Elle sera quasiment passée inaperçue, la seconde célébration eucharistique présidée par le cardinal Monsengwo en mémoire des victimes des marches dites des chrétiens vendredi 9 février 2018 en la Cathédrale Notre Dame du Congo. La célébration a pourtant été ponctuée par un « mot des prêtres, religieux et religieuses kinois » qui, on peut le deviner, épouse les desseins politiques de l’archevêque de Kinshasa contre le pouvoir en place. Le « courrier » signé par un « rapporteur » des prêtres, adressé au pouvoir actuel, est de nature à faire changer la médiocrité camp. Incroyable après des siècles d’évangélisation catholique : on se croirait retourné à l’époque médiévale, lorsque la papauté faisait trembler le pouvoir politique en agitant le sceptre de l’ire divine. A Kinshasa, en 2018, les prêtres de l’église catholique romaine menacent les autorités de foudres divines si elles ne se confessent pas. « Les dirigeants politico-administratifs, civils et militaires de cette ville et de ce pays qui se livrent à ce sacrilège savent-ils qu’ils se rendent coupables de peines spirituelles qui peuvent leur être infligées par le pouvoir sacerdotale dont les prêtres sont porteurs ? », écrivent les mousquetaires du cardinal. Sans doute inspirés par leurs précurseurs dans la fonction, ces prêtres coloniaux qui faisaient croire aux acolytes que « le pain béni volé à la sacristie se transformait en sang dans la bouche du voleur ». Et ignorant du fait qu’il n’existe pas d’acolyte qui n’ait pas cédé à la tentation de manger secrètement de ce pain, qui n’ignore pas que derrière l’histoire de transformation en sang se cache un gros et ridicule mensonge.
« Nous allons porter la lutte à son niveau mystique », ont-ils énoncé les dans ce message manifestement destiné aux forces de l’ordre chargés du maintien et de la préservation de la sécurité publique, plus qu’aux autorités, peu susceptibles de céder à ce type de chantage un tantinet infantile. « Comme si des prêtres menteurs et pécheurs pouvaient avoir quelque pouvoir mystique que ce soit », ironise cet ancien séminariste, qui explique que le pouvoir mystique reçu à l’ordination sacerdotale ne s’exerce que chez le prêtre qui pratique la vertu et s’abstient de commettre des péchés. Et vendredi dernier, ses « abbés du cardinal » ont menti plus d’une fois : en présentant les victimes de la marche du 21 janvier comme des chrétiens, alors que tout le monde sait qu’il n’en est rien à l’exception de la fille atteinte par une balle à Kintambo ; et en se présentant comme des victimes de leur liberté d’expression, alors que les prêtres violentés l’ont été par les actions politiques posés, dans les rues, comme tout citoyen. « Nous nous rappelons aussi l’amertume des souffrances morales et physiques que le pouvoir en place fait subir aux chrétiens et aux prêtres depuis le 31 décembre 2017. Nous sommes devenus la cible de leur terreur », écrivent encore les abbés de Monsengwo. En commettant un péché par omission qui leur fait taire le fait qu’un mois avant le 31 décembre 2017, ils faisaient tinter cloches et autres objets sonores pour « dégager » le pouvoir en place. Et que si souffrance physique il y a eue, elle est due d’abord à leur activisme politique. « Sur ce terrain-là, ce n’est pas comme à la sacristie, la souffrance est habituelle », a raillé un pasteur d’une église de réveil à Kinshasa.
Le pire, c’est cette espèce de réaction d’enfants gâtés. Le mot des prêtres catholiques aux autorités est une litanie des droits dont ils revendiquent l’exercice à sens unique. Abbés, pères, sœurs n’auraient, à les en croire, aucune obligation sociale, ainsi qu’il est dit dans leur déclaration. « Nous versons nos larmes en notre qualité de Prêtre, de Prophète et de Roi », écrivent-ils. Traduction : un prêtre, un prophète, un roi, ça n’est soumis à aucune obligation vis-à-vis de la cité et vis-à-vis du « vulgus » (le commun des mortels), ni à aucun devoir.
Ci-après le texte intégral de ce texte qui révèle que la médiocrité n’est pas toujours là où l’on croit.
J.N.
MOT DES PRÊTRES, RELIGIEUX ET RELIGIEUSES KINOIS A L’OCCASION DE LA CÉLÉBRATION DES OBSÈQUES DES VICTIMES DE LA MARCHE PACIFIQUE DES CHRÉTIENS DU 21 JANVIER 2018.
Nous prenons la Parole au nom du presbyterium et de tous les consacrés œuvrant dans l’archidiocèse de Kinshasa pour nous adresser au pouvoir actuel de notre pays à l’occasion des funérailles ecclésiastiques des victimes de la marche pacifique des chrétiens du 21 Janvier 2018. Il est vrai que nous nous sommes rassemblés aujourd’hui pour prier en faveur de ces derniers morts dont une fille qui se préparait à se consacrer à Dieu pour servir les pauvres. Il est aussi vrai que lorsque nous pleurons ces morts du 21 Janvier, nous sentons remonter en nous, les douleurs causées par les tueries du 31 décembre 2017 et le massacre de beaucoup d’autres congolais (plus de Huit millions parmi lesquels les évêques, les prêtres, les religieux et les religieuses) qui sont morts partout dans notre pays depuis le début de la tragédie que nous situons en 1997. Nous sommes venus prier pour que le sang de ces dernières victimes mêlé au sang de nombreux congolais massacrés innocemment ne reste pas sans féconder les efforts de survivants que nous sommes.
Oui, lorsque nous pleurons et prions pour ces dernières victimes, nous nous rappelons aussi l’amertume des souffrances morales et physiques que le pouvoir en place fait subir aux chrétiens et aux prêtres depuis le 31 décembre 2017. Nous sommes devenus la cible de leur terreur. Une terreur jamais connue dans cette ville qui est allée jusqu’à déshabiller publiquement un prêtre, des prêtres sont fréquemment molestés, insultés même à travers les medias de l’Etat, brutalisés et kidnappés en plein exercice de leurs services pastoraux, etc. Des cures et couvents constituaient des endroits les plus sécurisants sont devenus des lieux d’insécurité. Aujourd’hui à 2h les prêtres de Saint Théophile de Kimbanseke ont été dévastés par des bandits. C’est du jamais vu dans cette ville. Quel sacrilège et quelle indignité pour un pays majoritairement chrétien.
C’est du dedans de cette lamentation que nous les prêtres, religieux et religieuses voudrions, à l’instar des prophètes de l’Ancien Testament, de Jésus-Christ lui-même et de ses apôtres, pleurer sur la ville de Kinshasa et sur ses dirigeants politico-administratifs, civils et militaires. Nous portons le combat de la libération du Congo à son niveau mystique. Nous voudrions pleurer sur ce pays la République Démocratique du Congo et sur ses dirigeants ainsi que leurs alliés locaux et internationaux. Nous versons nos larmes en notre qualité de Prêtre, de Prophète et de Roi. Nous sommes des milliers de Congolais qui avons fait le sacrifice de notre vie à Dieu pour le service de plus pauvres. Nous œuvrons sans but lucratif et nous nous dévouons à offrir tous les jours des sacrifices spirituels et des services sociaux dans des conditions inacceptables pour le bien de ce pays.
Nous ne sommes pas des politiciens, nous ne sommes ni de gauche ni de droite. Nous sommes des prêtres et entant que tels, nous avons la mission prophétique de veiller sur la bonne marche de la cité. Cette mission prophétique qu’aucun politicien sensé n’ignore est légale. Malgré les grandes études que fait le prêtre, il ne se dérobe pas de la mission que le Christ lui a confiée. Il est toujours à coté du peuple. C’est ainsi que le prêtre peut s’exprimer sur la situation actuelle avec beaucoup de certitudes. Le prêtre voit la lumière où vous voyez l’obscurité, il voit l’avenir où vous voyez le néant, il voit l’espérance quand vous parlez de doute, il est sans peur quand vous vous versez dans l’anxiété, il s’ouvre à l’amour lorsque vous vous enfermez dans la haine.
Si, en effet, vous les dirigeants sentez l’obligation de réprimer dans la violence le droit du peuple à la manifestation, tolérez aussi que le prêtre ait l’obligation de dénoncer cette barbarie. Nous sommes conscients de la confiance que vous faites à vos armes pour réprimer les pauvres qui crient leur souffrance et leur désolation. Mais soyez en sûrs, à vous les armes et à Dieu la victoire. Dieu est amour. Nous croyons à son amour. La haine qui envahit aujourd’hui les cœurs de beaucoup de nos dirigeants n’influencera en rien l’amour du Christ qui habite le cœur du prêtre. Car le Christ est toute bonté. Nous vous recommandons d’éviter toute sorte de stratégie inspirée par la peur, la malveillance, la haine, l’égoïsme, la déloyauté. Inspirez-vous par l’amour. Regardez autour de vous. Vous ne voyez rien ? Regardez à votre intérieur. Vous ne sentez rien ? Le mal a pris possession de notre cité. Un mal qui évolue comme un virus dans le cœur de tout le peuple. Heureusement il y a encore les fils du pays, les vrais fils du pays qui tiennent encore les torches allumées dans ce tohi-bohi d’obscurité.
Le prêtre joue son rôle. Il ne se taira jamais parce que vous l’avez molesté ou avez tué son confrère. Nous avons un devoir sacré de prier pour le pays et ses dirigeants, de les accompagner par nos sages conseils éclairés par la Parole de Dieu. Nous avons également le droit de dénoncer les dérives des gestionnaires du pays pour préserver l’avenir de la cité contre les maux multiformes qui caractérisent la gestion calamiteuse de notre pays comme nous le déplorons tous depuis ces dernières années. C’est fort de cela, que nous soutenons l’action du Comité Laïc de Coordination tendant obtenir l’application intégrale des accords du 31 décembre 2016. Comment alors comprendre que l’exercice d’une telle noble mission provoque la violence et poussent les dirigeants du pays à s’en prendre aux prêtres ? Les dirigeants politico-administratifs, civils et militaires de cette ville et de ce pays qui se livrent à ce sacrilège savent-ils qu’ils se rendent coupables de peines spirituelles qui peuvent leur être infligées par le pouvoir sacerdotale dont les prêtres sont porteurs ? Nous en appelons donc à la conscience de chacun. On ne protège pas son pourvoir par des actes de sacrilège et de profanation. Pour votre délivrance, vous qui avez commis et qui commettez encore des profanations à l’endroit du sacré par vos actes, vos projets, vos propositions ou vos interventions dans les médias, passez au confessionnal. Beaucoup parmi vous êtes catholiques. Vous connaissez bien l’Eglise ou par votre foi ou par la formation intellectuelle reçue. Il ne peut y avoir l’inadéquation entre la foi que vous proclamez à l’Eglise et l’exercice de votre pouvoir temporaire.
Quant à nous, prêtres, religieux et religieuses, nous vous pardonnons. Nous sommes les hommes de Dieu. Il ne faut pas chercher à nous intimider par des mensonges dans les médias, les appels de menaces à la mort, des arrestations arbitraires, des projections pour nous tendre des pièges afin qu’on vous laisse tranquille. Il faut plutôt instaurer la justice et le droit. Vous verrez que vous serez satisfait et fier de vos œuvres. Dans la situation actuelle, personne n’est à l’aise. Cherchons la voie de l’amour et non des armes. Travaillez pour le bien-être de tous et non pour l’argent. Battons-nous pour construire la vérité et non le mensonge. Quelque soit la falsification, la vérité trouve toujours son sentier. Cessez de gaspiller vos énergies pour vous renseigner sur nous. Car vous ne trouverez rien d’autre sinon ce que vous connaissez déjà du prêtre ou de la religieuse. Nous allons continuer à prier pour vous et pour l’ensemble de notre pays. C’est pourquoi prêtres, religieux et religieuses se concentreront à des exercices spirituels spéciaux pour l’expiation des péchés de tous ceux qui ont nui à l’Eglise et aux innocents durant cette période difficile. Une intention particulière est réservée aux dirigeants de cette ville et de ce pays. Et voici notre agenda.
– Mercredi 14 février : mercredi des cendres journée de sacrement de pénitence
– Du jeudi 15 au samedi 17 février : 3 jours de jeûnes et prières avec des thèmes répartis de la manière suivante : jeudi 15 (pour ceux qui nous font souffrir), vendredi 16 (pour les chrétiens persécutés) et samedi 17(pour la paix et la justice).
Les prières de ces trois jours sont aussi en connexion avec nos pères les évêques qui seront en session extraordinaire de la Cenco.
– Vendredi 23 : journée de prière par la recommandation du Pape
Nous demandons aux fidèles d’être du même cœur avec leurs prêtres
Que vive notre Dieu
Que vive notre Eglise
Que vive l’Etat de droit en RDC
Au nom de tous les prêtres, religieux et religieuses nous vous remercions.
Abbé Jean-Marie KONDE (rapporteur)
11/02/18, 10:23