La procureure de la Cour Pénale Internationale, Fatou Bensouda, a séjourné à Kinshasa du mardi 1er au 4 mai 2018 dans le cadre d’une mission officielle. Accueillie à l’aéroport international de Ndjili par Luzolo Bambi, le conseil spécial du président de la République chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent, le terrorisme, entre autres. Le décor était donc préalablement planté : à Kinshasa, pays qui collabore étroitement avec la CPI, la visite de la procureure de nationalité gambienne était bien une visite de renforcement de la collaboration judiciaire avec les autorités de la RD Congo. D’autant plus qu’au moins citoyens du pays de Lumumba, Jean-Pierre Bemba et Thomas Lubanga, comptent parmi les premiers condamnés de la Cour institué par le Statut de Rome.
Mais rien n’y a fait. Comme d’habitude, des acteurs politiques de l’opposition et de la société civile qui s’en réclame se sont lancés dans une campagne d’intoxication présentant le voyage de Fatou Bensouda comme une audience foraine pour juger et condamner les gouvernants actuels. Dans une déclaration, mercredi 2 mai 2018, l’Ecidé Martin Fayulu Madidi a instruit la procureure de la CPI de se saisir des cas de violations des droits humains, notamment, ce qu’il appelé « la séquestration par le pouvoir en place depuis plus de deux mois du corps de Rossy Mukendi » décédé en marge des manifestations de l’opposition le 25 février dernier. Président d’un petit parti politique (Engagement Citoyen pour le Développement) dont il est un des deux seuls élus nationaux sur toute l’étendue de la RD Congo, Fayulu se dissimule derrière une plateforme katumbiste, la Dynamique de l’opposition, « qui n’a de plateforme que le nom », selon le commentaire d’un combattant tshisediste de l’UDPS/Limete. Et ne loupe pas une occasion pour appeler toutes les foudres de la nature contre ses opposants au pouvoir à Kinshasa. Et se trompe lourdement de météo, à chaque fois.
A Kinshasa, la procureure de la CPI n’a jugé ni condamné personne. Ni parmi les gouvernants ni dans les rangs de l’opposition. Au terme d’une rencontre avec la ministre rd congolaise en charge des droits de l’homme, Marie-Ange Mushobekwa, Fatou Bensouda a expliqué qu’elle s’était rendue en RD Congo s’informer des procédures judiciaires nationales en cours en rencontrant les autorités concernées. « C’est aussi pour exprimer ma préoccupation au sujet des violences qui se déroulent dans différents endroits du pays. J’ai aussi l’opportunité de rencontrer la ministre Mushobekwa parce que son ministère est très important dans ce processus. Je suis là aussi pour reconnaître les efforts que ce ministère est en train de faire et aussi pour l’encourager pour que les droits de l’homme soient respectés dans ce pays », a-t-elle déclaré à un confrère en ligne. « J’ai décidé de venir, cela ne veut pas dire que je ne travaille pas avec les autorités du pays. J’envoie toujours mes équipes pour recueillir des informations et là j’ai décidé de venir moi-même. Nous allons continuer à travailler. Nous continuer à surveiller la situation », a-t-elle ajouté.
Reçue par le président de la République jeudi 3 mai 2018, la procureure de la CPI a été plus claire encore en évoquant la question des violences commises en RD Congo, l’état d’avancement des procédures judiciaires nationales ainsi la coopération entre le bureau de la CPI et la RD Congo. « J’ai alors demandé aux autorités congolaises de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des enquêtes véritables soient menées afin de faire la lumière sur les violences alléguées et de traduire en justice tous les acteurs impliqués dans leur perpétration. C’est en effet la responsabilité première des autorités nationales de mener des enquêtes véritables pour faire la lumière sur ces allégations, comme cela est prévu dans le statut de Rome ratifié par la RDC », a soutenu la procureure gambienne, restituant ainsi aux autorités rd congolaises l’initiative de toute enquête sur les crimes alléguées sur son territoire. Douche froide pour des radicaux décidément très peu avertis des relations entre Etats et organismes des Nations-Unies.
J.N.