Les cloches des églises de Kinshasa mises à contribution pour faire partir Joseph Kabila et sa majorité du pouvoir, manifestations publiques de contestation les 31 décembre 2017, puis le 12 janvier 2018, le tout sur fond d’un discours incendiaire digne de plus extrémistes djihadistes : le cardinal archevêque de Kinshasa est passé à la vitesse supérieure dans son combat politique contre le régime en place en République Démocratique du Congo. Aucun doute la dessus : Laurent Monsengwo ne s’encombre plus de gants, même de l’onctuosité épiscopale. Outre les motivations politiques d’importation déjà révélées par nombre de médias en RD Congo et à travers le monde, le va-tout du cardinal marqué par une nette précipitation ne tient pas seulement au calendrier électoral, qui fixe les scrutins présidentiel et législatifs à décembre 2018. Des sources au sein du clergé kinois ont rapporté à nos rédactions que le prélat n’a plus devant lui que trois mois pour agir. Car il a non seulement passé l’âge de la retraite pour la gestion « exécutive » d’une juridiction épiscopale, fixé normalement à 75 ans par les lois canoniques, mais qu’il aurait également été d’ores et déjà appelé à s’établir à la cité du Vatican en vue d’y exercer les fonctions plus protocolaires de conseiller de Sa Sainteté le Pape François auxquelles il a été désigné il y a quelques temps. Une nomination qui même si elle sonne comme une élévation, et est présentée comme telle par ses nombreux filleuls au sein de l’église catholique locale, ne semble pas satisfaisante aux yeux du très ambitieux ex. président du parlement de la transition de l’ex-Zaïre. Et lui fait perdre la rente de situation qui lui permettait d’influer de manière « efficace » sur les affaires temporelles de la RD Congo auxquelles il a toujours été si attaché.
Les usages subtils en vigueur dans la hiérarchie de l’église catholique romaine veulent en effet qu’un évêque qui s’approche de l’âge de la retraite en informe de lui-même le Souverain Pontife et lui adresse une lettre de démission le jour anniversaire de ses 73 ans. Toutefois, cette démission n’est effective que si le Pape l’accepte. Le silence du successeur de Saint-Pierre étant considéré comme une autorisation tacite de continuer à assumer ses obligations et tâches cléricales par l’impétrant. Le Cardinal archevêque de Kinshasa, bientôt 79 ans, a pu continuer à administrer à sa guise cette grande juridiction au cours de ces trois dernières années. Selon notre source, plutôt que d’accepter la démission de Laurent Monsengwo Pasinya, le Pape François le déplace à Rome où il siégera désormais de manière permanente parmi ses conseillers. Une manière ou une autre pour le Saint-Père de « gérer » de manière mutuellement avantageuse et sans heurter le droit canon les penchants politiciens manifestement irrésistibles de ce prélat respecté mais problématique.
La source du Maximum indique que c’est dans trois mois exactement que Laurent Cardinal Monsengwo a été appelé à faire ses valises pour rallier Rome. « C’est ce qui explique sa hargne à multiplier des appels à manifester contre un régime qu’il a toujours exécré, et qui, selon ses calculs, risquerait de se succéder à lui-même en cas de passation de pouvoir par des voies démocratiques en RD Congo, compte tenu de l’extrême inanité de l’opposition politique du pays », estime-t-elle.
Pas de répit à attendre pour Joseph Kabila et sa majorité présidentielle au cours des trois prochains mois de la part de celui qui est encore jusqu’à son départ vers la ville éternelle le chef tout-puissant de l’église catholique de Kinshasa. Pas étonnant dans ces conditions que le Comité Laïc de Coordination (CLC), son bras armé, ait appelé à une nouvelle manifestation publique dimanche 21 janvier prochain, pour tenter d’en découdre une fois de plus avec les forces de l’ordre, parce qu’aucun itinéraire n’est, une fois de plus, indiqué. Seulement l’habillage chrétien habituel, pour entraîner les fidèles dans une manifestation politique qui ne peut que dégénérer si elle parvenait à parcourir le moindre kilomètre dans les artères populeuses de la capitale de la RD Congo, selon les observateurs. « Main dans la main comme d’habitude, nous allons marcher pacifiquement avec nos rameaux de paix, nos bibles, nos chapelets et nos crucifix pour sauver le Congo, notre patrimoine commun, dans le respect sacré des personnes et des biens », peut-on lire sur ce énième communiqué du CLC. Qui s’adresse aux compatriotes de Kinshasa, des provinces et de l’étranger en vue de la réussite de manifestation « pour libérer l’avenir et faire de notre pays une terre de paix, de dignité, d’hospitalité et de progrès pour tous ».
Jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse, dimanche 14 janvier dans la soirée, les autorités municipales n’avaient pas encore réagi à ce nouvel appel à peine voilé à l’insurrection populaire. Mais certaines sources ont fait état à la fin de la semaine dernière de poursuites pénales formellement engagées contre les animateurs de CLC, parmi lesquels deux universitaires en délicatesse avec Joseph Kabila, l’un pour avoir vu le Chef de l’Etat réserver une fin de non recevoir à sa demande de le désigner ministre des Affaires étrangères après un mandat peu concluant à la tête du Commissariat général à la Francophonie, et l’autre pour avoir été évincé du juteux poste de Administrateur directeur général de la Régie des voies aériennes pour indélicatesses de gestion. Des poursuites qui pourraient prendre effet au courant de la semaine qui commence.
De même qu’il demeure, malgré les dénégations véhémentes et de pure forme de la présidence de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) qui a apporté son soutien au Cardinal archevêque de Kinshasa la semaine dernière, et démenti toute division parmi les princes de l’église, aucun écho n’a été fait par l’épiscopat national à l’appel à faire tinter les cloches des églises paroissiales dans les diocèses de l’intérieur ou à poursuivre l’opération au cours de la messe dite des morts, vendredi 12 janvier dernier. Quant à l’appel à marcher dimanche 21 janvier, les observateurs doutent qu’il soit suivi d’effets escomptés : à Bukavu, par exemple, l’archidiocèse dirigé par Mgr François Marroy appelle plutôt les chrétiens à manifester pour que les élections se tiennent. Comme le 31 décembre dernier, il n’est pas évident que des évêques obtempèrent au mot d’ordre d’une organisation informelle qui n’est en réalité que le bras armé d’un de leurs collègues.
J.N.