En s’en prenant en des termes crus à la classe dirigeante de la République Démocratique du Congo, le Cardinal Monsengwo ne savait pas qu’il ouvrait une boite à Pandore. En tout cas depuis qu’il est revenu en trombes sur l’arène politique congolaise pour soutenir ses poulains du ‘’Comité Laïc de Coordination’’ dont la manifestation du 31 décembre 2017 a fait flop, Mgr. Laurent Monsengwo s’est exposé au retour de manivelle. A considérer l’avalanche de révélations qui l’éclaboussent depuis le début de ce mois de janvier 2018, on serait tenté de croire qu’il y en a qui attendaient l’archevêque de Kinshasa au tournant. La haute ville avait toujours su que le Cardinal était un politique roué qui a toujours mené rondement ses affaires sous le couvert de sa calotte sacrée depuis, que le dard de la politique politicienne l’avait piqué dans les années 60, déjà !
Bal des chauves à l’église
Ancien étudiant de l’Université Pontificale du Vatican où il a défendu brillamment une thèse en exégèse biblique en 1970, Laurent Monsengwo disposait d’un lourd carnet d’adresses allant au-delà des hautes sphères ecclésiales. Le Cardinal Joseph Ratzinger, devenu le Pape Benoit XVI, n’était pas loin d’être un de ses confidents ; ce qu’est à coup sûr l’ancien Cardinal jésuite argentin Bergoglio (actuel Pape François). L’homme fort de l’Eglise catholique de la RDC est parvenu bon an mal an à mettre dans sa poche la puissante CENCO où il tient en respect beaucoup de ses pairs évêques qui mettent un point d’honneur à s’éviter des ennuis avec Rome. La plus grande preuve de son influence sur l’épiscopat national a été l’élévation d’un de ses proches parents et protégés, l’Abbé Donatien N’shole, catapulté secrétaire général, donc porte-parole de ce syndicat des évêques.
Le Cardinal semble avoir, de l’avis de beaucoup de prêtres, négligé l’apostolat pour le salut des âmes servir de caution à des projets politiques souvent conçus dans des officines étrangères. Sinon, comment comprendre qu’au moment où l’Eglise catholique congolaise elle-même prend eau de toutes parts au profit des églises dites de réveil, aucune réunion de la CENCO n’ait tiré la sonnette d’alarme. A y regarder de près, si le Congo va si mal, c’est parce que que un des principaux animateurs au plus haut niveau comme lui semble avoir totalement démissionné de son rôle de conducteur des consciences. De moins en moins de gens croit aujourd’hui que ce prélat connu pour son népotisme et sa boulimie des honneurs « temporels » ait des leçons de moralité à donner à qui que ce soit. On y a évoqué depuis belle lurette de nombreux cas d’empoisonnements qui ne sont pas sans rappeler l’époque des Borgia au point que certains prêtres diocésains ne se hasardent plus à prendre leurs repas au réfectoire avec leurs collègues. Quant aux vœux de chasteté et de pauvreté, ils deviennent de plus en plus une simple figure de style. La plupart des membres du « clergé d’en bas », s’en ouvrent et accusent leur tout puissant primat qui lui, mène grand train, toujours entre deux avions vers l’Europe. C’est en fricotant dans les allées du pouvoir, pendant la deuxième République mobutiste, que Mgr. Laurent Monsengwo serait devenu un des associés de sociétés commerciales comme Agestraf gérée par un de ses proches.
Le va-tout d’un Cardinal frustré
De ce qui précède, il devient alors ahurissant de voir l’archevêque de Kinshasa s’exonérer de la faillite morale que lui reproche même ses collaborateurs pour s’en prendre à ceux des compatriotes qui essaient tant bien que mal de sortir l’ancien Zaïre du gouffre pour le placer sur l’orbite de l’émergence. En traitant des dirigeants politiques qui lui font ombrage de « médiocres », il ne fait que voir la paille qui est dans l’œil des autres alors qu’une grosse poutre se dresse dans le sien. ses deux yeux ? « Il est difficile de comprendre ce que le Cardinal entend par médiocre », estime ce politologue catholique pratiquant de l’Université de Kinshasa qui fait, à sa manière, une anamnèse des propos injurieux de l’Archevêque de Kinshasa. « S’agit-il des opposants qui ont rejoint le gouvernement ou d’éminents membres de la majorité qui ont préféré passer un bref séjour dans l’opposition pour vite s’emparer à nouveau frais du pouvoir ? ». Et de renchérir, « si c’est au fils du défunt Etienne Tshisekedi que l’Archevêque pense pour supplanter les médiocres qui doivent selon lui dégager de la direction des radicaux de l’opposition, comment un cinquantenaire n’ayant pour expérience professionnelle que la livraison de quelques pizzas peut-il être présenté comme la solution à la gouvernance du géant Congo alors qu’il n’arrive déjà pas à faire preuve de personnalité en gobant toutes sortes de couleuvres à coup de quelques billets verts offerts par un criminel fugitif avec lequel lui-même n’a pas hésité à s’afficher pour lui arracher un peu de son butin ? ».
Le nerf de la guerre
Beaucoup se sont laissés aller à la méprise consistant à considérer que le Cardinal Laurent Monsengwo aurait agi épidermiquement sur le coup de l’émotion dans son réquisitoire du 02 janvier 2018 contre le pouvoir qu’il a affublé de noms d’oiseaux. C’est mal connaître le fin politicien et calculateur qu’il a toujours été. Il connaît le microcosme politique congolais et ses tentacules néocoloniales comme sa poche. Ce n’est pas par hasard qu’il a personnellement effectué le déplacement de la Belgique avant la date présentée comme fatidique du 31 décembre 2017. Des fins limiers qui ont scruté ce périple stratégique de ce prince de l’Eglise parlent d’un pactole qu’il est allé récupérer auprès de certains milieux d’affaires belges pour pousser le régime au pouvoir à Kinshasa dans les cordes le 31 décembre dernier. Ce n’est donc pas pour rien que le Cardinal a été de tous les préparatifs de cette journée apocalyptique.
D’abord en guise de préparation des esprits à la révolte, des curés doyens de l’Archidiocèse ont été sommés d’appeler au retentissement des cloches de leurs paroisses respectives à des heures perdues de la nuit afin de donner le go à des concerts incongrus de casseroles, des klaxons et des vuvuzelas. Ensuite une curieuse organisation montée de toute pièce au nom de l’Archidiocèse et opportunément dénommée « Comité Laïc de Coordination » fera de la récupération politique du projet insurrectionnel sous le coaching avisé du Cardinal. Le soir du samedi 30 décembre 2017, au cours de la dernière réunion tenue à la paroisse Sainte Alphonse de Matete noire de monde à l’occasion avec un parking largement débordé, beaucoup de participants ne cacheront pas leur surprise de voir des billets verts être distribués pour parer au plus pressé lors de ce dernier réglage.
Cette journée pour la préparation de laquelle la main experte du Cardinal avait mis le plus grand soin va finalement se terminer en eau de boudin. Les 132 grandes paroisses de la capitale n’ont pas craché comme prévu des foules sensées déferler de toutes parts pour prendre en étau les forces de l’ordre. Sonné par le cours des événements, le Cardinal aurait alors littéralement perdu les pédales, ce qui explique l’acrimonie de ses propos dans sa sortie médiatique bruyante du 02 janvier qui n’avait rien d’épidermique. Il s’agissait tout simplement pour lui de montrer aux financiers commanditaires qu’il avait rempli le contrat et que la faute de l’échec avait provoqué une « barbarie des forces de l’ordre ».
Une vieille révélation troublante
Parmi les révélations croustillantes sur Mgr. Monsengwo qui font les choux gras de la presse en ce mois de janvier figure notamment une vidéo postée sur Youtube du Maréchal Mobutu dans laquelle le défunt dictateur accuse ouvertement le Cardinal d’être impliqué dans plusieurs sales besognes dont l’assassinat de certains membres du clergé catholique pour faire « place nette ». Beaucoup ont préféré mettre ce souvenir de l’ancien Chef d’Etat sur le compte de son excentricité légendaire sans chercher à en dénicher la moelle substantifique. Les connaisseurs de la scène politique zaïro-congolaise savent que les rodomontades du Maréchal étaient pourtant souvent l’occasion pour lui de dire certaines vérités.
Par ailleurs, il y a 15 ans jours pour jour, in tempore non suspecto, Colette Braeckman avait, elle aussi, abondé dans le même sens. Dans son ouvrage intitulé Les Nouveaux Prédateurs, politique des puissances en Afrique Centrale, paru en 2003 aux éditions Fayard, cette journaliste d’investigation spécialiste de la région des Grands-lacs a réservé le chapitre cinq au complot international qui a entraîné l’assassinat du troisième chef d’Etat congolais M’zee Laurent Désiré Kabila, prédécesseur et père de l’actuel président Joseph Kabila Kabange, sous le titre évocateur ‘’L’homme qui devait mourir’’. Elle indique en effet, avec force détails, que 36.000.000 de dollars américains avaient été gagés pour avoir la tête du leader lumumbiste-nationaliste. Et, coup de théâtre, à la page 123 au deuxième paragraphe, elle évoque formellement la partition jouée par l’actuel Cardinal Laurent Monsengwo dans cette diabolique conspiration. Citation : « Entre le 16 et le 20 janvier, il y avait du beau monde à Brazzaville, où l’on ignorait que le dispositif s’était enrayé grâce à un obscur agent double appelé Châtel : plusieurs ténors mobutistes, dont l’ancien Premier Ministre Kengo wa Dondo, avaient fait le voyage, Monseigneur Monsengwo également – pour le cas où l’on aurait eu besoin d’une caution ecclésiastique ».
Ce petit bout de phrase à lui seul suffit pour comprendre toute la haine viscérale que Monsengwo voue à Joseph Kabila, qui l’a empêché de joué une partition historique tant caressée. L’on retiendra également que depuis la parution du livre il y a 15 bonnes années, in tempore non suspecto, le Cardinal n’a jamais publié un seul démenti à cette allégation de Colette Braeckman qui, pour avoir donné cette brève indication, en sait certainement plus long. C’est à réaliser que le passé politique de l’Archevêque est un véritable trésor avec de multiples tiroirs qui n’ont pas encore fini de livrer leurs secrets.
JBD