Ils semblent encore KO debout, pour utiliser le langage sportif auquel l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga est familier. Dans le camp de Moïse Katumbi Chapwe, ci-devant candidat déclaré à une candidature bien hypothétique à la prochaine présidentielle, c’est le désarroi qui s’affiche. Et le retour à la bonne vieille recette de l’alibi électoral, consistant à accuser la majorité au pouvoir et son chef, le président Joseph Kabila de « ne pas vouloir organiser des élections en RD Congo » alors que tout dans les faits indique plutôt le contraire.
Certes, l’argument ne paie pas de mine et ne convainc plus grand monde. Mais ici, on s’y accroche avec l’énergie du désespoir. Dans l’espoir de mobiliser les gros bras de tout ce que le monde compte d’interventionnistes contre le quatrième chef d’Etat congolais afin de le « dégager » par on ne sait quelle pirouette. La fin de la semaine dernière a été marquée par des sorties médiatiques qui tournent toutes, d’une manière d’une autre, autour de l’hypothèse de la non organisation des élections en décembre prochain. Même si, quelques jours auparavant, le gouvernement avait donné une preuve supplémentaire de sa détermination à se soumettre aux contraintes calendaires imposées par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) avec l’approbation de la quasi totalité des parties prenantes congolaises et des partenaires extérieurs. Mercredi 28 mars 2018, Henri Yav Mulang, l’austère et peu disert ministre des Finances du gouvernement central, avait remis un chèque de plus de 22 millions USD au président de la CENI au titre de financement électoral, conformément au schéma convenu auparavant. Un décaissement qui intervient quelques jours seulement après que le gouvernement eut annoncé qu’il avait pris la résolution de financer seul la totalité du processus qui mène aux trois scrutins fixés au 23 décembre 2018. Et invité les bienfaiteurs extérieurs qui se bousculent depuis au portillon pour apporter leur obole audit processus dans le but de le contrôler au mieux de leurs intérêts propres d’orienter leur soudaine générosité vers d’autres secteurs comme l’éducation, les infrastructures ou la santé publique.
Faute de pouvoir démontrer l’indémontrable, Moïse Katumbi et ses amis ont choisi de jouer le jeu du discrédit.
Jeudi 29 mars 2018, c’est la version en ligne du quotidien bruxellois La Libre Belgique, dont on connaît les accointances avec le richissime chairman du TP Mazembe, qui a donné le ton repris en écho par les porte-voix locaux de la plateforme « Ensemble », lancé récemment par l’ex gouverneur à Johennesburg. Sous la plume de son chargé des contacts médias, Hubert Leclerq, La Libre Afrique a annoncé un « plan secret de Kabila (qui) divise la majorité ». L’édition rd congolaise du journal belge créée expressément pour promouvoir les vues de Katumbi que Joseph Kabila « n’organisera qu’une partie des élections attendues à la fin de l’année et prétextera des problèmes financiers pour compromettre la présidentielle ». Aucune source crédible n’est citée à l’appui de ce véritable procès d’intention qui succède à une cascade d’autres tissés autour du mythe de « la volonté de Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir par la force ». Naturellement. « C’est en fait une concession partielle à la réalité. Face aux avancées indéniables vers les élections, les milieux les plus extrémistes de l’opposition congolaise se lancent dans une course folle pour déceler et brandir à l’opinion toutes les incertitudes susceptibles de conforter leur propre refus d’aller aux élections », explique un politologue de l’Université de Kinshasa aux rédactions du Maximum.
Seulement, si le journaliste belge Hubert Leclerq comprend aisément les desseins de Moïse Katumbi, il se méprend lourdement sur les réalités politiques rd congolaises. « La Kabilie a pris conscience que l’élection présidentielle sera placée sous très haute surveillance. Il sera difficile de tricher à grande échelle. Or tout le monde a compris que sans ce tripatouillage massif, la majorité présidentielle n’a aucune chance de passer. Il faut donc d’abord faire en sorte que la présidentielle suive les législatives. La majorité parlementaire qui pourrait sortir de ces législatives truquées, parce que moins surveillées, serait largement en faveur des Kabilistes. Suffisamment pour leur permettre de revoir la constitution et de modifier le mode de désignation du président. Le président serait donc élu au scrutin indirect par les députés », écrit-il en embouchant les trompettes de la propagande de son mentor. Faussement, au point de faire dire à un confrère pourtant proche lui aussi des radicaux, mais un peu nostalgique et écœuré par tant d’inexactitudes que « ces confrères européens, tout de même, moi qui les croyais à cheval sur la déontologie et omniscients ! ».
C’est que, contrairement à la chronique de Leclerq, en décembre prochain, il n’y aura guère de législatives avant la présidentielle, mais bel et bien trois élections en une seule séquence : les législatives nationales, les législatives provinciales et la présidentielle, et ce, conformément à l’accord du 31 décembre 2016, dit Accord de la Saint Sylvestre. Donc, ou bien les trois scrutins se tiendront, ou bien aucune élection n’aura lieu à cette date. Mais le coup de massue reçu au début de la semaine dernière avec la révélation des 17 ans de nationalité italienne de l’ancien gouverneur de l’ex. province du Katanga semble avoir des effets catastrophiques chez les affidés de Katumbi, suffisamment pour que ce qui ressemble bien à l’exécution d’un mot d’ordre consistant à discréditer un processus auquel ne prendra manifestement pas part leur généreux patron soit exécuté sans le moindre recul. Dans une interview à des confrères en ligne, Mike Mukebayi, un ancien confrère proche des radicaux qui a troqué sa plume et embrassé la carrière politique dans les rangs des katumbistes, affirme lui aussi que « tout est fait organisé pour reporter les élections et écarter Katumbi de la course ». Pour l’ancien confrère, la condition de la nationalité pourtant reprise expressis verbis dans la constitution et la loi électorale « ne serait pas un motif juridique suffisant » pour que Moïse Katumbi ne concoure pas à la prochaine présidentielle (sic !). Et d’ajouter, pince sans rire que le décaissement de quelques 22 millions USD mercredi par le gouvernement pour la CENI n’est « pas suffisamment rassurant ».
La sortie médiatique de Kyungu wa Kumwanza le même week-end à Lubumbashi baigne dans les mêmes eaux troubles. Le coordonnateur de la nouvelle plateforme « électorale » de Moïse Katumbi, que les observateurs tiennent plutôt pour le camp du boycott des scrutins de décembre prochain, a tenu meeting dans la capitale cuprifère. Pour assurer qu’il n’y aurait pas d’élections si Katumbi n’était pas admis à concourir. « On connaît son village, on connaît son père. Les nombreux témoignages, dont ceux récemment des chefs coutumiers, en font foi », a mollement expliqué celui que l’on surnomme ici « Baba wa Katanga » à ses partisans. Kyungu wa Kumwanza faisait notamment allusion aux origines Bayeke de l’ancien gouverneur de l’ex. Katanga, exhumées quelques jours auparavant par des personnes prétendant représenter des autorités coutumières de la région. Une dame, se présentant comme une princesse Bayeke avait soutenu au sujet de la génitrice de Katumbi que « notre chère cousine et mère de Moïse Katumbi s’appelait Virigine Mwenda Chapwe. Elle est décédée à Lubumbashi le 26 septembre 1990. Elle était la fille de Kalasa Musengezi, fille du mwami Kalasa Mukanda-Bantu, fils et 1er successeur du mwami Ngelengwa Shitamba M’Siri. Moïse Katumbi Chapwe est bel et bien le neveu de l’actuel mwami des Bayeke ».
Mais, loin de régler le problème de la nationalité du chairman du TP Mazembe, ces « révélations » sont lourdes de conséquences, bien au contraire. Muettes sur les origines paternelles du candidat à la candidature, « ces révélations ont le défaut d’épaissir le flou sur la nationalité de Katumbi en cherchant à le couvrir par une prétendue organisation matriarcale dans ce coin de la RDC », explique ce sociologue, ancien enseignant à l’Université de Lubumbashi. « D’une part, on peut même être de père et de mère congolaise et acquérir une nationalité étrangère. D’autre part, les tribus de ce coin de la RD Congo sont patriarcales et très regardantes à cet égard. Il est donc vain de vouloir faire admettre le principe de l’acquisition de la nationalité par le fait qu’une mère supposée était congolaise », explique-t-il. L’affaire Katumbi reste donc plus confuse que jamais et justifie bien le dossier judiciaire ouvert à son sujet par le Parquet.
J.N.