Au cours d’un séjour déterminant pour le processus de passation démocratique du pouvoir en RD Congo, puisqu’il a déterminé la décision de l’Administration Trump de s’aligner sur le soutien au processus électoral en cours dans ce pays, Nikki Haley, comme beaucoup d’autres diplomates ou envoyés occidentaux, n’a pas loupé l’escale des territoires Est rd congolais. Le 26 octobre 2017, l’ambassadrice américaine aux Nations-Unies et Envoyée spéciale du Donald Trump au Soudan et en RD Congo a effectué un voyage express à Goma, qui l’a conduit jusqu’à Kitchanga. Un voyage effectué alors que rien de particulier, tout au moins pour le Congolais lambda, ne se passait dans la région. Ce qui a poussé un internaute kivutien de se demander pour quelle raison la quasi-totalité de plénipotentiaires occidentaux en séjour au pays de Lumumba ne manquait jamais d’effectuer un petit tour par-là. Et de s’interroger ce qui pourrait justifier un tel intérêt pour la petite bourgade de la province du Nord Kivu qu’est Kichanga, par exemple.
En réalité, ce qui n’était connu que de quelques initiés est devenu une évidence pour le commun des observateurs et analystes. A elles seules, les richesses minières de l’Est de la RD Congo constituent un motif des interminables confrontations armées qui déstabilisent régulièrement cet espace et risquent, si on n’y prend garde, d’atteindre l’échelle planétaire. C’est « une des régions les plus géostratégiques du monde et sa stabilité a un impact direct sur les marchés mondiaux des minerais et des technologies associées », écrit A. Korybko. Après la guerre du coltan des années ‘2000, une paix précaire règne dans la région parce que les puissances financières mondiales se procurent les ressources dont elles ont besoin dans la région directement tant auprès de quelques sociétés en ordre avec la législation nationale en vigueur en RDC que, plus discrètement chez certains parrains des groupes rebelles ougandais et rwandais. Il est de notoriété publique en effet que nombre d’opérateurs continuent à travailler de manière informelle auprès d’intermédiaires rebelles et de fonctionnaires corrompus, facilitant ainsi l’accès à ces ressources incontournables pour leurs industries et permettant leur vente sur le marché mondial, selon cet analyste américain.
Toutefois, si la région sombre à nouveau dans une violence incontrôlable, non seulement cela aboutira non seulement à perturber les courants commerciaux existants, mais aussi à créer une situation où un acteur inconnu pourra s’adjuger le contrôle de toutes ces richesses minérales, ce qui lui permettrait de devenir à lui tout seul une superpuissance dans ce domaine industriel d’importance mondiale. La division ‘de facto’ de la région entre les acteurs non gouvernementaux affiliés aux gouvernements ougandais, rwandais et congolais a créé une sorte d’équilibre inavoué entre les forces économiques et militaires qui empêche pareille éventualité qui ne serait rien moins que cauchemardesque aux yeux de certains jusqu’à ce jour. L’étude révèle néanmoins que si Kinshasa avait la capacité de regagner la pleine souveraineté sur ses territoires orientaux, le pays pourrait rapidement devenir une puissance continentale grâce à une exploitation correcte de cette position de fournisseur de minerais stratégiques. Avec les avantages et retombées qui en résulteraient. Et cela, il semble que tout est fait par tout le monde pour ça n’arrive pas ou, à tout le monde que cela n’arrive que le plus tard possible, pour des raisons évidentes.
En raison de l’ampleur des enjeux géostratégiques et économiques, le renouveau des conflits dans la région des Grands Lacs africains pourrait facilement devenir une crise mondiale, surtout si elle est déclenchée par la menace d’un changement de régime qui plane sur les Congolais. L’intérêt suprême des États-Unis pour que cela se produise est soit de perturber le flux de minerais sortant du Congo pour affaiblir la capacité industrielle de la Chine dans ce domaine, soit de commencer le processus de réorganisation géostratégique de la région riche en minerais et de soutenir une force économie hégémonique régionale pour consolider toutes ses richesses naturelles sous un seul commandement intégré, estime A. Korybko. Alors que les États-Unis feraient face à des degrés divers à des « dommages collatéraux » dans le cas d’un troisième effondrement possible du Congo-Kinshasa depuis l’indépendance, certains pourraient cyniquement parier qu’ils ont encore plus à gagner avec un tel gambit et la fabrication d’une guerre majeure pour assouvir leurs intérêts personnels dans un jeu à somme nulle avec la Chine.
J.N.