays qui était divisé », a-t-il déclaré. Avant de retracer le chemin parcouru pour reconstruire l’édifice, en partant de l’adoption d’une nouvelle constitution de la République, en oeuvrant par la suite à la mise en œuvre du dispositif institutionnel prévu par ladite constitution (la décentralisation territoriale, l’éclatement de l’ancien ordre juridictionnel, la réforme de l’administration publique, ainsi que des réformes d’amélioration de la gouvernance en général).
Pays menacé de disparition
Pour lutter contre la pauvreté et les inégalités sociales héritées de la IIème République et des années de guerre, des conditions de redécollage économiques ont été créées pour sortir du gouffre de la dépréciation monétaire et du déficit chronique du compte général du trésor. « Le budget de l’Etat se chiffrait à 300.000 USD en 2001. Au moment où tout était à reconstruire », a expliqué Joseph Kabila. Indiquant qu’un programme économique indicatif a été mis en œuvre, qui a permis d’engager les réformes de la première génération et un plan de reconstruction national mobilisateur autour des priorités relatives aux infrastructures de base, à l’éducation, à la santé, au logement, à la desserte en eaux et électricité.
Il fallait dans le même temps œuvrer à la restauration de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue de l’immense territoire nationale. Un programme de restauration-réhabilitation de 27.000 km de routes a été mis sur pied, qui se poursuit. Mais également des travaux d’amélioration de la navigation sur le fleuve Congo, la relance du trafic ferroviaire, de la compagnie aérienne nationale, du parc automobile des transports en commun.
Efforts de relance
D’importants efforts de réduction du déficit énergétique ont été fournis à travers différents chantiers de réhabilitation d’infrastructures existantes, d’implantation de micro centrales hydro-électriques, ainsi que la construction des barrages de Zongo, Kakobola, Katende dont les travaux arrivent à terme.
Dans le domaine économique, Joseph Kabila a également fait état des réformes structurelles engagées pour permettre la participation du secteur privé à l’effort de développement national, notamment la restructuration des entreprises publiques, la promulgation d’un nouveau code des investissements, de la loi sur le commerce, afin d’assurer l’amélioration du climat des affaires et ainsi attirer l’investissement étranger et privé.
Des réformes courageuses qui ont débouché sur des résultats concrets sur le PIB et sur la croissance économique du pays. Cette dernière, qui se situe aujourd’hui à 4,2 %, est supérieure à la moyenne en l’Afrique subsaharienne qui est de 2,3 %. Le budget de l’Etat est passé de 25 millions USD en 1960, à 581 millions en 1997, et à 4,6 milliards en 2018. Les réserves de change qui se chiffraient à 62 millions USD en 1960, se situaient encore à 62,8 millions USD en 1997. Elles se chiffrent à 1,450 milliard en 2018. Quant au déficit budgétaire, « il est totalement résorbé », a annoncé le président de la République, indiquant que ces efforts de maîtrise du cadre macro-économique ont eu un impact positif sur la situation de la masse laborieuse.
Résultats encourageants
Autres résultats encourageants : la desserte en eau potable, qui est passée de 45 % en 2004 à 53 % en 2017 ; l’accès à l’enseignement primaire et secondaire, passé de 10 millions d’enfants scolarisés en 1997 à 22 millions en 2018. Mais également le taux des télécommunications, passé de 5 % en 2001 à 50 % de la population couverte en 2018, le nombre d’abonnés croissant pour sa part jusqu’à 36 millions. Le taux de chômage de la population active a été réduit de 15 %.
Néanmoins, beaucoup reste encore à faire, a reconnu le Chef de l’Etat qui a déclaré que les conditions sociales de la population doivent être placées au centre de toutes les politiques à venir en RD Congo. Pour ce faire, il est urgent de maîtriser la croissance économique à travers une politique de planification familiale pour permettre l’accès aux dividendes démographiques. Les efforts dans le domaine de l’éducation doivent se poursuivre afin d’assurer l’amélioration et l’efficacité du système éducatif, et se conjuguer aux efforts de lutte contre le chômage des jeunes.
Avenir confiant
Quant à la croissance économique, elle sera tributaire de la diversification et de la relance de nouvelles filières de l’économie nationale, notamment : le développement de l’industrie ; la poursuite des réformes fiscales, de la modernisation des infrastructures économiques avec la construction d’infrastructures portuaires et aéroportuaires qui assurent le retour de la RD Congo dans l’économie mondiale grâce à ses exportations. C’est à ces conditions que le pays se mettra à l’abri des soubresauts du marché des matières premières, a ponctué Joseph Kabila.
Le domaine de la sécurité a cristallisé les préoccupations du président de la République durant 17 ans. Et il demeure une priorité qui s’explique par la situation géographique du pays, situé au cœur du continent africain et partageant ses frontières avec 8 voisins. La diversité des opinions, la pluralité des tribus qui constituent une richesse pour la RD Congo, sont pourtant les réalités sur lesquelles les ennemis se sont appuyés pour tenter de diviser, asservir et exploiter ses richesses. Pour faire face à la situation, Joseph Kabila prône une politique étrangère de bon voisinage, des relances empreintes d’ouvertures mais décomplexées avec tous les pays du monde, ainsi que la poursuite des réformes engagées depuis 2007 et la modernisation des forces armées et de police qui constituent un rempart contre toute agression de notre pays.
Evoquant l’administration de la justice en RD Congo, Joseph Kabila a déclaré qu’«il est temps que la soif de justice ressentie par notre peuple soit étanchée ». Indiquant qu’elle doit jouer le rôle de régulateur de la société en mettant fin à la banalisation des valeurs essentielles qui la fondent.
Pas de leçons à prendre
Le discours sur la Nation du 19 juillet 2018 s’est clôturé par les considérations d’ordre politique qui ont permis à Joseph Kabila de révéler le fonds de sa pensée idéologique. La démocratie, le patriotisme et l’indépendance nationale sont les idéaux hérités des pères de la Nation Congolaise, qui visent à assurer la participation de tous à la vie publique afin de libérer les énergies en vue du développement national, a expliqué le président de la République, attirant ainsi l’attention des donneurs de leçons. « Le Congo n’ayant jamais donné des leçons, n’est pas disposé à en recevoir. Surtout pas de la part de ceux qui ont assassiné la démocratie dans ce pays », a clamé Joseph Kabila à ce sujet. Assurant que ni les insinuations gratuites, ni les accusations infondées et encore moins les sanctions arbitraires et injustes ne nous détourneront de la voie que nous nous sommes tracé. « Le cap sur les élections est maintenu. Notre engagement à respecter la constitution demeure », a encore dit le Chef de l’Etat, expliquant qu’il s’agit pour nous d’honorer le sens de notre lutte, ce pourquoi nous nous sommes engagés, à savoir, redonner la parole à notre peuple pour rebâtir notre pays.
C’est pour cela qu’il a été décidé d’affranchir le processus électoral des financements extérieurs et partant, des chantages de toutes sortes. « Désormais, les élections seront réellement une affaire de souveraineté nationale et à financer entièrement par l’Etat congolais », a déclaré Kabila. Expliquant néanmoins que ce n’est pas suffisance ni arrogance, mais que c’est une option politique qui vise à assurer la dignité nationale. Le président de la République en appelé à la vigilance de tous les Congolais pour les élections de décembre prochain soient accessibles à tous ceux qui en réunissent les conditions légales d’éligibilité et un moment de cohésion nationale.
« Si la traite négrière, la colonisation, les sécessions, les agressions et les multiples rébellions n’ont pas eu raison de lui, le Congo vivra à jamais comme Nation libre et comme Etat souverain et indépendant », a conclu Joseph Kabila sous les applaudissements frénétiques dans la salle des congrès du Palais du Peuple.
J.N.