Une succession de conseils de ministres extraordinaires dirigés par le Chef de l’Etat, Joseph Kabila en personne, ponctuée au milieu de la semaine dernière par une réunion du même conseil à Kingakati qui s’est étendue plus que de coutume, et les salons huppés de Kinshasa se sont mis en ébullition. Les spéculateurs de tous bords aussi. Lundi 16 avril 2018 dans la capitale rd congolaise, le climat politique était d’autant plus à la conspiration qu’un face-à-face présenté comme crucial entre Joseph Kabila et les députés de la majorité présidentielle était attendu. Le rendez-vous fixé auparavant le week-end dernier avait été reporté de quelques heures, alimentant davantage encore la psychose parmi dans la classe politique rd congolaise. Qui attestait ainsi sans s’en rendre compte à quel point elle était suspendue aux moindres faits et gestes du président de la République. C’est à peine si une révolution n’était pas attendue de la communication de JKK aux élus de sa famille politique.
Parce que depuis quelques jours, les spéculateurs annonçaient des nouvelles négociations secrètes entre le Chef de l’Etat et les radicaux de l’opposition. Dans les réseaux sociaux mais aussi dans la presse, particulièrement chez nos confrères de Top Congo FM et dans les colonnes d’un quotidien kinois ayant pignon sur rue, l’UDPS/Limete dont le président récemment élu était nommément cité par les spéculateurs, s’est même cru obligé de rendre public une sorte de démenti au sujet de ces tractations secrètes avec le pouvoir en place. Qui est apparu aux yeux de certains observateurs comme un appel du pied, une invitation de Joseph Kabila à négocier avec des radicaux de l’opposition pour obtenir une rallonge de la période pré-électorale dont il ne semble pas avoir besoin.
C’est ce qui ressort de la rencontre Kabila-députés MP et PALU, lundi 16 avril 2018 à la Cité de l’OUA sur les collines du Mont Ngaliema. L’autorité morale de la MP n’a fait état ni de quelconques tractations avec qui que ce soit, ni de formation de nouveau gouvernement. L’entretien fut une sorte d’écolage pour élus du peuple, ainsi qu’en atteste l’invitation des communicateurs de la famille politique joséphite, utilement associés au rendez-vous. Joseph Kabila a entretenu ses hôtes des questions sécuritaires, du financement des élections, de la conférence de Genève sur la crise humanitaire en RD Congo, et de la question de la nationalité qui fait rage dans l’opinion. Sur tous ces sujets, c’est un Kabila droit dans ses bottes et arcquebouté au front que communicateurs et élus MP-PALU ont découvert.
Comme au cours de son dernier point de presse, Joseph Kabila a peint la situation sécuritaire sur le territoire national, distinguant nettement la nature des perturbations enregistrées selon que l’on se trouve à l’ouest, au centre ou à l’est du territoire national. A l’ouest, a expliqué le Commandant Suprême des Forces Armées de la RD Congo (FARDC), sévissent aussi bien une forme de banditisme urbain que des tentatives insurrectionnelles à l’actif d’acteurs politiques bénéficiaires de mesures d’amnistie et donc récidivistes. A l’exemple du député Central Kongolais Ne Mwanda Nsemi.
Au centre du territoire national, dans les provinces kasaïennes, Joseph Kabila reconnaît avoir été induit en erreur : l’insurrection Kamwina Nsapu a été minimisée au départ et le phénomène mal abordé. « J’aurais dû diligenter plus tôt les forces armées pour rétablir la paix », a reconnu le président de la République. Qui a révélé que les acteurs politiques locaux et la communauté internationale avait par la suite tenté d’instrumentaliser l’insurrection terroriste.
A l’est, Joseph Kabila a épinglé quatre points chauds au Sud et au Nord Kivu, en Ituri et au Maniema. Au Sud Kivu, le Chef de l’Etat a évoqué le cas Yakutumba, amnistié à la demande du défunt Révérend Abbé Malumalu, qui aussitôt retourné chez lui s’est remis à la rébellion. Mais l’homme et ses troupes sont aujourd’hui en débandade, a assuré Joseph Kabila. Au Nord Kivu, les perturbations sécuritaires sont le fait aussi bien des ADF/Nalu que de diverses milices mai-mai. Kabila a fermement condamné la constitution de milices ethniques hutu, nande … sous prétexte de protection des communautés. Et invité les élus à effectuer des missions de conscientisation des populations locales. Tandis qu’en Ituri, « … nous avons déployé l’armée pour rétablir l’ordre et favoriser le développement », a assuré le président de la République.
Sur la question du financement des élections, l’autorité morale de la MP a reconfirmé la volonté du gouvernement de la République de financer les opérations électorales. Faisant observer que l’organisation des élections dans les pays voisins comme le Congo Brazzaville, l’Ouganda ou le Rwanda, les gouvernements finançaient les élections sans l’intervention de la communauté internationale, s’interrogeant à haute voix sur l’insistance de la même communauté internationale à s’immiscer dans le processus électoral rd congolais. Joseph Kabila a ainsi rappelé l’indépendance de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), vis-à-vis des partis politiques autant que des pays étrangers. C’est sur ce volet électoral que l’autorité morale de la MP a tenu à conscientiser les élus de sa famille politique. Il n’existe pas de force politique réellement structurée à l’opposition et la MP peut remporter les prochains scrutins s’il n’y a pas de traîtres dans ses rangs, a assuré Joseph Kabila.
La conférence de Genève sur la crise humanitaire rd congolaise a aussi fait l’objet de la communication de Joseph Kabila à la Cité de l’OUA. Le gouvernement n’avait été consulté ni sur la date ni sur les termes de référence de cette levée de fonds, a indiqué le Chef de l’Etat, qui a rejeté les chiffres onusiens sur cette crise humanitaire. Le gouvernement œuvre à la réinsertion des populations rd congolaises, a expliqué Joseph Kabila, rappelant l’affectation de 100.000 USD décidée à cet effet.
Les débats en cours sur le problème de la double nationalité a également retenu l’attention du président de la République. Ici aussi, Joseph Kabila est demeuré égal à lui-même et nullement disposé à la moindre concession. « Sur la double nationalité, j’ai le devoir de défendre la constitution », a-t-il déclaré à ses interlocuteurs. Mais pas seulement, Joseph Kabila a soutenu que le moratoire sur la nationalité était «une bêtise » qui du reste ne devait durer que 3 mois. Pas la peine de l’évoquer a-t-il expliqué.
J.N.